Le Yuan, future monnaie de réserve internationale ?



Lundi 19 Novembre 2012


La monnaie est une des ressources les plus précieuses du soft power. La Chine, observatrice attentive des États-Unis, l’a bien compris. Dans sa quête de puissance et de rayonnement, la République populaire de Chine a donné en 2012 les premiers signes d’une utilisation politique active de sa monnaie. Après avoir autorisé la convertibilité du Yuan avec le Yen japonais, la liquidité de la « monnaie du peuple » pourrait s’étendre au dollar australien fin 2012. Une éventualité qui s’inscrit dans la continuité des avancées stratégiques opérées par la Chine continentale sur les marchés financiers mondiaux.



Le Yuan chinois est longtemps resté un cas particulier dans le paysage financier mondial. Jusqu’en 2005, l’usage de la monnaie du pays le plus peuplé du monde est en effet resté cantonné au marché intérieur. Les transactions internationales s’effectuant avant cette date étaient alors réalisées à l’aide d’une monnaie spécifique, baptisée FEC (foreign exchange currency). Cette tendance à la protection de la monnaie nationale s’est depuis relativement inversée. On observe en effet depuis 2005 une volonté claire de la Chine de rénover le statut du Yuan sur le marché mondial.
 
L’année 2012 marque notamment un tournant remarquable à ce sujet. La banque centrale de Chine a par exemple fait savoir en avril de cette même année qu’elle faisait le nécessaire pour moderniser son système de transactions et de paiements automatisés et l’intégrer au système SWIFT utilisé internationalement. La Chine rénove donc ses infrastructures afin de s’insérer efficacement dans le circuit financier mondial. Mais ce ne sont pas là les seuls indicateurs de la volonté de ce pays à faire entrer sa monnaie de plain-pied dans le monde de la finance internationale.
 
Depuis juin 2012, la Chine a autorisé l’échange de Yuan et de Yen sans passer par l’intermédiaire du dollar. La décision avait alors été naturellement justifiée par une volonté d’encourager les relations commerciales entre ces deux pays. Elle n’en constituait pas moins un précédent remarquable, car jusqu’alors, le Yuan n’était convertible qu’en dollars américains. De cette restriction sur la convertibilité de la monnaie chinoise résultait donc un système fort peu pratique qui contraignait tout opérateur désireux d’obtenir des Yuans à disposer au préalable de réserve en dollar.
 
Début novembre 2012, la Chine s’est également montrée favorable à l’autorisation de la convertibilité directe du Yuan en dollar australien. Cette dernière monnaie a donc de fortes chances de devenir la troisième monnaie échangeable en Yuan. À l’instar du Japon, l’Australie est un partenaire commercial de premier plan pour la Chine. Les deux pays ont échangé ensemble quelque 105 milliards de dollars américains pour la seule année 2010. Le choix du dollar australien pour approfondir la convertibilité du Yuan est donc dicté par les ordres de grandeur.
 
Les conséquences diplomatiques et financières de ces décisions sont fondamentales. À chaque fois que la convertibilité du Yuan est étendue, la demande en dollar s’en trouve mécaniquement réduite. En favorisant l’autonomie de sa monnaie sur les marchés financiers mondiaux, la Chine réduit donc sa dépendance à l’égard des États-Unis, son principal concurrent économique et politique. L’extension de la convertibilité du Yuan au dollar australien participerait donc d’une stratégie qui, à terme, pourrait très bien faire du Yuan une monnaie de réserve, concurrente du dollar, mais aussi de l’euro.

Arthur Fournier