Dassault Aviation : le succès relatif du programme Rafale



Samedi 28 Septembre 2013


Le programme Rafale né au début des années 1980 connait de nombreuses difficultés, notamment vis-à-vis des commandes que l’État français a passées. En effet, de 336 Rafales initialement, les commandes ont chuté à 294 appareils en 1992 après une première révision des besoins. Puis en 2008, les prévisions de commandes ont à nouveau été réduites à 294 appareils. Enfin, la Loi de programmation militaire de 2013 prévoit 225 avions pour l’ensemble des armées françaises, et « à ce jour, 180 avions de série ont été commandés par la DGA »(1) .



Une réduction du nombre de commandes pour la France

Le Rafale de Dassault
En septembre 2013, le 121ème Rafale était livré à la France. Le nombre de commandes sur lequel table l’industriel Dassault, mais aussi toutes les entreprises sous-traitantes, est ainsi régulièrement revu à la baisse. Ce sont environ cinq cents entreprises qui sont directement concernées par le programme et pour lesquelles la réduction de la production présente une grande problématique. Le programme est actuellement dans la quatrième tranche de commandes (qui prévoit ainsi une totalisation de 180 commandes fermes depuis la livraison du premier appareil). Toutefois, et même si une cinquième tranche de commandes est envisageable, celle-ci ne devrait pas représenter l’équivalent de plus de 45 avions portant le total d’appareils du programme à 225 en France (défini par le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale).
 
La production des appareils doit maintenir un seuil minimum d’environ un Rafale par mois (au total onze par an) pour préserver la capacité de production de l’entreprise sur le programme. Aussi, ce dernier devra être à nouveau étudié à l’horizon 2015 afin d’évaluer si les commandes peuvent être maintenues afin de maintenir le rythme minimum. Si tel n’est pas le cas (et si aucun contrat d’exportation n’a été fermement conclu), le programme pourrait être arrêté.
 
Par ailleurs, la production des avions Rafale ne doit pas être liée à une simple logique budgétaire. En effet, cet appareil vient répondre à un besoin de l’armée française qui, s’il n’est pas comblé, pourrait nuire fortement à son efficacité lorsque les Super étendards et les Mirage devront être retirés. Pour l’heure, le temps de service de certains de ces modèles est repoussé. Mais l’obsolescence de cet armement risque de ronger la capacité d’action de l’armée. Aussi, pour maintenir le programme Rafale, le gouvernement français compte fortement sur les exportations.

Renforcer les exportations et réduire la cadence à destination de la France

Deux pays semblent pour l’heure attirés par le programme de la France : l’Inde et le Qatar. Les exportations pourraient être d’autant plus envisageables sérieusement que l’intervention en Lybie et plus récemment celle au Mali, ont prouvé que le Rafale remplit entièrement sa mission d’appareil multirôle. Aussi, au-delà des considérations politiques, la présence de l’avion sur ces théâtres d’opérations, et leur capacité d’action (par exemples effectuer une mission en au Mali en décollant et en atterrissant en France) ainsi que leur force de frappe ont été remarquées dans les cercles internationaux.
 
Ainsi, le programme Rafale français souffre d’un ralentissement des commandes de la part de l’État qui ne semble plus jouer son rôle de premier client de ses industries de défense. Aux débuts du programme, le 137ème Rafale devait être livré à l’armée à la fin de l’année 2000. Cette livraison ne devrait être effectuée que fin 2014, si la cadence actuelle n’est pas révisée. Certes, les retards restent monnaie courante dans les programmes d’une telle envergure, mais tant dans leur dimension (de très grands retards, des réductions de commandes, etc.) que dans leur effet systématique (réduction régulière des moyens alloués à l’armée et incidemment aux industriels entretenant des liens avec celle-ci), les problèmes que rencontrent les programmes militaires français risquent de nuire directement à l’armée.
 
Cette stratégie de court terme, qui ne garantit par ailleurs plus une efficacité de l’armée sur le long terme, vise à davantage cibler l’exportation de matériel pour rentabiliser le coût des programmes développés pour l’armée nationale, tout en augmentant les durées de vie des appareils et des matériels. Ainsi, de la même manière que la durée de service de certains Mirage est prolongée, 27 patrouilleurs Atlantique 2 (livrés entre 1989 et 1997) vont être rénovés pour 400 millions d’euros. Le contrat, géré par Dassault Avion, Thales et le SIA (Service industriel de l’aéronautique), a pour objectif de prolonger la vie de ces avions pour les porter à 40 années de service – ils devraient être retirés d’ici 2032. La vision à court terme de l’État français devra affronter alors les différentes échéances techniques, puis matérielles des appareils d’ici 10 à 20 ans, de nombreux programmes arrivant à terme. Si aujourd’hui aucun choix n’est fait pour initier des phases de recherche et développement de nouveaux programmes, l’armée française devra évoluer avec des matériels dépassés et elle subira non seulement son obsolescence au niveau de sa capacité d’intervention, mais aussi – de manière retranscrite – au niveau de son rayonnement international. Car la politique internationale reste pour partie dépendante de la capacité de puissance des pays. Cette capacité de puissance pourrait alors dépendre des développements militaires des puissances alliés.

(1) http://www.defense.gouv.fr/dga/actualite/reception-du-1er-avion-de-la-tranche-4-du-programme-rafale

Arthur Fournier