EDIP : Bruxelles transforme la défense en levier industriel européen



Vendredi 17 Octobre 2025


Avec le programme EDIP, l’Union européenne engage une véritable mutation industrielle. En instaurant une “préférence européenne” pour ses marchés de défense, Bruxelles entend soutenir ses champions, relocaliser les productions stratégiques et bâtir une base compétitive capable de rivaliser avec les acteurs américains et asiatiques.



Une stratégie industrielle assumée au service de la souveraineté

Adopté le 16 octobre 2025, le European Defence Industry Programme (EDIP) marque un tournant dans la politique industrielle européenne. Doté d’un budget de 1,5 milliard d’euros sur la période 2025-2027, il met en place une préférence européenne : désormais, les produits financés par l’Union devront intégrer au moins 65 % de composants d’origine européenne. Objectif : soutenir les groupes du continent et renforcer la Base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE).

Derrière cette réforme se cache une volonté claire : réduire la dépendance extérieure et créer une filière de défense capable de répondre rapidement aux besoins des États membres. Bruxelles veut capitaliser sur les enseignements de la guerre en Ukraine, qui a révélé les fragilités logistiques et l’excès de dépendance envers les équipements américains. « L’EDIP cherche à combler l’écart entre les mesures d’urgence et une approche structurelle à long terme », souligne le Conseil de l’UE.

Un accélérateur de compétitivité pour les industriels européens

Les grands groupes européens — Thales, Airbus Defence & Space, Leonardo, KNDS, Safran — figurent parmi les principaux bénéficiaires. La clause de préférence européenne devrait leur permettre de sécuriser des volumes de commandes et de stabiliser leurs chaînes d’approvisionnement. Selon la Commission, la fragmentation actuelle du marché entraîne chaque année jusqu’à 25 milliards d’euros de pertes. En concentrant les efforts sur des projets conjoints, l’UE espère rationaliser la production, mutualiser les coûts et favoriser l’innovation dans les systèmes d’armes, les drones et les munitions.

Cette politique s’accompagne d’un signal fort : les financements européens seront orientés vers les entreprises à ancrage territorial et les PME stratégiques de la filière défense. Un guichet spécifique leur permettra d’accéder aux subventions, tandis qu’un fonds d’accompagnement pour les fournisseurs secondaires est en cours de création. Pour les industriels, l’EDIP est bien plus qu’un soutien conjoncturel : c’est la reconnaissance d’un secteur devenu moteur de l’économie européenne, avec des perspectives de croissance, d’innovation et d’emploi durable sur l’ensemble du continent.

Adélaïde Motte