Terres rares : la dépendance de l'Union européenne devient préoccupante



Mercredi 27 Aout 2025


Le marché des terres rares est entré en zone de turbulence : flambée du néodyme-praséodyme, durcissement chinois, menaces tarifaires américaines et réallocation accélérée des flux d’importations.



Terres rares : choc de prix et marges sous tension

Le prix de référence chinois de l’oxyde de néodyme-praséodyme (NdPr), pivot des aimants permanents, a grimpé d’environ 63 à 88 $/kg, un plus haut de plus de deux ans, après l’arrêt des expéditions de MP Materials vers la Chine. Les analystes notent qu’une part estimée de 7–9 % des oxydes alimentant les usines chinoises a disparu, ce qui a resserré l’offre malgré une demande d’aimants encore irrégulière. Pour les directions financières européennes, cette hausse se traduit mécaniquement par un renchérissement du coût matière dans l’électronique, l’automobile électrique et l’éolien, avec un risque de décalage prix/coûts sur les contrats à prix ferme. 

La donne politique accentue la tension. Le 25 août 2025, Donald Trump a averti que les États-Unis imposeraient jusqu’à 200 % de droits de douane si Pékin ne livrait pas suffisamment d’aimants en terres rares ; dans le même mouvement, Washington a officialisé 400 M$ d’appui du Pentagone à MP Materials, assortis d’achats garantis et d’un prix plancher décennal sur les produits NdPr. Ces annonces, combinées à un assouplissement des contrôles à l’export qui a fait bondir en juillet les exportations chinoises d’aimants à 5 577 t (dont 619 t vers les États-Unis, +75,5 % sur un mois), modifient les arbitrages globaux et renchérissent la prime de risque pour les acheteurs européens. 

Terres rares : comment sécuriser la chaîne d’approvisionnement ?

La dépendance de l’Union européenne reste élevée vis-à-vis des importations en provenance de la Chine, premier fournisseur, devant la Russie et la Malaisie. À l’échelle du portefeuille, cela milite pour des contrats d’offtake indexés, des clauses de réouverture en cas de choc réglementaire et des accords « mine-au-magnet » avec obligation d’achat, afin d’amortir la volatilité et de préserver la visibilité sur les volumes critiques. Le cadre européen vise d’ailleurs à limiter la dépendance à un seul pays tiers, ce qui aligne l’intérêt micro (coût matière et délais) et l’objectif macro de souveraineté industrielle. 

Dans l’intervalle, la gestion opérationnelle doit intégrer la plasticité des flux chinois d’aimants — capables de se contracter ou de rebondir en quelques semaines — et l’effet domino de mesures commerciales américaines. Des stocks tampons ciblés sur NdPr/Dy et sur des aimants qualifiés, des dual-sourcings Europe/Asie et des programmes de recyclage captifs peuvent lisser le besoin en fonds de roulement malgré un environnement de prix heurté. La trajectoire des prix du NdPr et la dynamique des exportations chinoises d’aimants constituent, dans ce contexte, deux indicateurs avancés à suivre au même titre que l’exécution des investissements publics américains.


Adélaïde Motte