EPR de Flamanville : le nouveau retard confirmé



Lundi 4 Aout 2025


L’annonce d’EDF, le 1er août 2025, a confirmé ce que de nombreux observateurs pressentaient : le réacteur EPR de Flamanville, pourtant enclenché depuis l’an dernier, n’atteindra pas sa pleine puissance avant la fin de l’automne. À l’origine de ce glissement : la non-conformité détectée sur deux soupapes du pressuriseur, organe vital du circuit primaire. Ces composants, conçus pour assurer l’étanchéité à haute pression (155 bars), n’ont pas répondu aux spécifications attendues durant les essais fonctionnels.



Un chantier hors norme, 18 ans après son lancement

EDF a ainsi procédé à un arrêt contrôlé du réacteur dès le 19 juin 2025. Signe de prudence ou reconnaissance d’un défaut de série, l’électricien a décidé de remplacer également la troisième soupape à titre préventif. Ce choix n’est pas anodin : l’opération implique la dépose du couvercle du réacteur, une intervention lourde, exigeant un environnement ultra-propre, un outillage dédié et des protocoles millimétrés.

Initialement prévu pour une mise en service en 2012, l’EPR de Flamanville accuse désormais 13 années de retard, et un dérapage financier spectaculaire : de 3,3 à 13,2 milliards d’euros selon EDF, voire 19,1 milliards d’euros selon les dernières projections publiées par Le Monde en décembre 2024.

Derrière ces chiffres, une accumulation de dérives bien connues des ingénieurs : soudures non conformes sur le circuit secondaire, écarts de fabrication sur la cuve, modifications en cours de chantier, et surtout, un pilotage de projet affecté par des transitions réglementaires successives. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a multiplié les prescriptions, parfois à contretemps du calendrier industriel, obligeant EDF à reprendre des opérations complexes déjà finalisées.

Des conséquences sur la feuille de route des futurs EPR2

Ce nouveau retard est loin d’être anecdotique pour le groupe EDF et l’ensemble de la filière nucléaire française. Car Flamanville devait être la démonstration de faisabilité du modèle EPR à l’échelle industrielle. En 2024 déjà, EDF communiquait sur un jalon stratégique : le couplage au réseau et les premières productions tests devaient ouvrir la voie à une série d’EPR2, prévue pour démarrer en 2027.

Mais cette nouvelle dérive du calendrier, même limitée à quelques mois, affaiblit l’argumentaire technique en faveur d’une industrialisation maîtrisée. Chaque retard affecte la standardisation attendue, augmente les coûts d’assurance et désorganise les plannings d’ingénierie des sous-traitants (pompiers industriels, chaudronniers, contrôleurs CND, etc.).  Selon le dernier planning, le réacteur pourrait redémarrer le 1er octobre, avec une montée en puissance progressive jusqu’à la fin de l’automne. Mais en interne, l’hypothèse d’un glissement jusqu’à décembre n’est pas exclue, ce qui repousserait d’autant la phase commerciale.

Paolo Garoscio