Carnets du Business


           

Jean-François Tripodi : "Élus et professionnels doivent travailler main dans la main pour moderniser notre système de soins"




Mercredi 27 Juillet 2016




Pourtant, des polémiques ont récemment porté sur l’utilité économique et sociale des réseaux de soins. Que répondez-vous à ceux qui dénoncent une américanisation du système de santé français pilotée par les réseaux de soins ?

Je leur réponds vigoureusement que c’est tout l’inverse ! Effectivement certains experts, la plupart du temps autoproclamés et/ou mal renseignés, décrivent les réseaux de soins comme l’incarnation d’une ombre vampirique planant au-dessus de nos têtes. Mais eux-mêmes n’y croient pas, puisque généralement ils admettent en creux, faute de démontrer le contraire, les avantages des réseaux de soins ouverts. J’attire surtout votre attention sur le fait que certains de ces experts ont des motivations assez floues – peut-être inavouables ? – et entretiennent des liens ténus avec certains lobbies, qui n’hésitent pas à instrumentaliser les discours politiques des uns et des autres en période pré-électorale.

Donc si américanisation il y a, c’est plutôt à travers leur démarche de lobbying que dans notre démarche d’amélioration de l’accès aux soins ! Cela pose, à mon sens, de graves questions démocratiques, car l’accès à la santé est un droit élémentaire dans notre pays, et ce droit devrait transcender les clivages politiques, les intérêts économiques particuliers et les ambitions individuelles pour devenir un véritable objet de débat sociétal. 

A quel lobby faites-vous référence ?

Je fais référence aux lobbies qui constituent des réservoirs de voix suffisamment conséquents pour que l’on se montre sensible à leurs intérêts, en période de primaires.

Donc selon vous, la politique nuit gravement à la santé ?

Sûrement pas ! L’immense majorité des élus que je rencontre ont un sens aigu des responsabilités qui sont les leurs et font de la politique au sens noble du terme. J’ai encore pu le constater début juin à l’occasion du colloque organisé par le think tank Imaginons la Santé : il y a un large consensus quant au fait que les élus et les professionnels doivent travailler main dans la main pour moderniser notre système de soins. Les réseaux de soins ouverts incarnent d’ailleurs, aux yeux de la plupart des parlementaires, un véritable pivot de notre système de soins dans la mesure où nous contribuons à réguler son fonctionnement dans l’intérêt de tous, avec une flexibilité et une réactivité qui nous sont permises par notre proximité du terrain.

Que répondez-vous alors à ceux qui objectent que les réseaux de soins sont restrictifs de liberté de choix pour les patients, ou qu’ils portent atteinte à la libre concurrence ?

Ils n’ont qu’à se référer aux récentes décisions de l’autorité de la concurrence qui balaie d’un revers de la main ces arguments infondés. Quant à l’objection de la liberté de choix des patients, elle est péremptoire. Chez Carte Blanche Partenaires, il n’y a pas de différenciation de remboursement dans le réseau et hors réseau. Notre stratégie de régulation est fondée sur les avantages proposés aux uns et aux autres, et non sur des restrictions ou des obligations. Les professionnels de santé qui adhèrent à Carte Blanche, comme les bénéficiaires, conservent ainsi une totale liberté.

La révolution numérique a désormais touché le secteur de la santé. Ses acteurs sont-ils suffisamment préparés au virage numérique ? Le numérique peut-il servir la refonte de notre système de santé ?

Là encore, l’ensemble des acteurs de la prise en charge doivent travailler de concert car les enjeux sont immenses, tant du point de vue économique que du point de vue de la santé de nos concitoyens. Si l’on prend l’exemple des produits d’assurance santé à la personne, ceux-ci sont tellement réglementés qu’ils en sont devenus quasi-standardisés. En revanche, un énorme travail reste à faire sur les services associés à ces produits. Or, on parle beaucoup de Big Data aujourd’hui : ce concept a des implications concrètes dans notre métier. L’analyse de données collectives, par exemple, permet d’élaborer des services adaptés à la personne en temps réel. L’analyse prédictive, en particulier, permet d’améliorer des démarches de prévention avec un meilleur ciblage très en amont, pour une plus grande efficacité.
 
A partir de statistiques de santé et du profil-type du bénéficiaire, traitées anonymement et automatiquement, nous pourrons anticiper certains risques ou pathologies inhérents à son âge, son sexe, ou sa profession, et ainsi très tôt lui adresser des conseils de prévention pour pallier ces risques. Il peut s’agir de risques liés aux troubles musculo-squelettiques, de risques de cancers plus élevé auprès de certaines populations, ou de risques divers liés à un métier. Quand on sait ce que représentent ces multiples pathologies en termes de dépenses de prise en charge pour la collectivité, on voit bien que les enjeux sont aussi bien des enjeux de santé que des enjeux économiques. Les parlementaires que je rencontre ont vraiment conscience du rôle que nous avons à jouer ensemble de ce point de vue, il en va de l’équilibre – et donc de la survie – de notre système de santé.
 

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Capucine Davignon




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