Euro numérique : un coût jusqu’à 30 milliards d’euros pour les banques



Lundi 23 Juin 2025


L’euro numérique ne coûtera rien aux particuliers. Mais pour les banques, l’addition est déjà connue : jusqu’à 30 milliards d’euros. En cause, des exigences techniques et réglementaires massives. Le signal d’alarme est donné, à quelques mois de la décision finale de la BCE.



Une monnaie numérique publique à l’agenda européen

Depuis octobre 2023, la Banque centrale européenne (BCE) pilote une phase de test autour de l’euro numérique, une version électronique de la monnaie unique destinée à coexister avec les espèces et les moyens de paiement privés. Objectif affiché : garantir une solution de paiement publique, fiable et sécurisée, accessible à tous, y compris en cas de défaillance du système bancaire.
Selon la Commission européenne, il s’agit aussi de préserver la souveraineté monétaire de l’Union, à l’heure où les stablecoins américains gagnent du terrain. Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis en janvier 2025, avec un agenda favorable aux monnaies stables, a renforcé la pression sur les institutions européennes. La décision finale sur l’euro numérique est attendue en octobre 2025, pour un lancement envisagé à l’horizon 2027.

 

 
 

C’est une étude réalisée par le cabinet PwC, à la demande de trois fédérations bancaires européennes (dont l’EBF, European Banking Federation), qui a révélé l’ampleur des investissements à prévoir. Sur un panel de 19 banques, le coût moyen estimé atteint 110 millions d’euros par établissement, soit plus de 2 milliards d’euros à l’échelle de l’échantillon.
Extrapolé à l’ensemble des banques de la zone euro, le coût global grimpe à 18 milliards d’euros, et jusqu’à 30 milliards si certaines caractéristiques avancées sont adoptées : paiement hors ligne, gestion de comptes multiples, interopérabilité avec les opérateurs de paiement.
75 % des dépenses identifiées concernent l’adaptation des systèmes informatiques (applications, infrastructures, sécurité), 16 % les volets commerciaux (communication, contrats clients), et 9 % l’organisation opérationnelle, notamment les obligations de reporting réglementaire.


Une mobilisation massive des ressources humaines qualifiées

Au-delà des coûts financiers, le rapport PwC alerte sur l’impact humain du projet. D’après les données recueillies, « près de 46 % des ressources ayant les compétences requises seraient immobilisées chaque année », ce qui « limiterait considérablement la capacité d’innovation des banques ». 
Pour les banques, le risque est double : réduction de marge opérationnelle à court terme et ralentissement des projets de transformation numérique à long terme. Une équation d’autant plus sensible que le secteur bancaire est déjà engagé dans des programmes de rationalisation et d’automatisation massifs.

 

 


 

Ce coût élevé crée un déséquilibre politique. Tandis que la BCE et la Commission européenne poussent pour un lancement rapide, les banques demandent des garanties, voire un étalement des exigences. Certains États membres, soucieux de protéger leurs champions bancaires nationaux, pourraient commencer à freiner.


Grégoire Hernandez