Les méthodes brutales des acheteurs secouent le monde du conseil



Dimanche 1 Novembre 2009


Les consultants sont parfois victimes de manœuvres obscures et d’humiliations pour les contraindre à baisser leur prix. Des hommes de métier se sont confiés aux Carnets du Business...



Les acheteurs s’attaquent aujourd’hui au secteur du conseil, avec des méthodes d’une grande brutalité. Elles secouent ce petit monde accoutumé à des relations plus courtoises et exaspéré d’être relégué au rang de vulgaires fournisseurs d’heures de prestations, et non plus de conseillers de l’ombre distillants de précieux préceptes.

Un dirigeant d’un grand cabinet, qui évidemment comme ses confrères qui nous ont reçus, a requis l’anonymat, et nous confie deux anecdotes révélatrices. Un très grand groupe français l’a poussé jour après jour à baisser ses prix pour pouvoir agir sur un concurrent, déjà choisi pour emporter le marché, mais dont les prix étaient jugés trop élevés. Autre affaire, un acheteur d’un autre grand groupe décortique les comptes du cabinet publié par Infogreffe pour calculer un prix de journée évidemment à son avantage. En revanche, notre homme minimise les demandes explicites de backchich. Il relève même l’initiative d’une grande banque française qui a adressé un courrier aux cabinets de conseil pour leur demander de ne pas offrir des cadeaux dépassant un certain montant.

Au-delà de ces « méthodes de voyou », comme le relève avec colère un professionnel, les techniques traditionnelles de l’achat se répandent dans un secteur qui les découvre. Et s’en offusque. Même les conseillers de dix ans d’une entreprise sont désormais obligés de déposer un dossier chaque année pour défendre leurs compétences. « La première année, j’ai été offusqué. Maintenant, c’est seulement humiliant », soupire un professionnel. Il souligne aussi l’allongement des négociations. Elles sont passées en quelques mois d’une demi-journée à 6 jours. Pourtant, ces discussions se résument désormais à une relation de pouvoir, telle une discussion de marchand de tapis, autour du prix de la journée d'intervention. Et le résultat est courru d’avance. Un grand cabinet international de conseil s’est ainsi vu retourner 27 propositions sur les 28 déposées. Le motif : des prix trop élevés. « Nos prix baissent parfois de 30 % » souligne le directeur général d’un prestigieux cabinet de conseil en stratégie. « Nous sommes confrontés à cette situation depuis seulement 6 mois, remarque un dirigeant d’un autre grand cabinet français. Auparavant, les acheteurs négociaient en travaillant sur le contenu de la mission. Quitte à aboutir à une reconfiguration de la proposition afin de réduire les honoraires. Mais nos marges étaient préservées ».

Aujourd’hui, le secteur, dont 70 % des charges sont représentées par les salaires des consultants, souffre. Ces méthodes d’achat d'un nouveau genre visent évidemment à réduire les coûts d’entreprises sérieusement secouées par une crise profonde. Mais elles ressentent un besoin accru d’idées vendues par les consultants pour piloter dans le brouillard. Jouent-elles aux apprentis sorciers en accentuant la pression sur les consultants ? On peut l’envisager. On se souvient que dans les années 95-96, des acheteurs de formation continue aux méthodes tout aussi brutales avaient conduit cette profession de services intellectuels au bord de l’abîme et à un moins-disant social dont aujourd’hui encore les organismes gardent la trace.

Les Cdb