Le yen, une valeur refuge sur le marché des changes



Mardi 8 Mai 2012


La crise des déficits publics en Europe a des répercussions immédiates sur le court des monnaies. À cet égard, l’euro se trouve bien sûr en première ligne et l’actualité grecque de l’année 2011 a rappelé à tous l’équilibre fragile qu’il existe entre les finances publiques et le court des monnaies. Dans la sphère financière, des valeurs refuges sont parfois évoquées comme pour exorciser le risque d’une crise monétaire. Le Yen japonais est considéré comme tel et la monnaie de l’un des pays développés les plus endettés du monde semble ainsi faire un pied de nez à la monnaie européenne.



Il pourrait sembler surprenant que le yen soit désigné comme une valeur refuge sur le marché des changes. Le Japon, qui l’émet, a en effet rétrogradé parmi les rangs des puissances mondiales, cédant sa place de second à la Chine. Sa population est vieillissante et l’instabilité politique pèse sur la vie de ses institutions. Enfin et surtout, la dette du Japon avoisine les 220% du PIB au début de l’année 2012. De 2006 à 2011  pourtant, le yen s’est apprécié de quelque 59% par rapport au dollar et 48% par rapport à l’euro. La cherté du yen semble ainsi défier la logique.
Pourtant, le yen est indéniablement une valeur refuge. Il s’agit d’une valeur monétaire extrêmement liquide sur les marchés internationaux. Le yen japonais est en effet la troisième monnaie la plus échangée sur le marché des changes après le dollar américain et l’euro. Les échanges entre yen et dollar américain constituent d’ailleurs 20% des volumes de monnaie échangés. La monnaie japonaise jouit donc d’une vigueur remarquable.

La force du yen se vérifie de plusieurs façons. Tout d’abord, le yen est la monnaie d’un pays dont l’économie est stable et des plus développées. La puissance économique du Japon, notamment au regard de sa taille, ne cesse d’être reconnue malgré son dépassement par la Chine par exemple. Par ailleurs, le yen jouit d’un fort pouvoir d’achat sur les marchés internationaux, mais aussi sur le marché japonais où son évolution est restée stable notamment sous l’effet des épisodes de déflations répétés qu’a connus le Japon. Enfin, le taux de change du yen s’apprécie tendanciellement par rapport aux autres grandes devises internationales. Toutes ces raisons font du yen une valeur sûre du marché des changes, mais cela n’explique en rien d’où cette monnaie tire sa vigueur. Comment expliquer un si grand dynamisme de cette monnaie sur le marché des changes ? Malgré le vieillissement extrême de la pyramide des âges japonaise et une forte dette publique, les investisseurs continuent d’avoir confiance dans le Japon. On peut le comprendre en décomposant la structure de la dette de ce pays.

À la différence de la dette européenne, la dette publique japonaise est détenue à plus de 90% par des acteurs nationaux. L’épargne des ménages et l’investissement des entreprises nationales constituent de gigantesques mannes dans lesquelles le Japon puise pour se financer depuis les années 1980. Par ailleurs, les banques japonaises, autrefois très étroitement liées au gouvernement, sont également d’importants détenteurs de bon du Trésor.
Là où les pays de la zone euro subissent la pression et la volatilité des investisseurs étrangers qui détiennent plus de la moitié de leur dette publique, le Japon jouit de la sérénité que la stabilité de sa dette lui confère. Ce pays dispose des avantages du crédit sans souffrir de la dépendance que cela implique et sa monnaie demeure une valeur demandée ce qui contribue à en faire monter le prix sur les marchés internationaux.

À la différence des pays d’Europe, le Japon parvient à se financer en empruntant auprès d’acteurs domestiques et ce depuis la fin des années 1980. De par la composition de son portefeuille de dette, le Japon bénéficie donc d’une stabilité financière durable qui contribue à garantir la solidité de sa monnaie. Cette stabilité constitue un avantage comparatif majeur par rapport à l’euro et au dollar américains, les deux autres grandes devises internationales. Cela explique pourquoi le yen est perçu comme une valeur sûre et dont le prix grimpe tendanciellement sous l’effet d’une demande constante.

Arthur Fournier