Novasco : l’État assignera Greyscoll après une reprise jugée ratée



Lundi 17 Novembre 2025


L’aciériste Novasco, repris en 2024 par le fonds Greybull Capital, est à nouveau en grande difficulté. L’État français accuse Greyscoll de ne pas avoir respecté ses engagements d’investissement et annonce une action judiciaire, exposant les enjeux de gouvernance et de relance industrielle en France.



Les promesses non tenues et l’alerte financière

Lorsque Greyscoll reprend Novasco en 2024, l’opération est présentée comme l’un des volets d’une relance industrielle ambitieuse. Le fonds s’engage alors à investir 90 millions d’euros dans l’aciériste, dont 15 millions en fonds propres. En parallèle, l’État mobilise un soutien financier compris entre 75 et 85 millions d’euros afin de stabiliser la situation et d’accompagner la reprise. L’ensemble devait permettre de moderniser les outils, relancer les capacités de production et sécuriser l’avenir des quelque 760 salariés répartis sur quatre sites industriels clés. Toutefois, les faits rapportés par le ministre de l’Industrie indiquent que Greyscoll n’a injecté qu’environ 1,5 million d’euros, soit un déficit d’engagement colossal qui a rapidement fragilisé la trésorerie de l’entreprise. Cette défaillance financière est considérée par le gouvernement comme un élément déterminant dans la spirale menant Novasco au bord de la rupture.

Cette absence d’investissements tangibles a accéléré la dégradation de la situation. Le 11 août 2025, le tribunal de commerce de Strasbourg prononce le placement de Novasco en redressement judiciaire, constatant que l’entreprise ne peut plus faire face à ses échéances. La procédure, qui n’est pas la première dans son histoire récente, met en lumière les difficultés structurelles d’un acteur déjà affaibli mais qui comptait sur un plan d’investissement solide pour rebondir. Les sites industriels, en particulier celui d’Hagondange où environ 450 emplois sont concentrés, se retrouvent sans perspective claire. Les promesses de relance, qui avaient mobilisé salariés, élus locaux et acteurs économiques, s’effritent au rythme de l’absence de financement réel, suscitant un climat d’incertitude profonde dans l’ensemble des territoires concernés.


L’intervention de l’État et les conséquences stratégiques pour la gouvernance industrielle

Face à la situation, l’État choisit d’adopter une posture offensive en annonçant l’ouverture prochaine d’actions civiles et pénales contre Greyscoll. Le ministre de l’Industrie dénonce un manquement manifeste aux engagements contractuels, affirmant que « l’impunité, c’est terminé » pour les fonds d’investissement qui ne respectent pas leurs obligations. La procédure vise à obtenir réparation des préjudices subis par les salariés, l’État et les territoires concernés, tout en explorant la possibilité de qualifier pénalement certains manquements si des éléments graves étaient identifiés. Cette décision marque une évolution notable de la stratégie publique : l’État s’affirme non plus seulement comme financeur de la relance, mais aussi comme garant du respect des engagements industriels dans les opérations de reprise.

Ce dossier pourrait devenir un précédent dans la manière dont la France encadre les repreneurs industriels, en particulier les fonds étrangers intervenant dans des secteurs stratégiques. Le cas Novasco illustre les risques liés à la dépendance envers des investisseurs dont les modèles reposent parfois davantage sur la restructuration financière que sur la relance industrielle. Pour les milieux économiques, cette affaire pourrait redéfinir les normes de gouvernance : nécessité d’une capacité d’investissement vérifiable, garanties exigibles en cas de promesses non tenues, suivi renforcé des plans industriels et contrôle accru des engagements pris devant l’État. Dans un contexte où la réindustrialisation est affichée comme une priorité nationale, l’issue du bras de fer entre l’État et Greyscoll pourrait influencer durablement les futures opérations de reprise et les conditions d’entrée de nouveaux investisseurs dans des filières jugées sensibles.

Adélaïde Motte