MediaTrack : du local au global, les mille vertus de l’indépendance

Entretien avec Marc Lewitanski, Directeur général de CoSpirit MediaTrack



Lundi 5 Décembre 2016


« La liberté n’est rien d’autre qu’une chance de devenir meilleur », disait Albert Camus. Dans l’univers assez standardisé des agences media, MediaTrack a su tirer son épingle du jeu grâce à son indépendance et son savoir-faire sur les marchés locaux. A la clef, des solutions de communication sur-mesure pour des annonceurs toujours plus soucieux de viser juste, comme nous l’explique Marc Lewitanski, directeur général de MediaTrack.



MediaTrack est la filiale à 100% de CoSpirit entièrement dédiée au conseil et à l’achat media. Y’a-t-il des liens opérationnels entre les deux entités ?

Marc Lewitanski, directeur général de CoSpirit MediaTrack
MediaTrack est une agence media indépendante qui conseille et accompagne ses clients dans l’élaboration de leurs stratégies media et dans leur mise en œuvre. Nous formulons des recommandations en nous appuyant sur des sources variées, des études notamment, et ceci en fonction des cibles des clients. Nous sélectionnons ensuite les supports et les différentes combinaisons possibles (le media planning) avant de passer à une phase d’achat media.

CoSpirit pour sa part est un groupe spécialisé la communication locale avec une forte dimension études. MediaTrack puise donc au quotidien dans ses savoir-faire spécifiques pour améliorer continuellement son offre. Il existe une grande proximité entre les deux entités qui font partie de la même équipe et de la même « maison », présidée par Florian Grill. A Lyon comme à Paris, nos équipes sont mélangées et collaborent grâce à une culture d’entreprise très forte : nous avons le même ADN, et un socle de valeurs partagé. 

Qu’est-ce qui différencie MediaTrack, au fond, des autres agences media ?

L’une de des principales forces de MediaTrack, avec l’apport de CoSpirit, est d’être spécialisée sur les marchés locaux. Notre démarche locale est un atout pour les acteurs qui ont une logique d’implantation territoriale, comme ceux de la distribution ou encore les enseignes à réseau. Ceux-ci ont des besoins bien spécifiques en matière de communication globale (elle doit couvrir de manière équilibrée tous les territoires) mais aussi à l’échelon hyper-local. C’est pourquoi nous proposons des solutions sur mesure.

MediaTrack est une agence relativement jeune, et revendique déjà un statut « d’alternative » aux Big 6 (Havas, Publicis, WPP, Omnicom, Interpublic, Dentsu Aegis). Quel est votre volume d’achat aujourd’hui ?

MediaTrack existe depuis une vingtaine d’années, et elle est aujourd’hui la deuxième agence media indépendante sur le marché français. Le classement RECMA évalue notre volume d’achats à près de 300 millions d’euros brut, la plus forte croissance du marché puisqu’il a fait un bond de 79% entre 2012 et 2015. Cela s’explique par l’arrivée de nouveaux clients, mais aussi par la grande fidélité de clients historiques qui travaillent avec nous depuis plus de 7 ans en moyenne.

Nos clients sont aussi de plus en plus internationaux. Il y a encore vingt ans, moins de 50% des des 250 premiers annonceurs mondiaux procédaient à des appels d’offres internationaux. Ils sont aujourd’hui près de 90% ! Pour l’agence media indépendante franco française que nous étions, il était indispensable de proposer des solutions globales et efficientes à l’international pour rester en lice. Nous en avons fait une proposition de valeur forte et alternative face aux Big Six grâce en créant Local Planet un réseau mondial qui regroupe les meilleures agences indépendantes de chaque pays. Ce réseau couvre 51 pays aujourd’hui et représente un volume d’achat d’espace supérieur à 10 milliards. 

Dans une agence media comme MediaTrack, quelle est la place accordée à l’humain, à l’ère du programmatique ? Le Real Time Bidding a-t-il supplanté le Media Planning ?

L’humain est absolument essentiel dans les métiers de conseil : la qualité des consultants détermine la qualité des recommandations. Ainsi, nous recrutons et fidélisons des consultants qui ont une compréhension profonde des enjeux auxquels sont confrontés nos clients, et qui maîtrisent parfaitement l’univers des médias, de la radio à la télévision en passant par le digital. Leur fidélisation passe notamment par un investissement significatif dans la formation, qui gage la rapide montée en compétences de nos collaborateurs, plutôt que de les enfermer dans une logique tayloriste. C’est d’autant plus important que notre marché évolue très vite. Il nous faut innover sans cesse pour développer de nouveaux savoir-faire.

Enfin, nous accordons beaucoup d’importance à l’ambiance de travail. Nous avons une grande stabilité sur le plan RH, tandis que la plupart des annonceurs se plaignent du turn-over dans ce métier. Or les annonceurs exigent en général d’être en contact avec un collaborateur senior qui va piloter le compte, comme d’avoir un accès direct au patron de l’agence. Chez MediaTrack, le client est central, et nous intégrons cette priorité à notre pilotage des RH. 

Comment MediaTrack aborde-t-elle l’impératif d’innovation inhérent au métier et aux nouveaux media ?

L’innovation est ancrée dans notre ADN : le nom de CoSpirit provient lui-même de notre volonté initiale de piloter les projets en co-développement avec nos clients, c’est-à-dire d’être capable avec eux de repérer les signaux faibles, et de développer de nouveaux outils adaptés à leurs besoins. Cette appétence permanente pour l’innovation est d’ailleurs un trait de caractère de Florian Grill, qui a très tôt impulsé cette démarche jusqu’à l’instiller à tous les niveaux du groupe.

Mais nous nous enrichissons aussi en interne grâce à nos collaborateurs, dotés de compétences très pointues. Les synergies que nous créons entre les différents métiers au sein du groupe nous permettent d’exercer notre métier avec une ouverture d’esprit et une vision plus large que nos concurrents. Concrètement, nous élaborons des solutions nouvelles et taillées sur mesure pour chaque annonceur. Cela se traduit par une meilleure performance, une meilleure interaction, et un meilleur suivi au profit de nos clients. Par exemple, nous avons développé plusieurs types de tableaux de bord digitaux très détaillés, qui permettent de suivre l’exécution des campagnes jusque dans leurs aspects techniques et financiers les plus pointus. C’est un atout, notamment pour nos clients issus du secteur public qui ont une obligation administrative de suivi très stricte. 

MediaTrack a opté pour une croissance externe assez volontariste en vue de soutenir son développement opérationnel. Quelle est votre stratégie d’acquisition ?

Notre croissance a longtemps été purement organique mais, en tant qu’agence media indépendante, nous faisons face à un défi : celui d’atteindre une taille critique. Nous avons donc décidé de chasser des opportunités de croissance externe pour grossir mais aussi être dans l’amélioration continue de la qualité de service. Nous étudions ainsi des dossiers des agences media indépendantes ou digitales ou creusons la possibilité de créer des joint-ventures avec des sociétés qui possèderaient des compétences très spécifiques sur les usages digitaux complétant notre offre de service. Aujourd’hui, alors que beaucoup d’indépendants ne dépassent pas le seuil de 20 personnes, MediaTrack peut compter sur la force d’un groupe de 120 personnes et des moyens financiers importants, entièrement dédiés à la qualité de service. 

Vous évoquiez la constitution, au cours du premier semestre 2016, du réseau international Local Planet. Pouvez-vous nous en dire plus sur la genèse de ce projet ?

Local Planet est né de la rencontre de plusieurs agences media indépendantes. Par exemple aux Etats-Unis, nous sommes associés avec Horizon, le premier indépendant du marché (1500 collaborateurs pour 6,5 Md$ d’achats médias). En Angleterre, nous travaillons avec 7Stars, l’agence indépendante qui connait la plus forte croissance, et en Italie avec MediaItalia, un spécialiste reconnu de la télévision. En Allemagne, nous avons pour partenaire Pilot, qui traite toute la communication digitale de Procter & Gamble depuis 10 ans et qui compte 450 collaborateurs. Ce sont des références absolues : nous les sélectionnons selon des critères très stricts. Chaque membre du réseau excelle sur son terrain et apporte aux clients les meilleures stratégies locales, et nous couvrons désormais plus de 50 pays.

Local Planet a deux engagements profondément différenciants vis-à-vis de ses clients. D’abord, une transparence totale et absolue sur l’ensemble des médias, et notamment le digital, dans une période où les annonceurs partout dans le monde expriment des doutes et ont besoin d’être rassurés quant aux prestations qu’ils achètent. En tant que consultants, nous défendons les intérêts de nos clients sans aucune marge cachée. Notre second engagement est celui de la pertinence de notre action grâce à notre démarche « local up » : au lieu d’avoir une décision centrale qui est ensuite déversée sur les pays ciblés par les annonceurs, nous avons inversé le process. 

En détail, comment se traduit cette stratégie opérationnelle « local up » ?

Nous sommes persuadés que toutes les batailles se gagnent sur le terrain. Aussi, pour avoir une bonne recommandation en France par exemple, il importe d’avoir une stratégie media adaptée plutôt qu’une stratégie internationale négligemment et génériquement transposée à la France. Chaque équipe pays va analyser les briefs qui lui sont confiés et faire remonter de l’information dans une logique bottom up et non top down. Ces informations vont ensuite être retravaillées par une équipe de coordination. Notre typologie de réponse consiste donc pour chaque pays à proposer une stratégie ad hoc. A la clé, l’annonceur bénéficie dans chaque pays de la meilleure recommandation possible. 

Chez Local Planet, comme chez MediaTrack - d’ailleurs membre actif de l’AAMI et de l’UDECAM* -, vous n’hésitez pas à bousculer l’ordre établi en revendiquant une transparence totale quant à la facturation. Le monde des agences media est-il vraiment à ce point opaque ?

En France, la loi Sapin édicte des règles bien claires, comme par exemple l’envoi par la régie de l’original des factures aux clients finaux. La transparence exigée sur les mass media n’existe pas sur le digital. Cette transposition dans le domaine du digital constitue l’une des demandes actuelles de certains acteurs du marché, même si c’est effectivement plus compliqué. En effet, il est possible d’intercaler un certain nombre de prestataires, comme un trading desk qui va faire de l’achat en real time biding (RTB). Ces entités ont le droit, si elles sont juridiquement séparées, de revendre des prestations à un prix différent du prix d’achat, car elles sont de véritables transformateurs de la donnée, à laquelle elle apportent une véritable valeur ajoutée : ce travail supplémentaire doit être rémunéré et il peut l’être de manière transparente. Une agence media qui s’est équipée d’un trading desk « maison » est alors susceptible de conserver des marges, mais il nous parait logique, si elle est correctement rémunérée par son client qu’elle n’empile pas les rémunérations cachées.

Nous garantissons contractuellement une totale transparence à nos clients, en échange d’une juste rémunération de notre travail. Nous privilégions des facturations sur la base du temps homme plutôt que sur la base de pourcentage. Enfin nos clients ont également la possibilité d’auditer l’ensemble de nos comptes. 

MediaTrack a d’ores et déjà reçu plusieurs récompenses et distinctions, validant ainsi un business model original. Quelles sont vos prochains objectifs stratégiques ?

En 2015, nous avons gagné le prix OffreMedia de l’innovation dans la catégorie challenger ainsi qu’un prix saluant notre progression commerciale. En 2016, nous avons également reçu le prix de l’agence media de l’année, de l’innovation et de la stratégie. Depuis 2015, nous nous sommes lancés dans une course qui nous tient particulièrement à cœur : celle du prix EFFIE organisé par l’union des annonceurs (UDA), qui récompense les campagnes non pas en fonction de leur créativité, mais en fonction de leur efficacité sur les ventes : nous avons gagné notre 1er EFFIE de Bronze en 2015 pour notre client O2 (leader du service à la personne) et nous venons d’en gagner un nouveau en 2016 pour notre client Keep Cool (Ndlr : les salles de sport).

Ces prix nous ont permis de gagner en visibilité et de faire valoir la singularité de notre promesse client, qui est d’apporter à nos clients des avantages concurrentiels décisifs, notamment dans le domaine du digital ou du local. Nous souhaitons maintenant poursuivre notre développement. Notre objectif pour 2016-2019 est de doubler de taille à nouveau, grâce à une forte croissance en parts de marché. Notre croissance organique, la poursuite de notre stratégie de croissance externe ainsi que l’apport de clients issus de l’international via Local Planet doivent permettre d’atteindre cet objectif.  

Elisabeth Reault