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James Blouzard, co-fondateur de Wonderbox : « les modes de consommation du temps libre évoluent »




Mercredi 15 Mai 2013


James Blouzard, co-fondateur de Wonderbox, est l’un des précurseurs du coffret-cadeau en France. L’entreprise, qu’il a fondée en 2004 aux côtés de Bertile Burel, son épouse, est devenue en l’espace de quelques années le leader français du marché. Ce serial-entrepreneur, à l’origine du lancement de la filiale française de Lastminute.com en 1999, nous explique en quoi une compréhension fine de l’évolution des modes de vie des Français lui a permis d’anticiper l’émergence d’un nouveau métier et d’enregistrer une croissance stable depuis 2004.



James Blouzard, on dit du secteur du tourisme qu’il est en profonde mutation. Quelle est votre analyse ?

James Blouzard, co-fondateur de Wonderbox
James Blouzard, co-fondateur de Wonderbox
Je partage l’avis selon lequel les cartes du secteur du tourisme sont progressivement redistribuées : des acteurs ont disparu, les prix ont baissé, les marges également. Le phénomène est incontestablement dû à internet, car dans les secteurs qui n’ont pas encore basculé sur la toile, tel que le secteur du luxe, le marché n’a pas subi tous ces bouleversements.
 
Sur la toile, nous sommes passés en quelques années d’un secteur atomisé et peu lisible, à une agrégation des acteurs du web qui a favorisé la désintermédiation dans le secteur touristique. À la tête de Lastminute, j’ai participé à ce phénomène. Lastminute a un positionnement marketing qui reposait beaucoup sur le prix. Lorsque j’y travaillais, on négociait des tarifs à la dernière minute, ce qui nous permettait de les proposer à des prix ultra-compétitifs directement aux consommateurs. Aujourd’hui en Europe, des petites entreprises telles que Bling Booking ou Hotel Tonight continuent de le faire, ce qui signifie que ce mode de fonctionnement n’est pas dépassé bien au contraire.

Il traduit l’évolution des modes de vie. On observe une augmentation et une fragmentation des temps de loisirs en Europe. La France, avec le système des RTT, n’est pas exclue de ce phénomène. Le facteur crise accentue un peu plus encore ce phénomène et conduit les gens à rechercher le meilleur rapport qualité/prix, même si cela suppose de partir du jour au lendemain ! Internet, en regroupant les informations nécessaires et en donnant le choix aux consommateurs, permet de répondre à toutes ces demandes. À condition de les avoir identifiées.

Votre périmètre d’activité est à cheval sur plusieurs marchés : tourisme, détente, bien-être, découverte, aventure… Comment définir votre métier ?

Notre métier est de démocratiser l’accès à des expériences insolites et originales. Ce credo est inspiré de notre histoire personnelle. Après avoir beaucoup voyagé à l’étranger ma femme et moi, nous sommes rentrés en France, convaincus du potentiel touristique de notre pays et nous souhaitions le promouvoir. Notre pays regorge de destinations de rêve propices et aux expériences exceptionnelles. La difficulté est de savoir où les trouver et de les sélectionner. Wonderbox propose donc ce dépaysement, avec à la clé des souvenirs que nous espérons inoubliables.
 
Nous associons le loisir, la proximité et la surprise dans un concept qui accueille ces trois dimensions : le coffret-cadeau. Nous simplifions ainsi l’acte d’offrir, de partager. C’est pour nous quelque chose de central. Au milieu du matérialisme qui caractérise notre société contemporaine, les souvenirs des bons moments passés ensemble sont les seules choses qui perdurent vraiment. Partant de là, notre impératif est de ne jamais décevoir nos clients. Il y a une forte dimension affective dans un cadeau, la qualité de nos prestations détermine donc directement la crédibilité de notre service.

Il est d’usage que l’on parle de « coffrets-cadeaux ». Comment interprétez-vous le fait que certains consommateurs achètent ces coffrets à titre personnel ?

Ces consommateurs, tout comme ceux qui sont à la recherche d’un cadeau, savent que nous sélectionnons des partenaires selon des critères de qualité et d’innovation très étroits. Pour un prix connu d’avance, ils savent donc qu’ils peuvent faire des découvertes, sans mauvaises surprises, chez des prestataires testés et approuvés par nos soins ainsi que d’autres clients. Cela nous place en situation de prescripteurs. Wonderbox simplifie donc en somme l’acte de choix à des clients qui n’ont plus qu’à téléphoner pour passer leur réservation.

Les prestataires avec lesquels vous travaillez - on pense notamment à l’hôtellerie et à la restauration - pratiquent souvent le « yield management ». S’inscrire dans la dynamique du coffret-cadeau est-il un moyen supplémentaire pour eux d’optimiser leur taux de fréquentation en saison basse ou en semaine ?

Pour nos prestataires, travailler avec Wonderbox constitue sans aucun doute une garantie de fréquentation. Nous les aidons de plusieurs façons. Tout d’abord en faisant pour eux un travail de marketing important. Les petits prestataires, notamment, souffrent parfois d’un déficit de visibilité, et se faire de la publicité n’est pas leur cœur de métiers. Wonderbox leur permet de se faire connaître et fonctionne comme un guide touristique ou un agrégateur : nous leur permettons d’accéder à une clientèle et à des réseaux de distribution auxquels ils ne pourraient pas prétendre si nous n’étions pas là.
 
Par ailleurs, nous travaillons avec 15 000 partenaires qui sont pour l’essentiel des entreprises françaises. Paradoxalement, nous somme parmi les seuls à distribuer ainsi la destination France. En temps de crise, c’est aussi l’une de nos fiertés : nous envoyons beaucoup de clients à nos partenaires nationaux, nous travaillons avec eux en bonne intelligence et c’est aussi cela qui nous permet de résister ensemble aux difficultés. Mais ne faisons pas preuve d’angélisme : nous constatons aussi régulièrement les ravages de la conjoncture économique régulièrement à travers le nombre de partenaires qui dépose le bilan.

Comment les professionnels du tourisme, en particulier les distributeurs, accueillent-ils l’émergence du coffret-cadeau ? Concurrence frontale, marché de niche, ou complémentarité ?

Pour nos distributeurs, le coffret-cadeau était un produit nouveau il y a encore peu de temps. Cela n’existait pas et nous avons dû leur expliquer le principe et son intérêt. Les doutes des débuts sont maintenant derrière nous. Beaucoup de nos distributeurs proposent également des biens culturels et technologiques et dans ces magasins, les coffrets-cadeaux côtoient désormais les DVD sur les têtes de gondoles. L’offre de nos distributeurs s’est donc étoffée, et notre produit y a trouvé sa place. Sans aucun doute, les revendeurs ont compris que le coffret-cadeau leur permettait d’offrir à leurs clients des prestations dont la qualité est cautionnée par d’autres professionnels.

Sur le plan purement financier et comptable, comment coordonnez-vous les flux de trésorerie ? Il arrive souvent que du temps s’écoule entre l’acte d’achat du coffret-cadeau et son utilisation.

Wonderbox gère sa trésorerie en bon père de famille. Nous opérons en matière financière avec beaucoup de rigueur, de précaution, et en gardant à l’esprit que l’argent que nous manipulons ne nous appartient pas. La disponibilité de notre trésorerie conditionne la solidité de nos relations B2B et de notre modèle économique. Le respect des délais de paiement est donc pour nous un impératif, et nous plaçons donc nos fonds dans les produits les plus sûrs du marché : dans des SICAV ou simplement au taux du marché monétaire. De cette façon, nous ne nous exposons surtout pas au risque. Notre gestion en la matière s’inspire d’ailleurs de celle d’autres activités qui proposent des offres prépayées, et notamment de la grande distribution.

Wonderbox enregistre un taux de croissance annuel moyen de 30 %. Quels sont les facteurs différenciants de la marque ?

Avant tout son orientation vers le long terme. La prudence dont nous avons parlé contribue à renforcer notre capital de confiance. Notre passion pour notre métier y contribue également : nous testons, apprécions et connaissons chacune des prestations que nous proposons. Cela constitue une garantie toute particulière pour les clients dont certains font d’ailleurs partie de nos testeurs. Enfin, l’inscription dans le long terme passe aussi par la volonté d’améliorer constamment le service. Notre service clientèle est par exemple rattaché à notre siège social, ce qui nous permet de nous tenir informées directement de la satisfaction de nos clients. Il en va de même pour notre service de relation avec les prestataires : cela nous permet de travailler en étroite collaboration avec eux dans une démarche de co-innovation.

Une question plus personnelle pour terminer. Vous étiez le patron de Lastminute. Pourquoi avoir fait le choix audacieux de repartir de rien, pour fonder Wonderbox ?

C’est une bonne question (rires) ! Je suis un aventurier, j’aime le voyage et le défi. En 2004, j’avais envie de commencer ma propre aventure un peu comme Richard Branson. On n’a qu’une vie, alors il faut se lancer quand on a une passion ! Lorsque Wonderbox a démarré, je pratiquais personnellement toutes les expériences que la société vendait. J’aime vivre ces expériences originales et surprenantes. C’est une manière de faire ce que j’aime, et de la partager avec le plus grand nombre.
 
Aussi, beaucoup de gens peinent encore à partir en vacances aujourd’hui. Je me souviens qu’aux débuts de Wonderbox beaucoup de salariés de nos entreprises clientes n’étaient jamais partis en week-end. Je souhaite que le coffret-cadeau soit aussi un moyen pour ces personnes de renouer avec le loisir et la découverte. Si cela leur permet de s’évader en conduisant une Ferrari ou en faisant un saut en parachute alors qu’elles n’ont pas le temps ou les moyens de le faire d’habitude, j’estime que ma femme et moi-même, ainsi que toute la communauté de professionnels qui se sont engagés avec nous dans cette aventure, sommes fidèles à notre vision du métier.

La Rédaction




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