Entretien avec François du Chastel: le métier de conseil en M&A auprès des PME



Jeudi 16 Décembre 2010


Après avoir exercé à Londres comme banquier d’affaires chez Merrill Lynch, François du Chastel a fait un choix de carrière surprenant: il conseille aujourd’hui des dirigeants de PME. A la différence de ses anciens collègues banquiers, dont la plupart sont désormais reconvertis dans des fonds de private equity ou des hedge funds, ce jeune entrepreneur clairvoyant a investi un segment porteur pourtant délaissé par les poids lourds du secteur: le conseil en fusions et acquisitions auprès des PME. A la tête de son petit cabinet il est devenu, en l'espace de quelques mois seulement, un interlocuteur sollicité par de nombreux patrons parisiens. Nous avons voulu en savoir plus sur les clés de son brillant parcours, et sur la nature d'une activité en plein essor.



C.D.B.: Pouvez-vous nous éclairer sur votre cursus académique, et sur ce qui vous a motivé à rejoindre une banque d’affaires pour votre premier poste ?

François du Chastel: J’ai débuté mes études par une maîtrise de droit à l’Université Paris II (Assas), cursus au cours duquel j’ai par ailleurs eu la chance de partir en licence à Trinity College, à Dublin. A cette époque, j'ai été frappé et séduit par le pragmatisme anglo-saxon. Et suite à mon parcours juridique qui m’a inculqué la rigueur et l'inventivité, j'ai voulu diversifier mes connaissances. J’ai donc intégré, la même année, Sciences-po et HEC. Je suis parvenu à mener à bien ces deux scolarités totalement indépendantes à l’époque, et néanmoins complémentaires, tout en faisant un Master 2 de droit des affaires à la Sorbonne lors de ma dernière année à HEC. Nous étions alors en 2006, et le M&A était un secteur des plus dynamiques. A ce moment, j'aspirais de plus en plus à quitter Paris quelques années en vue d'acquérir des méthodes de travail inspirées de ce que font de mieux les anglo-saxons. J’ai ainsi eu la chance d’être recruté par Merrill Lynch avant même la fin de ma scolarité et suis parti à Londres travailler le surlendemain de ma remise de diplôme à HEC.

C.D.B.: Vous avez pourtant commencé vos études par un solide cursus juridique, accessoirement soldé par le Prix Français du Meilleur Etudiant Juriste d’Affaires en 2003 (Ndlr: prix remis sous la présidence du Garde des Sceaux et financé par les Echos et le Financial Times). Malgré une telle reconnaissance, pourquoi choisir de devenir banquier ?

François du Chastel: Effectivement, le droit m’intéressait sans me passionner réellement. Et vous en parlez vous-même, le fait qu’un tel prix soit sponsorisé par des quotidiens économiques et financiers illustre la connexité du droit des affaires avec la finance. Par ailleurs, je pense que l’environnement d’une banque d’affaires américaine me convenait particulièrement à cette période: j'y ai trouvé de nombreux motifs de satisfaction et d'épanouissement personnel, la culture du challenge y est omniprésente.

C.D.B.: Et comment en êtes-vous arrivé à conseiller des gérants de PME dans votre propre structure après avoir travaillé pour des CFO et CEO de sociétés cotées ? Vous auriez pu persévérer dans la "voie royale", c'eût été plus confortable, non?

François du Chastel: J’ai travaillé près de 3 années chez Merril Lynch sur le secteur énergétique (équipe Energy & Power). Le travail était des plus intéressants, compte tenu des enjeux comme en témoigne encore l'actualité. Mais ce microcosme gouverné par des logiques de "flux" manquait à mon sens d’humanité, de connexion au réel. La crise économique a alors frappé de plein fouet la banque, qui a d’ailleurs été rachetée par Bank of America. La majorité des équipes de Merrill Lynch a été remerciée. Je suis donc revenu à Paris, et j'ai rencontré des personnalités expérimentées qui m'ont suggéré plusieurs options professionnelles. L'aventure entrepreneuriale me séduisait plus que tout, par les défis, l'imprévu et les opportunités qu’elle induit. Or on m’a très rapidement sollicité - via ce réseau d’anciens camarades d’école, d’amis et de contacts professionnels - pour faire de petites transactions de type M&A pour le compte de PME. J’ai donc créé, il y a près d’un an, une petite structure de conseil en stratégie et en fusions et acquisitions, agissant pour ce type de clientèle. Aujourd'hui je travaille aussi bien avec des entreprises familiales et des investisseurs qu'avec des entrepreneurs. Mon cabinet couvre des transactions allant de €500k à €10m sur le marché français principalement, et de plus en plus, sur le marché européen.

C.D.B.: D'un point de vue purement opérationnel, comment définiriez-vous concrètement votre activité aujourd'hui?

François du Chastel: Mes missions vont du mandat de conseil stratégique sur des problématiques opérationnelles (développement, rentabilité…) à la levée de fonds, avec bien sûr des opérations de vente, d'achat et de restructuration. Il s’agit d’une offre de prestations intégrée qui couvre l'éventail des besoins des PME en matière de développement ou de redressement. Elles sont souvent confrontées à ces problématiques, et parfois dépourvues des compétences en interne pour les exécuter. Et pour ce qui est de trouver un interlocuteur qui les accompagne de manière personnalisée, quotidiennement et sur long terme, les dirigeants vous diront combien c'est tantôt difficile, tantôt hors de portée financière pour une PME.

C.D.B: Comment se traduit la relation-client dans votre cas, et comment se déroulent vos missions généralement?

François du Chastel: Concrètement, tout dossier passe par une rencontre humaine, et c’est cet ancrage au terrain qui me passionne aujourd’hui. Généralement, le client commence par me dresser un aperçu des multiples rouages de sa société. Ensuite, il y a tout un travail de recherche et d’analyse très poussée qui passe par la rédaction d’un "info memo" et une valorisation (dans le cadre d’un mandat d’achat ou de vente par exemple). Cette phase de documentation s’accompagne bien sûr de la réalisation du process de la transaction. Tout cela dans la confidentialité la plus stricte. A cet égard, je mets vraiment en pratique les méthodes de travail acquises chez Merrill Lynch (efficacité, rigueur, et rapidité!) au même titre que mes compétences juridiques et financières. Enfin, le marché sur lequel j’interviens est extrêmement vaste en volume mais parfois délicat à appréhender car les PME, généralement, sont peu habituées à recourir à des conseils externes. Ceci étant, elles manifestent visiblement un vif intérêt à l'égard d'une expertise adaptée à leurs besoins, à leur taille, à leurs projets. Le bouche à oreille fonctionne plutôt bien: en témoigne le contenu de mon agenda!

C.D.B: Votre profil élitiste n'effraie pas vos clients, eux qui ne sont pas nécessairement habitués à trouver une oreille attentive auprès des "stars de la finance" ?

François du Chastel: Au contraire, mon expérience en banque d’affaires est un élément rassurant pour les clients. En outre, je pense – et espère - disposer des qualités d'écoute et d’adaptation qui sont nécessaires pour travailler dans un climat de confiance adéquat. Mes clients sont différents des interlocuteurs que l’on côtoie en banques d’affaires, c'est certain. Mais la dimension humaine de mon activité est terriblement enrichissante. J'y rencontre des entrepreneurs pure souche qui ont eu, un jour, l’audace de se lancer et de créer de la valeur par leurs propres moyens. Et à ce titre, j'éprouve à leur égard un profond respect. C'est peut-être aussi pour cette raison qu'ils me sentent attentif à leurs préoccupations.

Les Cdb
Dans cet article : François Du Chastel