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Communication des laboratoires pharmaceutiques : dialogue avec l’homo numericus




Mercredi 3 Avril 2013


Les contraintes réglementaires qui pèsent sur la communication des laboratoires pharmaceutiques sont fortes. Ils sont aujourd’hui à la recherche de nouvelles stratégies pour porter leur message. Parmi elles : internet et les NTIC.



L’industrie pharmaceutique traverse une époque de profonde reconfiguration. Ce secteur, autrefois porté par la vente de quelques blockbusters, est désormais confronté à l’avènement des médicaments génériques. D’après l’association Générique, Même Médicament (GEMME), les médicaments génériques comptaient ainsi pour plus de 20 % des volumes de vente en 2011. En France particulièrement, le générique bénéficie du soutien des pouvoirs publics. Ces derniers, de surcroît, exercent une pression forte sur le prix des médicaments via une diminution toujours plus forte des taux de remboursement. Autant de raisons qui poussent aujourd’hui les entreprises pharmaceutiques à céder aux sirènes de la communication institutionnelle, allégées de cette retenue et de cette discrétion qui les caractérisaient tant. Le médicament n’est pas un produit comme les autres. Mais le laboratoire pharmaceutique n'en reste pas moins une entreprise pour qui l’image de marque est devenue un actif stratégique.

Un cadre légal restrictif

© XtravaganT - Fotolia.com
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En France, l’industrie pharmaceutique n’a officiellement pas le droit de promouvoir les molécules qu’elle commercialise puisque tout discours de prescription relève de la compétence exclusive des médecins et des pharmaciens. La seule exception à cette règle concerne les médicaments hors prescription. Il est possible d'en faire la publicité, mais ce type de communication est néanmoins systématiquement soumis en amont à un contrôle de conformité de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM, ex-AFSSAPS).
 
Si ces règles de précaution sont en bien des points justifiées, il n’en reste pas moins que les opportunités de communication des laboratoires pharmaceutiques font l’objet d’une surveillance stricte dans notre pays. Il semblerait que cette tendance se soit d’ailleurs renforcée au cours les 20 dernières années. Depuis 1994, il est interdit aux laboratoires pharmaceutiques de faire des dons d’une valeur de plus de 30 euros à un médecin. Depuis 2008, il leur est également interdit de leur fournir tout échantillon de médicament. Avec des « fenêtres promotionnelles » se réduisant comme peau de chagrin, les entreprises pharmaceutiques ont naturellement adapté leurs modes de communication. Il s’agit là d’un impératif tant est grand l’appétit du marché de la santé pour la transparence, les garanties d’efficacité ou d’innocuité, puisque la moindre erreur ou la moindre entorse peuvent prendre la tournure d’un scandale sanitaire.

Une communication pharmaceutique en pleine réinvention

Fort de ce double constat, la communication de ces firmes a gagné en sophistication. Elle se distingue notamment par la conquête de nouveaux terrains de communication qui composent diplomatiquement avec les interdits de la législation. Au lieu de parler du produit, on parlera ainsi plutôt du laboratoire lui-même, de ses accomplissements en matière de responsabilité sociale et environnementale, de transparence, ou encore des pathologies auxquelles il dédie ses efforts de R&D. Cette communication corporate qui suggère le dialogue entre « des gens biens » - les labos -, et leurs « patients », permet aux premiers d’améliorer leur capital de confiance (pour le capital de sympathie, l’opinion se fait attendre). Cette tendance, Frédéric Fougerat en témoigne parfaitement. Vice Président Communication du groupe Ethypharm, il résume ainsi sa stratégie : « Côté communication externe, tout est mis en œuvre pour que nos clients aient une vraie connaissance de nos missions de nos investissements en R&D, de nos compétences en matière de fabrication ».
 
Plus aucun laboratoire ne peut faire l’économie de la stratégie « patte blanche ». La sensibilité de l’opinion aux questions sanitaires y est pour quelque chose. Après des affaires comme celles du Médiator, ou du Gardasil, ou encore des polémiques comme celle de la pilule antiobésité Alli, la précaution est de mise et les laboratoires doivent montrer patte blanche pour préserver leur réputation.
 
Entre un cadre légal restrictif et un contexte social sensible, les « firmes » font un travail d’équilibriste. « La communication est probablement plus scientifique, plus collaborative également avec le monde de la santé ». Parfois avec quelques hésitations, notamment sur la meilleure façon de s’adresser à un public 2.0 qui ignore les codes très solennels et guindés de la communication corporate.

Entre timidité et convoitise, les labos toisent les NTIC

Le web social joue désormais un rôle crucial dans les nouvelles stratégies de communication des entreprises pharmaceutiques. Paru au début du mois d’avril 2013, le Baromètre des Réseaux Sociaux dans l’industrie pharmaceutique réalisé par l’Institut Novamétrie traduit bien cet enjeu. Particulièrement riche et révélateur, le baromètre met en lumière que 50% des laboratoires pharmaceutiques interrogés considèrent les réseaux sociaux comme un vecteur de communication à part entière. Pourtant, ils ne sont que 10% à avoir formalisé une stratégie claire pour piloter leur présence sur les réseaux sociaux : savoir à qui ils s’adressent et comment ils doivent le faire relève encore manifestement d’une approche par tâtonnement.
 
L’étude de Novamétrie révèle donc que la nouvelle communication corporate des labos est en pleine phase de maturation. Surtout sur les réseaux sociaux, où la parole est libre et échappe à toute forme de contrôle, de censure ou de non-dit. Pour les professionnels du médicament, c’est la rupture : au courant de l’été 2011, le réseau Facebook a retiré aux  laboratoires pharmaceutiques la possibilité de bloquer les commentaires d’utilisateurs sur leur page corporate. Mais entre laisser le web vivre sans eux, et l’inonder de leur discours à sens unique, il y a un équilibre à trouver. Ils le savent : la prise de risque est inévitable, et il y a plus à gagner dans une logique conversationnelle qu’en jouant la carte du repli.
 
Ainsi, « la communication des laboratoires devient, sous l’impact croissant de l’usage des réseaux sociaux, plus transparente et transversale avec l’ensemble des parties prenantes », commente le Président de Novamétrie Christophe Excoffier. Mais les réseaux sociaux ne sont pas les seuls canaux considérés avec attention par l’industrie pharmaceutique. Dans un excellent guide édité en 2012 par Tarsus et intitulé La Pharma face à ses transitions, on découvrait que les laboratoires s’emparaient petit à petit de la communication mobile. Les laboratoires pharmaceutiques seront-ils bientôt, à l’instar des marques les plus loquaces, partout où les points de contact avec l’homo numericus apparaissent ?

La Rédaction




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