Face aux parties prenantes : entretien avec Gilles Imbert, directeur général d’Interconstruction



Mardi 4 Juillet 2017


Collectivités territoriales, établissements financiers, entreprises de construction, architectes, avocats, riverains des chantiers, associations de protection de l’environnement ou du patrimoine, futurs acquéreurs des logements… Une société de promotion immobilière doit travailler avec un grand nombre de parties prenantes. Gilles Imbert, directeur général du groupe Interconstruction, nous livre sa vision des fondamentaux de la relation humaine dans son métier.



Cette année, Interconstruction s’est vu décerner le « Prix de la conduite responsable des opérations » par la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI), pour son projet « Regards en Seine » à Saint-Cloud. Qu’est-ce qui vous a valu, en particulier, cette reconnaissance ?

Gilles Imbert, directeur général d'Interconstruction
Gilles Imbert : Il s’agit de bâtiments qui vont être réalisés avec une paroi de 23 mètres de haut, destinée à tenir la rue Dailly, et qui s’apparente à un « ouvrage d’art ». Ce projet, très complexe, était « sur le marché » depuis près de dix ans et plusieurs promoteurs avaient jeté l’éponge. Nous avons alors repris ce programme qui se situe à un endroit où l’on commence à prendre de la hauteur par rapport à la ville, à la Seine et au Bois de Boulogne.

Interconstruction a été récompensé pour être allé au bout de ce projet atypique, tant en termes techniques que sur le plan environnemental. Nous avons dû, en effet, dialoguer avec de nombreuses associations locales de protection du cadre de vie et du patrimoine, ainsi que des riverains, toujours inquiets lorsqu’un chantier d’envergure démarre à proximité de leur habitation. Il nous a donc fallu intégrer la problématique environnementale, négocier avec les associations et les riverains, et maîtriser la complexité technique de ce projet qui a été récompensée. Autre facteur de complexité : nous avons également dû reconstruire à l’identique le pavillon « Pélican » Napoléon III, situé en partie haute du terrain. Il a fallu le démonter pierre par pierre, puis stocker les pierres dans un endroit adapté, pour ensuite les numéroter, les traiter, les recalibrer, éventuellement retailler et restaurer les plus endommagées… Un véritable travail de fourmi.

Sur quels types de projets immobiliers intervenez-vous, plus généralement ?

G. I. : À Paris et en première couronne, nous nous intéressons à tous les projets qui entrent dans notre périmètre d’activité. Sur les deuxième et troisième couronnes, nous sommes plus sélectifs et nous privilégions les programmes situés en centre-ville, à proximité des commodités, des transports, des écoles et des commerces. Nous avons souhaité recentrer nos activités sur ces deux axes essentiels, qui correspondent à notre cible et à notre savoir-faire. Cette stratégie nous permet de réaliser des volumes de 500 à 700 logements par an et d’avoir une vision sur deux ou trois années. Quant à la variété de produits, nous sommes très ouverts : logements collectifs, maisons individuelles, résidence étudiantes ou hôtelières, bureaux… Jusqu’à des projets où nous jouons le rôle « d’ensemblier urbain » et réalisons pratiquement un travail d’aménageur, comme nous l’avons fait à Suresnes, Courbevoie ou Châtillon, dans les Hauts-de-Seine (92). 

Quelles ont été, à vos yeux, les réalisations les plus emblématiques du savoir-faire d’Interconstruction, au cours de ces dernières années ?

G. I. : Parmi les opérations achevées, on peut citer les 75 000 m2 de bureaux que nous avons réalisés à Châtillon (92). Ils ont été initiés par Interconstruction en 2009 et livrés en 2015 en partenariat avec Nexity. Il s’agit d’une opération très importante sur laquelle nous avons pris des risques. Elle a permis à Interconstruction de renouer avec la construction de bureaux. C’est une opération emblématique de la capacité d’Interconstruction, en tant que PME, à piloter des programmes très importants et nécessitant un haut niveau de savoir-faire. L’opération que nous avons menée à Saint-Ouen (93) est aussi emblématique du savoir-faire d’Interconstruction dans sa diversité, puisque il s’agit d’un programme mixte dans l’hyper-centre de la ville : une résidence hôtelière à caractère social d’environ 160 chambres, développée avec l’ANCAV – la branche tourisme de la CGT – et intégrant une salle de formation, de réunion et de spectacle pouvant accueillir 200 à 250 personnes, à laquelle s’ajoute une cinquantaine de logements en accession. Cette opération mixte a été réalisée en partenariat avec l’ANCAV et la Caisse des Dépôts. Elle a été livrée en 2014 et aujourd’hui, elle fonctionne très bien. Autre opération emblématique : le programme mixte de 80 logements – maisons individuelles et petits collectifs – que nous avons livré en 2016 à Rocquencourt (78). Cette opération présente la particularité d’avoir été réalisée avec des matériaux entièrement préfabriqués. Enfin, dernier exemple illustrant la capacité d’adaptation d’Interconstruction : l’opération lancée il y a quelques mois à Aubervilliers (93), dont les travaux vont démarrer, et qui sera réalisée en construction bois. Une opération qui montre une nouvelle fois qu’Interconstruction sait prendre des risques, innover et réussir.

Toutes les opérations ne pouvant être financées en fonds propres, à quelles solutions de financement avez-vous généralement recours ? Le bouclage financier est-il une étape difficile de la promotion immobilière ?

G. I. : Les opérations ne sont jamais financées à 100 % sur fonds propres ; généralement l’ordre de grandeur est plutôt d’un tiers de fonds propres et de deux tiers de crédit. Mais comme une opération mobilise entre un et trois million(s) d’euros de fonds propres et que nous menons de front dix à quinze opérations, cela grimpe assez vite. Le groupe Interconstruction a donc recours au crédit auprès d’établissements financiers. Nous avons parmi eux des partenaires récurrents avec lesquels nous entretenons des relations privilégiées, comme SOCFIM (groupe BPCE), BECM (groupe Crédit Mutuel), BNP Paribas et la CACIB (groupe Crédit agricole). Ce sont nos partenaires historiques avec lesquels nous travaillons de façon régulière.

Interconstruction a également l’habitude de travailler en partenariat avec d’autres sociétés de promotion et de réaliser des opérations avec des tours de table ouverts, tout en gardant systématiquement, a minima, la majorité dans ces tours de table. Nous avons également réussi à monter un crédit corporate pour Interconstrcution, qui constitue un levier supplémentaire pour les financements en fonds propres.

Quelle est la nature des relations que vous entretenez avec ces partenaires financiers ?

G. I. : Une relation durable avec un établissement financier se construit logiquement sur la durée. Le « track record », c’est-à-dire l’historique de la société, est très important pour ces établissements financiers. Pour les rassurer, il faut donc construire un historique stable et fiable. Cela prend du temps et passe par différentes étapes. Ce sont d’abord des relations de confiance, basées sur la transparence, la fidélité, l’engagement et le respect des promesses. Nous avons construit cette confiance grâce à la mise en place d’outils de reporting destinés aux banques et de rendez-vous réguliers pour les informer des évolutions de nos opérations. 

La promotion immobilière est-elle un processus complexe, qui nécessite de coordonner de nombreuses entreprises partenaires ?

G. I. : De la naissance du projet à la livraison, on compte au total une quinzaine d’étapes et de partenaires avec lesquels il faut savoir travailler. Il y a d’abord les propriétaires des terrains privés, les aménageurs (qui organisent des concours), les villes (qui sont bien sûr parties prenantes de ces concours), les services techniques et d’urbanisme des villes (qui participent de bout en bout à l’opération), les communautés d’agglomération (qui peuvent également intervenir)… Nous travaillons aussi avec des architectes, des bureaux d’études, des partenaires financiers, des entreprises (qui vont réaliser les opérations), d’autres sociétés de promotion immobilière (partenaires de tours de table), mais aussi des avocats et des conseils, qui nous permettent d’aller plus loin dans le cadre d’opérations complexes. Cela fait effectivement beaucoup de monde à coordonner. 

En matière de relation client, la promotion immobilière a ceci de particulier qu’elle amène des acquéreurs à acheter « sur plan », ce qui s’avère particulièrement engageant de part et d’autre. Comment, chez Interconstruction, adaptez-vous la relation client à cette spécificité ?

G. I. : Nous avons développé les films de simulation en 3D, qui permettent de mieux comprendre comment va être la résidence, comment elle va fonctionner et s’intégrer à son environnement. Malgré cela, acheter « sur plan » est une démarche engageante, en effet. C’est pourquoi Interconstruction a mis en place un accompagnement global des clients.

D’abord, dès le lancement commercial de l’opération, il faut créer des outils de vente : une plaquette commerciale, des plans, une maquette 3D, etc. Pour assurer la crédibilité du projet, la communication en amont doit être à la hauteur des enjeux. Puis il faut gérer les contacts, les appels, les visites sur site… Il faut donc être en capacité de traiter tous ces contacts, notamment en utilisant des centres d’appel et des outils de CRM. Ensuite, les plans et les contrats de réservation doivent également contribuer à rassurer les clients, qui sont généralement épaulés à ce stade par des notaires en second, des conseils ou des avocats. Il faut donc être très crédible et très clair.

Pour entretenir la confiance, créer une dynamique après la réservation sur les bureaux de vente et faire que le client ne soit jamais en position de questionnement ou d’inquiétude par rapport à son programme, il existe également d’autres étapes de la relation client, sur lesquelles, chez Interconstruction, nous sommes en train de nous renforcer très significativement. Il s’agit de créer des points de rencontre, à l’occasion de la pose de la première pierre ou de réunions dédiées aux choix à réaliser dans les appartements, ou encore via un show-room en ligne et un show-room réel, basé dans nos bureaux. Nous créons aussi un point de rencontre au moment où les cloisons sont achevées. Pour les personnes qui veulent réaliser des travaux spécifiques, c’est l’occasion de faire venir un décorateur ou un cuisiniste. Enfin, vient l’heure de la livraison qui est normalement un moment de stress pour le client. Toute l’information structurée que nous développons constitue un véritable accompagnement qui vise justement à le rassurer. La livraison et l’immédiate après-vente sont des moments cruciaux. C’est pour cela que chez Interconstruction, nous sommes très présents durant cette période : les responsables de programme, les assistants de programme et nos services SAV sont là jusqu’à ce que l’opération soit entièrement sortie des problématiques de « levée des réserves ». Durant l’année de parfait achèvement, voire les deux années qui suivent la livraison, Interconstruction reste donc au contact de ses clients. 

Les promoteurs immobiliers sont également en forte interaction avec les collectivités. Quels sont la nature et les enjeux de la relation que vous entretenez avec les élus et les fonctionnaires territoriaux ?

G. I. : Ce sont des partenaires avec lesquels nous sommes en contact permanent. A partir du moment où l’on repère un terrain, on peut imaginer des projets, mais la ville a ses règles. Chaque ville a son propre PLU (Plan local d’urbanisme), qui indique ce qu’il est possible de réaliser par rapport à des zones, à des quartiers, à des affectations très précises en termes de gabarit, de hauteur, de retrait par rapport à la rue, etc. Les villes sont donc des partenaires avec lesquels nous travaillons du début à la fin des opérations.

Au début, nous devons valider avec eux le permis de construire. Ensuite, lorsque nous enclenchons les travaux, ils sont aussi partie prenante, car les travaux impliquent le passage de camions, la construction de bungalows, une concentration d’activités toute la semaine, sur des zones qui ne sont pas forcément prévues pour cela. Il faut également trouver des compromis et des modus operandi avec les riverains, dont la ville, directement en contact avec les habitants, est évidemment partie prenante… Et lorsque l’immeuble est livré, les services de la ville vérifient sa conformité avec ce qui était prévu et accordé par le permis de construire. Enfin, quand les clients sont arrivés, ils deviennent aussitôt des administrés de la ville ; les mairies sont donc aussi particulièrement vigilants sur la levée des réserves.

Toutes ces exigences ont évidemment des répercussions sur le déroulement opérationnel des projets. Comment sélectionnez-vous et coordonnez-vous les entreprises partenaires ?

G. I. : Nous avons un premier cercle d’entreprises avec lesquelles nous travaillons régulièrement. Il s’agit d’entreprises de gros œuvre, des différents corps d’état (techniques, intermédiaires, de finition), de VRD (Voiries et réseaux divers), de paysagistes, etc. Ce sont des entreprises que nous avons sélectionnées, avec lesquelles nous avons vécu des expériences positives et avec lesquelles nous savons que le chantier ira au bout dans de bonnes conditions. Pour nous, le « mieux disant » n’est pas forcément le moins cher, c’est un ensemble intégrant aussi les compétences, la capacité et la structuration qui permettent à une entreprise de construire aux conditions indiquées, d’aller jusqu’au bout du projet, et d’être en phase avec nos attentes et surtout avec celles de nos clients. Nous sommes en particulier très vigilants sur la levée des réserves et nos entreprises partenaires doivent également être présentes durant cette phase, même si le chantier est terminé. Ce sont des sociétés dans lesquelles nous avons confiance et qui ont également confiance en nous. Cela ne nous dispense pas d’identifier régulièrement de nouveaux partenaires, par exemple parce que l’opération impose une technicité spécifique comme c’est le cas pour la construction bois, ou encore pour l’obtention de performances énergétiques particulièrement élevées. 

Elisabeth Reault