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L’euro : « l’Europe dans la poche du citoyen » (1/5)

Notre série "Monnaies, identités et cultures"




Lundi 27 Octobre 2014


(Partenariat éditorial)



Crédit : Carnets du Business / Ingimage
Crédit : Carnets du Business / Ingimage
Aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui aux 332 millions d’Européens qui manipulent chaque jour des pièces et des billets libellés en euros, la création d’une monnaie unique ne faisait pas partie du projet initial de Communauté économique européenne. « Le projet de monnaie unique n’était pas prévu dans les traités européens. Les Six participaient alors au système de Bretton Woods, système monétaire international qui fixait les cours de change des monnaies », précise le site Toute l’Europe (1).

C’est le 2 décembre 1969, au sommet de La Haye, que les six États membres de la CEE décident de s’atteler à la réalisation d'une Union économique et monétaire (UEM) qui aboutit, quelques mois plus tard, à la présentation du « Plan Barre » puis au rapport Werner – du nom du ministre des Finances luxembourgeois – présentant un processus de réalisation du projet. Dès le 30 octobre 1970 la Commission rédige une communication dans laquelle elle se déclare favorable à « la réalisation par étapes de l'union économique et monétaire de la Communauté ». L’effondrement du système de Bretton Woods mettra toutefois un terme à cette première tentative.

Tout le monde comprend alors que, dans un monde d’instabilité monétaire, le chemin menant à la création d’une monnaie unique sera dès lors long et complexe. Mais, comme le soulignait encore récemment Jacques Delors, « l'Europe ne progresse que par les crises », si bien que « la fin de la convertibilité du dollar en or a donné naissance au système monétaire européen (SME) » (2) Dans le droit fil du « serpent monétaire européen », fixant dès 1972, la marge de fluctuation intracommunautaire des monnaies nationales des pays membres à un écart maximal de 2,25 % autour de la parité fixe, le SME crée une zone de stabilité monétaire, préalable indispensable à la création d’une monnaie unique.
 
Le SME donne naissance à l'Ecu (European Currency Unit) : une unité de compte regroupant les valeurs des monnaies qui la composent. Mais c’est le célèbre traité de Maastricht, signé le 7 février 1992, qui donne un coup d’accélérateur au processus qui aboutira à la création de l’euro en indiquant notamment les critères de convergences que les États membres se doivent de respecter pour participer à la monnaie unique : déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB, endettement inférieur à 60 % du PIB, faible inflation et taux d’intérêt proche de la moyenne de l’Union européenne.
 
À cette date, le nom de la future monnaie unique n’est pas encore choisi. Alors que certains plaident pour le maintien de l’appellation « ecu », déjà utilisé pour désigner la monnaie commune et ayant l’avantage de rappeler la célèbre monnaie du Moyen-Âge, c’est finalement le nom « euro » qui est choisi, à Madrid, le 16 décembre 1995. Dans le même temps, le processus d’édification du futur euro suit son cours avec la création, en 1994, de l’Institut monétaire européen (IME) qui deviendra, en 1998, la Banque centrale européenne (BCE).
 
Le 1er janvier 1999, onze États membres intègrent ce que l’on appelle aujourd’hui la « zone euro » : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal avant d’être, ensuite rejoint par la Grèce (en 2001), la Slovénie (2007), Chypre et Malte (2008), la Slovaquie (2009) l'Estonie (2011) et la Lettonie (2014).
 
La création d’une monnaie unique pour un si grand nombre de pays ne représente pas seulement une aventure politique, économique et sociale. Il représente aussi un formidable défi au plan fiduciaire. En effet, sachant que le succès d’une monnaie dépend aussi de sa bonne réception par ses usagers quotidiens, il était crucial que la nouvelle monnaie dispose d’un pouvoir d’évocation pour l’ensemble des peuples de la zone euro.
 
Le design retenu pour les billets en euros reflète ce souci. La première série de billets, mise en circulation en 2002, met en scène l’évolution de l’architecture européenne au fil des siècles. Les billets de 5 euros évoquent l’architecture antique, ceux de 10, l’architecture romane, tandis que les billets de 20, 50, 100, 200 et 500 font respectivement références aux styles gothique, Renaissance, baroque, Art nouveau et moderne. Les rectos représentent des portes, portails et fenêtres pour « représenter l’ouverture », tandis que les versos sont ornés de ponts symbolisant « l'union des peuples européens entre eux et de l'Europe avec le reste du monde » (3).
 
Afin de ne donner la prééminence à aucun des pays membres de la zone euro, les édifices représentés sont fictifs. Toutefois, certaines de ces illustrations, réalisées par un artiste de la Banque nationale autrichienne, sont directement inspirées de monuments réels tels que le Pont du Rialto de Venise et le Pont de Neuilly de Paris (4). Il ne s’agit donc pas d’œuvres imaginaires ou génériques mais d’édifices historiques dont les traits distinctifs ont été maquillés de façon à ne pas donner la prééminence au patrimoine d’un pays sur celui d’un autre.
 
Ce même souci d’équilibre et de représentation de tous explique – outre la traditionnelle nécessité de lutter contre la contrefaçon – qu’une nouvelle série de billets, baptisée « Europe » ait été diffusée à compter de 2013. En effet, depuis l’édition de la première série de billets, l’Europe est passée de 15 à 27 membres, après les adhésions réalisées en 2004 et 2007. Il convenait ainsi que la nouvelle série prenne en compte ces nouveaux membres, par exemple en faisant figurer le sigle euro, non seulement en alphabet latin et grec, mais également en cyrillique pour saluer l'entrée des Bulgares dans l'Union.
 
Autre innovation notable : sur les billets, une bande holographique comprend, parmi d’autres motifs, « un portrait d'Europe, une figure de la mythologie grecque et l'origine du nom de notre continent » (5). Bien que discrète, cette introduction, vise aussi à donner un visage à l’Europe. Et cette fois, il fut officiellement admis que ce visage avait une histoire : il provient en effet d’un vase antique conservé au Louvre et mettant en scène l’idylle entre Europe et Zeus (6).
 
Cette nouvelle série illustre ainsi combien le succès d’une monnaie ne repose pas seulement sur son pouvoir d’achat mais aussi sur d’autres éléments plus subtils, artistiques et culturels. Il n’est donc pas anodin qu’avec cette nouvelle série de billets, les citoyens européens n’aient pas seulement « l’Europe dans leur poche », mais aussi la déesse Europe. Même dans un espace aussi diversifié que l’Europe, les billets restent des supports identitaires.
 
(1) « L'histoire de l'Union économique et monétaire », www.touteleurope.eu, 07/08/13.
(2) Entretien accordé à L’Express, 26/10/11.
(3) « Caractéristiques techniques des billets en euros », Briefing 36 de la Direction générale des études du Parlement européen, division des affaires économiques,‎ 13/11/97.
(4) « Etching the Notes of a New European Identity », New York Times, 03/08/11.
(5) http://www.ecb.europa.eu/euro/banknotes/europa/html/index.fr.html
(6) http://www.nouveaux-billets-euro.eu/La-S%C3%A9rie-%C2%AB%C2%A0Europe%C2%A0%C2%BB/Le-mythe-d%E2%80%99Europe
 
 





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