Le paradoxe suisse : entre compétitivité et ralentissement de la croissance



Mercredi 7 Novembre 2012


Dans son rapport 2012, le World Economic Forum a, une nouvelle fois, classé la Suisse nº 1 des pays les plus compétitifs au monde. Cela fait maintenant quatre ans que la confédération occupe la pole position en matière de compétitivité, et ce, malgré un ralentissement de son économie.



La Suisse est le pays le plus compétitif au monde

Photo: CreativDoxPhoto/FreeDigitalPhotos
Le World Economic Forum a décerné en 2012, la palme du pays le plus compétitif au monde, à la Suisse. Pour la quatrième année consécutive, le pays devance Singapour et la Finlande, qui se classent respectivement, deuxième et troisième dans le classement. On note la progression de la Finlande, qui dans l'édition précédente se trouvait derrière la Suède. Cette dernière laisse donc sa troisième place à la Finlande, pour se retrouver quatrième. Viennent ensuite les Pays-Bas, et l'Allemagne qui arrivent respectivement à la cinquième et sixième place du classement. Concernant la Suisse, force est de constater que le pays persévère dans sa quête de l’excellence. Sa compétitivité est le résultat d’efforts continus en matière d'innovation, et c'est aussi grâce aux investissements importants, réalisés en R&D, que le pays reste au sommet. D'autre part, le système scolaire suisse est très performant, et les entreprises sont nombreuses à nouer des partenariats avec les universités favorisant encore l'innovation et la compétitivité globale. Il ne faut pas oublier que le marché du travail suisse est très efficace, que les institutions sont bien huilées, et que l'environnement macroéconomique du pays est stable. La Suisse est donc un modèle à suivre, d'autant plus que le pays parvient à rester compétitif dans un contexte mondial morose, et dans lequel l'économie de la plupart des pays, celle de la Suisse comprise, tourne au ralenti.

Compétitive malgré la récession

Alors que son PIB connaissait une croissance de 1,9 % en 2011, la Suisse a vu son économie reculer de 0,1 % au deuxième trimestre 2012. Ce ralentissement économique n’empêche visiblement pas la Suisse de rester le pays le plus compétitif au monde. L’économie du pays a d’ailleurs continué de croitre durant les trois premiers mois de l'année, mais la progression du PIB sur cette période, comparé au premier trimestre 2011, annonçait déjà des signes de ralentissement. En effet, le PIB n’a progressé que de 0,5 % durant le premier trimestre 2012, et ce, suite à une première contraction à -0,2 %, fin 2011. Le chargé du secteur conjoncture au secrétariat d'État à l'économie, Bruno Parnisari, explique que le recule de l'économie suisse au deuxième trimestre 2012, est essentiellement dû à la conjoncture européenne, mais aussi au ralentissement économique de certains pays asiatiques. On pense évidemment à la Chine qui arrive, au terme de sa croissance à deux chiffres, mais aussi à d’autres pays en développement de la région Asie-Pacifiques, qui avancent également au ralenti. Bruno Parnisari a rappelé que la Suisse est un pays dont l'économie repose beaucoup sur les exportations, et que le ralentissement économique de ses principaux pays clients l'affecte évidemment. Ces pays importent beaucoup de montres, de produits de précisions, et de véhicules, et ceux sont là, les seuls biens de consommation qui n’ont pas affiché de chiffres négatifs à l’exportation, bien que ces derniers se soient bien moins exportés cette année. En revanche, dans les secteurs financiers, du commerce, et de l'industrie, le recul des exportations suisses est significatif et varie entre -0,7 % et -1,1 %.

Compétitivité et développement des autres pays

Compétitive, mais en plein ralentissement économique, la Suisse pourrait bien devoir redoubler d'effort pour rester dans la course. Au regard de la situation économique d'autre pays, comme les États-Unis ou la France, et du niveau de compétitivité de ces pays, la pérennité des modèles de développement de chacun est remise en cause. Une remise en question que la Suisse pourrait bien connaître, si son PIB continue de se contracter durant les prochains mois. La France par exemple, enlisée dans sa dette souveraine, et qui doit multiplier les plans de relance, et plans d'austérité, a vu sa compétitivité s'effondrer. Ainsi, dans le classement World Economic Forum, l’hexagone a perdu six places en deux ans, et ne fait plus partie du top 20 des pays les plus compétitifs au monde. Les conséquences conjoncturelles peuvent donc être néfastes sur la compétitivité globale. Cela reflète d'autre part, une baisse d'efficacité du gouvernement français, explique l'économiste au WEF, Thierry Geiger. Le cas des États-Unis est un autre exemple, car il y a cinq ans, ce sont eux qui étaient les plus compétitifs. Aujourd'hui, la conjoncture économique et financière mondiale les a rétrogradés à la septième place du classement du World Economic Forum. Que ce soit la France ou les États-Unis, les effets macroéconomiques de la crise mondiale comptent parmi les principaux facteurs de la baisse de compétitivité. Une compétitivité pourtant nécessaire à la pérennité du développement de chacun, et qu’il convient désormais de mesurer en intégrant des critères qualitatifs et sociaux.

Alimenter le cercle vertueux de la compétitivité

Face à une conjoncture défavorable au niveau mondial, chaque pays doit trouver le juste milieu entre croissance économique, durabilité et compétitivité. Aussi, la question d’un développement pérenne ne peut plus trouver de réponses, sans l’intégration de critères environnementaux et sociaux. Le professeur d’économie à la Columbia University, Xavier Sala-i-Martin, suggère donc que les politiciens se rappellent les fondamentaux de la compétitivité à long terme, afin que les facteurs qualitatifs et quantitatifs de la croissance économique soient discernés avec plus de précision. En d’autres termes, ce sont les différents aspects de la compétitivité qui doivent être mis à jour, le but étant de mieux appréhender les effets de la crise, et les foyers de vulnérabilité économiques et macroéconomiques. Des foyers, dont la compétitivité peut, par exemple, être améliorée par la réduction des inégalités, l’amélioration de certains dispositifs fiscaux, ou encore par un soutien mieux ciblé en matière de R&D et d’innovation. D’où l’importance de définir des critères qualitatifs, associés à des critères quantitatifs. Ainsi, des ajustements réglementaires plus efficients pourraient être réalisés, et le cercle vertueux de la compétitivité pourrait être relancé et entretenu durablement.

La Rédaction