Les circuits intégrés photoniques mettent en lumière le rôle grandissant du phosphure d’indium



Jeudi 16 Décembre 2010


Par Jeff Ferry, Directeur de la Communication, et Radha Nagarajan PhD, Directeur des systèmes optiques - Infinera.



Flickr - cc - Mörfie
Voilà 60 ans que les termes « puces » et « silicium » sont indissociables. Les puces qui équipent les ordinateurs, téléphones portables et jeux vidéo d’aujourd’hui, sont toutes en silicium. Mais l’importance grandissante d’une nouvelle génération de puces, les circuits intégrés photoniques, place sous le feu des projecteurs un nouveau type de circuit intégré en phosphure d’indium, probablement amené à jouer un rôle plus important dans divers domaines technologiques dans les années à venir.

Dans la Silicon Valley, les avantages du silicium sont légendaires. Il est abondant, peu onéreux, facile à fabriquer, et sa capacité à fonctionner comme semi-conducteur le rend idéal pour les transistors. Par contre le silicium a un défaut majeur : il n’émet pas de lumière. C’est pour cette raison que des travaux innovants ont été conduits avec d’autres matières. L’exemple le plus intéressant à citer est le développement des circuits intégrés photoniques (PICs pour Photonic Integrated Circuits) pour les réseaux télécoms. Introduits sur le marché depuis 2004 par Infinera, société californienne basée à Sunnyvale, ces puces sont à présent largement déployées au sein des réseaux télécoms du monde entier, pour lesquels elles transmettent la voix, les données et le trafic Internet par fibre optique. Ces puces sont en phosphure d’indium (InP), un semi-conducteur qui émet de la lumière au contact du courant électrique. Aujourd’hui, 39% des systèmes télécoms longues distances livrés aux Etats-Unis sont basés sur ces circuits intégrés photoniques à grande échelle. Le pourcentage est plus faible en Europe, mais grandit très vite. Des opérateurs européens bien connus comme Deutsche Telekom, Carphone Warehouse Networks et Interoute utilisent des systèmes basés sur cette nouvelle technologie.

La croissance fulgurante de l’industrie des puces en silicium est due à la capacité des ingénieurs à les concevoir de plus en plus puissantes, en augmentant la densité des transistors présents sur la surface de chaque puce. Le succès des circuits intégrés photoniques montre que les puces basées sur le phosphure d’indium suivent le même chemin. Aujourd’hui les PICs renferment 50 dispositifs optiques sur une simple puce de 5 millimètres carrés et sont capables de transmettre les données à une vitesse de 100 Gigabits/seconde (Gbit/s). Pour avoir une idée de l’échelle des grandeurs, la connexion Internet chez un particulier fonctionne aujourd’hui en moyenne à 1 Megabit/seconde (Mbit/s), c'est-à-dire 100.000 fois moins vite. Des démonstrations en laboratoire de la prochaine génération de PICs ont été réalisées avec plus de 200 dispositifs optiques par puce, conçues pour transmettre à des vitesses atteignant 1,6 Terabit/seconde (1.600 Gbit/s). Il existe une version optique de la loi de Moore pour laquelle la densité des puces photoniques double tous les 3 ans. L’augmentation de la vitesse de transmission est encore plus remarquable.

L’importance grandissante des PICs et des puces à base de phosphure d’indium est directement liée à l’importance grandissante de l’optique et des communications dans le monde technologique d’aujourd’hui. A l’époque où chaque ordinateur était isolé, leur qualité essentielle était leur puissance de calcul. Mais dans le monde d’aujourd’hui la communication est devenue plus importante que jamais. En premier lieu, des millions d’ordinateurs (et d’autres périphériques) sont connectés par Internet ; d’autre part, la puissance informatique est de plus en plus concentrée dans d’importants centres de calculs (Data Centers) au sein desquels des milliers de serveurs, switches et périphériques de stockage sont reliés entre eux. Enfin, les ordinateurs eux-mêmes reposent sur des processeurs multi-cœurs, la communication entre ces cœurs devenant une partie importante du système.

La physique dicte que la lumière est un meilleur vecteur de communication que l’électronique. Au-delà d’une vitesse de l’ordre de 10 Gigabits/seconde, envoyer des électrons via des réseaux en cuivre devient ingérable. La dissipation du courant devient trop importante. Les communications optiques, l’envoi de photons par fibre optique, sont moins chères, consomment moins de courant, et offrent beaucoup plus de capacité – des Térabits de bande passante plutôt que des Gigabits. D’où l’intérêt grandissant dans les semi-conducteurs à base de phosphure d’indium et de matières similaires. Le fait que l’on arrive à produire des circuits intégrés photoniques en volume montre que toute l’efficacité appliquée dans la production industrielle de puces au silicium peut être appliquée avec succès à une autre matière. Les circuits intégrés photoniques en sont aujourd’hui à un stade de complexité de leurs composants analogue à celui des puces en silicium dans les années 1960. En termes de densité possible sur une puce, ils sont loin devant. En tout état de cause, si les progrès continuent, la mise en place de techniques de fabrication avancées pourrait faire baisser les coûts et permettre un déploiement général de la technologie.

L’informatique montre un intérêt grandissant pour les semi-conducteurs composés. IBM procède à des expériences avec des puces multi-cœurs placées à plusieurs « étages » de l’ordinateur. A l’étage inférieur se trouvent les cœurs pour le calcul, basés sur les technologies traditionnelles en silicium. L’étage au-dessus contient les capacités de stockage, également en silicium. L’étage supérieur est celui consacré aux communications, basé sur le phosphure d’indium ou sur des composants similaires. Bien entendu il y a encore bien des étapes à franchir avant de voir une utilisation commerciale de cette technologie. Il faudra concevoir la technologie de l’étage des communications ainsi que la façon dont elle sera reliée aux 2 autres étages. Adapter ensemble différentes matières assurant des communications fiables entre les différents étages, sur des périodes de temps très longues, est un sacré challenge. Intel, premier promoteur mondial de la technologie silicium, expérimente de façon intense les semi-conducteurs composés dans son centre de recherche de Santa Clara. La société a récemment fait état de percées dans le domaine de l’adaptation de semi-conducteurs composés avec des puces en silicium, utilisant de l’antimoniure d'indium (InSb) et de l’arséniure de gallium-indium (InGaAs).

Une autre industrie utilise de façon omniprésente les semi-conducteurs composés, celle de l’éclairage domestique. Les LEDs (light-emitting diodes) sont plus efficaces, plus fiables et consomment moins de courant électrique que les éclairages traditionnels. Il est prévu qu’elles surpassent les autres formes d’éclairage dans les années à venir. Les LEDs sont basées sur des semi-conducteurs composés comme l’arséniure de gallium (GaAs), le phosphure de gallium (GaP), et le nitrure de gallium (GaN). Ces technologies sont déjà largement déployées, par exemple dans l’éclairage des tableaux de bord des voitures, pour lesquelles elles produisent une palette de couleurs beaucoup plus vivantes que l’éclairage incandescent de nos grands-pères. La technologie des LEDs est de moins en moins chère et continue son développement, non seulement dans l’éclairage domestique, mais aussi dans celui des rues et dans d’autres applications.

Avec les LEDs, les semi-conducteurs composés apportent des avantages importants à l’industrie de l’éclairage. De la même façon, l’intégration à grande échelle de matières composées recèle des gains et des fonctionnalités révolutionnaires pour l’avenir de l’informatique et des télécommunications.




Jeff Ferry est Directeur de la Communication chez Infinera

Radha Nagarajan, PhD, est Directeur des systèmes optiques chez Infinera

Les Cdb