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Portrait d'une femme engagée: Iana Matéi, "Européenne de l'année 2010" par le Reader's Digest




Jeudi 21 Janvier 2010


La Roumaine Iana Matei lutte au péril de sa vie pour arracher des enfants à la prostitution forcée. Le 20 janvier, le magazine Reader’s Digest lui remet la distinction de l’ « Européenne de l’année 2010 ». Le magazine entend ainsi honorer le combat que cette Roumaine de 50 ans mène depuis des décennies contre le trafic d’êtres humains et la prostitution forcée. « Nous savons que des centaines de jeunes filles des pays de l’ancien bloc de l’Est, tels que la Roumanie, sont attirées dans des pays occidentaux. Au lieu du travail promis, c’est la prostitution qui les attend. Enfermées, maltraitées et forcées à se prostituer, elles deviennent des esclaves. L’expression n’est pas trop forte », souligne Iana Matei. En onze ans, elle a pu arracher à cette situation 420 victimes qui, grâce à elle, ont ensuite pu mener une vie normale. (19 janvier - Reader's Digest)



Portrait d'une femme engagée: Iana Matéi, "Européenne de l'année 2010" par le Reader's Digest
Depuis 1996, les rédacteurs en chef des 21 éditions européennes de Reader’s Digest élisent l’ « Européen de l’année » parmi les personnalités incarnant le mieux les traditions et valeurs de l’Europe. Iana Matei est la 15ème personne à recevoir cette distinction. Ce titre honorifique, attribué pour la première fois à une personnalité roumaine et doté de 5000 dollars US, sera remis officiellement à Iana Matei le 20 janvier à Bucarest.

« Je remercie le magazine Reader’s Digest – également au nom des nombreuses victimes avec lesquelles nous collaborons – de considérer le trafic d’êtres humains et la prostitution forcée comme des problématiques préoccupantes », a déclaré Iana Matei: « C’est un grand honneur pour moi de recevoir cette distinction. » Les 21 éditions européennes du magazine Reader’s Digest présentent en même temps l’ « Européenne de l’année 2010 » dans leur numéro de février qui paraît le 25 janvier. L’an passé, la distinction a été décernée à Joachim Franz, ancien outilleur chez VW à Wolfsburg. Sportif de l’extrême, il parcourt le monde en pratiquant la course à pied ou en pédalant et gravit les montagnes aux sommets les plus élevés afin d’attirer l’attention sur le problème du HIV/Sida.

Selon les estimations du Fonds pour l’enfance Unicef, dans le monde ce sont deux millions d’enfants mineurs qui travaillent de force dans l’industrie du sexe. D’après les indications de l’organisation suisse en faveur des droits humains Terre des Hommes, 6000 jeunes d’Europe de l’Est, âgés de 12 à 16 ans, sont vendus chaque année à des fins de prostitution. Iana Matei se heurte souvent à la police qui ne veut pas reconnaître le destin tragique de ces jeunes. « C’est facile de mettre la faute sur les victimes. Mais ces filles subissent des crimes abominables. Elles sont forcées à se prostituer. Elles sont encore des enfants! »

Les filles arrivent jusqu’à elle par différentes voies. Nombre d’entre elles lui sont amenées par des policiers de toute la Roumanie, d’autres par des organisations. Après les avoir arrachées à la prostitution, Iana Matei installe les victimes dans une maison-refuge qui accueille des femmes, où elles apprennent à faire la cuisine, nettoyer et gérer leur argent. Quelques-unes vont ensuite à l’école, d’autres ont un travail régulier.

Le travail de Iana Matei, née en Transylvanie, est à haut risque, de sorte qu’elle vit dans un lieu inconnu, dans la ville de Piteşti. « Je dois parfois enlever quelqu’un », explique-t-elle dans Reader’s Digest. Le cas suivant montre le danger inhérent à son travail: plusieurs hommes voulaient pénétrer dans la maison-refuge des jeunes femmes qu’elle a délivrées. Iana bloqua courageusement la voiture des proxénètes en enfonçant la portière de celle-ci avec sa propre voiture et les mit en fuite.

L’actuel travail de Iana Matei colle à son curriculum. Lors de l’exécution du dictateur roumain Nicolae Ceauşescu, en 1989, elle prit part à une manifestation ; recherchée par la police, elle s’enfuit en Yougoslavie avec son fils de deux ans. Elle travailla comme interprète pour l’Organisation d’aide aux réfugiés des Nations Unies, puis émigra en Australie où elle gagna sa vie comme comptable pour une entreprise de bus. En parallèle, elle faisait la cuisine pour les enfants des rues ; elle créa alors l’organisation Reaching Out. Lorsqu’elle retourna dans son pays en 1998, en voyant les enfants des rues vivre dans les égouts, elle décida de rester et d’aider.

A Bucarest et Piteşti, elle travailla dans des foyers d’accueil pour les enfants des rues et rechercha des volontaires qui accueillirent les enfants et s’en occupèrent. Mais Iana Matei se rendit bientôt compte qu’il lui fallait étendre son activité, car la détresse des jeunes femmes était immense. Elle fit alors de Reaching Out une organisation non gouvernementale juridiquement reconnue, loua un appartement pour ses protégées grâce à un don de 300 dollars. Le budget annuel est désormais couvert à hauteur de 55.000 euros par l’organisation américaine d’obédience chrétienne Make Way Partners. « Dieu nous envoie sur la Terre pour prendre soin de l’Autre. C’est ce qui me motive », précise Iana Matei.

Le travail de cette pionnière est désormais reconnu bien au-delà des frontières de son pays. Iana Matei collabore avec des autorités internationales telles que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, elle informe le gouvernement américain de la situation en Roumanie et conseille l’OTAN dans sa lutte contre la prostitution forcée. A la lumière de cet engagement, le Ministère américain des Affaires étrangères a nommé Iana Matei, en 2006, « Héroïne de l’année ». Une année plus tard, la Chambre des lords du Royaume-Uni lui décernait l’ « Abolitionist Award ». Et elle reçoit aujourd’hui le titre honorifique d’ « Européenne de l’année 2010 » décerné par Reader’s Digest.

Pour Iana Matei, cette distinction est un stimulant bienvenu, d’autant plus que le flux des victimes de la prostitution forcée et du trafic d’êtres humains ne cesse pas. « Je souhaite travailler jusqu’à 100 ans, ensuite je profiterai de la vie », dit-elle en ajoutant: « Je parcourrai alors la région en Harley Davidson! »

Les détenteurs des années précédentes

Les personnalités suivantes précédèrent Joachim Franz comme « Européen de l’année ».

2009: Joachim Franz, ancien outilleur chez Volkswagen à Wolfsburg en Allemagne, court,
pédale et effectue des escalades spectaculaires dans le monde entier afin d’attirer
l’attention sur le problème du HIV/Sida.
2008: La Francaise Maria Nowak aide les nécessiteux dans le monde avec des microcrédits afin qu’ils puissent mener une existence digne.
2007: Le professeur en médecine suisse Ruedi Lüthy s’est distingué par son engagement infatigable envers les malades du sida et dirige entre autres une clinique contre le sida au Zimbabwe qu’il a lui-même fondée.
2006: La Néerlandaise Ayaan Hirsi Ali intervient depuis de nombreuses années contre les fanatiques religieux et pour les droits des femmes musulmanes.
2005: Le médecin russe Leonid Roshal aida des enfants grièvement blessés au cours de plus d’une douzaine de catastrophes sur les quatre continents. Lors du drame des otages de Beslan, il agit en tant que médiateur.
2004: L’Allemand Peter Eigen, fondateur et Président de l’organisation « Transparency International », dont le siège se situe à Berlin, se consacre à la lutte contre la corruption.
2003: Le Tchèque Simon Pánek, fondateur de l’organisation humanitaire « People in Need », aide les victimes de catastrophes tout autour du globe.
2002: Eva Joly, autrefois juge d’instruction en France, dévoila un réseau de blanchiment d’argent (entre autre le cas Tapie, le scandale de la corruption autour d’Elf-Aquitaine).
2001: Le natif de Finlande Linus Benedict Torvalds inventa le système d’exploitation Linux.
2000: Le Néerlandais Paul van Buitenen découvrit des fraudes graves à l’intérieur de la Commission européenne.
1999: La Danoise Dr. Inge Genefke est une pionnière dans les soins et la réhabilitation des personnes victimes de torture.
1998: Le skipper solitaire britannique Pete Goss sauva lors d’une compétition son ami français Dinelli de la noyade.
1997: Le Norvégien Frederic Hauge se bat contre la pollution de l’océan Arctique par des déchets nucléaires.
1996: Le Hongrois Pater Imre Kozma s’engage en faveur des pauvres, des personnes âgées et des sans-abris.


Photo: Reader's Digest / 2010

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