Prototypes de l'entreprise de demain: comment organiser efficacement le travail?



Vendredi 26 Aout 2011


Quel est le prototype de l’entreprise de demain, censé s’adapter le mieux au nouveau contexte économique ? Certains spécialistes parlent de la mort de l’entreprise traditionnelle, ayant un contour rigide, dont l’avantage compétitif vient de sa spécialisation dans un cœur de métier. Ils prédisent alors l’avènement d’une entreprise polyvalente et "éclatée". D’autres se prononcent en faveur d’une spécialisation plus pointue des entreprises qui vont à terme se concentrer sur les parties du processus productif les plus rentables (commercialisation, conception, distribution), en délocalisant ou sous-traitant les activités demandant moins d’expertise (fabrication, logistique, traitement de données). Deux hypothèse divergentes qui soulèvent une même question centrale: comment évoluera la GRH à moyen terme?



Une problématique de l'entreprise moderne

L’environnement économique qui évolue rapidement impose ses contraintes aux entreprises qui emploient de plus en plus de personnel intérimaire, assigné à des projets ponctuels. La configuration même de l’entreprise change. Les structures pyramidales d’autrefois cèdent la place à des entreprises décentralisées, composées d’unités autonomes. Ces nouvelles entreprises sont de plus en plus polymorphes et polyvalentes, à tel point que l’on peut s’interroger sur leur efficacité et surtout sur leur gouvernance.

Cette absence de contour définitif et figé, qui inquiète parfois les actionnaires, peut être également vu comme un avantage compétitif si on compare l’entreprise à un organisme vivant qui s’adapte en permanence et tout à fait naturellement à son environnement, de plus en plus complexe. Cette structure multiforme répond au principe d’autonomie de ses entités constitutives et à un modèle de prise de décision décentralisée, indispensables pour rester "connecté" au marché.

Flexibilité et télétravail : une nouvelle configuration de l’entreprise

Ce type d’organisation de travail est de plus en plus populaire en France. Selon une étude réalisée en mars 2011 par « Regus », premier fournisseur mondial d’espaces de travail, la forme d’organisation flexible est moins coûteuse et plus bénéfique que le modèle traditionnel de « bureaux fixes ». Selon cette étude, 83% des entreprises françaises proposent des modes de travail flexibles à leurs collaborateurs. Plus précisément, les employés ont moins de présence obligatoire dans les bureaux et peuvent travailler depuis chez eux, ce qui leur permet de trouver un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Les collaborateurs se sentent ainsi plus impliqués professionnellement, puisque le travail n'est plus perçu comme une source de contrainte ou de pression quotidienne.
Dans certaines sociétés, comme Shell, les bureaux nominatifs ont tendance à disparaître, les cadres travaillant soit depuis leur domicile, soit dans un « open space » anonyme au siège de l’entreprise. Cette forme est de plus en plus répandue car les employés ont des liens de subordination avec les personnes qui sont basés à l’étranger, la correspondance se faisant essentiellement par internet et plus particulièrement par "visioconférence".

IBM est connu par son approche révolutionnaire du processus créatif. Ce géant de l’informatique crée des équipes ad hoc le temps d’un projet, qui sont composées de spécialistes venus de divers domaines de compétence. Ce type d’organisation transversale du travail est également mis en place dans d’autres entreprises de haute technologie, qui sont à la recherche d’une pus grande créativité et d’une liberté d’action de leurs collaborateurs. Dans cette organisation dynamique, les liens de subordination ne sont pas toujours bien définis, le responsable de l’équipe jouant plus un rôle de coordinateur que de dirigeant.

Dans le secteur aérospatial, chez EADS, on expérimente aujourd’hui de nouvelles formes d’entreprises de demain, ayant une configuration dite "semi-flexible". Ces entreprises sont orientées essentiellement vers l’acquisition d’une flexibilité opérationnelle, leur design étant influencé par les fluctuations de l’environnement stratégique. Ce dernier est certes dynamique, mais tout à fait prévisible, car son évolution est rythmée par des cycles de longue durée.

L'entreprise-caméléon: vers une flex'habilité?

Certaines entreprises comme Ineo GDF-Suez épousent ce principe de flexibilité, en adaptant leur périmètre d’activité à l'évolution de leurs marchés. Ainsi, Ineo GDF-Suez a adopté une configuration protéiforme des équipes et des métiers, afin de suivre au mieux ses projets. Cette adaptabilité est devenue possible grâce à son management participatif, fondé sur l’innovation permanente et sur un modèle décisionnel décentralisé. En quelque sorte, Ineo a « fédéralisé » son système de gouvernance en déléguant un maximum de compétences et d'autonomie à l'échelon le plus proche du client. Plus l'espace décisionnel se rapproche du terrain, plus la réactivité de l'ensemble est avérée. Pour Ineo GDF-Suez, cette forme d'organisation n'est pas dénuée d'intérêt: un modèle hiérarchique traditionnel sous-tendrait toutes les difficultés du monde à affecter efficacement les compétences hétérogènes de 15000 collaborateurs... aux 55000 projets pilotés par l'entreprise chaque année! La configuration souple d'Ineo est alors revendiquée comme le meilleur moyen de couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur, et de proposer des solutions globales à ses clients. C’est également un gage de stabilité en période de crise économique.

On peut d’ailleurs constater que l’activité d’Ineo GDF-Suez a continué à progresser lors de la crise de 2008-2009. Car l’originalité d’Ineo GDF-Suez consiste précisément en ce qu’elle n’est pas définie par sa spécialisation et son corps de métier, mais par la multiplicité de ses compétences. En quelque sorte, Ineo GDF-Suez est un exemple même d’entreprise « biologique », qui adapte son fonctionnement à la dynamique du marché, et accumule par la même occasion des savoir-faire incrémentaux. Du point de vue de la GRC, l'entreprise parvient ainsi à nouer un dialogue permanent avec ses clients qui deviennent parties prenantes du processus productif et décisionnel. Moralité: Ineo GDF-Suez vit, et fait vivre son marché.

Pour conclure, les entreprises de demain auront une configuration évolutive. Elles seront en quête de nouveaux moyens afin d’éviter la réduction brutale de ses capacités productives (chômage partiel) en cas d’annulation de commandes. Elles chercheront à gérer au mieux le temps de travail et les impératifs de production.

Leur modèle organisationnel sera le produit d’une relation interactive entre les managers et les employés. Leur système décisionnel sera décentralisé et démocratisé au maximum. Elles cultiveront l’esprit d’innovation permanente et seront à la fois plus flexibles et plus « humaines ». Leur contour sera défini par un dialogue permanent avec les clients et les fournisseurs, mais aussi avec la collectivité. Elles devront produire non seulement de la valeur en termes financiers, mais aussi et surtout de la valeur « humaine ».


C.-A. Delou

C.-A. Delou