Délocalisations : les sénateurs veulent des contreparties fermes
Le chiffre est tombé le 8 juillet 2025 : 211 milliards d’euros. C’est, selon la commission d’enquête sénatoriale, le montant des aides publiques versées aux entreprises en 2023. Un volume colossal, résultat de l’agrégation des subventions étatiques, dispositifs gérés par Bpifrance, dépenses fiscales, exonérations de charges sociales. Ce total n’intègre ni les aides des collectivités locales (estimées à 2 milliards d’euros) ni celles de l’Union européenne, qui pourraient représenter jusqu’à 10 milliards supplémentaires.
Mais au-delà du montant, c’est l’absence de pilotage qui inquiète. Aucun tableau de bord global. Aucun outil unique de suivi. « On voulait un chiffre précis, qui ne soit pas discutable », a déclaré Fabien Gay, rapporteur communiste de la commission, dans son rapport adopté à l’unanimité. Le président Les Républicains de la commission, Olivier Rietmann, abonde : « C’est un grand étonnement que ce travail n’ait pas été fait par l’administration ».
Parmi les 26 recommandations du rapport figure une mesure phare : imposer aux entreprises le remboursement intégral des aides publiques si elles délocalisent un site dans les deux ans suivant l’octroi. Une réponse directe à la multiplication de plans sociaux, comme chez Michelin ou Auchan.
Le rapport souligne aussi les « contreparties trop peu contraignantes » aux aides versées. Certaines régions imposent déjà des engagements de maintien de l’emploi, ou des clauses anti-délocalisations, mais ces exemples restent isolés. Le sénateur Fabien Gay insiste : « Une des recommandations fortes, c’est qu’en cas de délocalisation, il faut rembourser l’aide publique sur les deux dernières années ».
Dépenses fiscales : un suivi encore trop lacunaire
Avec 2 252 dispositifs recensés, les aides publiques aux entreprises forment un maquis. Trop complexe. Trop opaque. Le rapport recommande un « choc de transparence » : un tableau détaillé, actualisé chaque année par l’Insee, et un suivi rigoureux assuré par le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan.
Autre levier : la rationalisation. Les sénateurs veulent réduire par trois le nombre de dépenses fiscales et de subventions d’ici à 2030, créer un guichet unique par région, et rendre obligatoire une étude d’impact avant toute nouvelle aide.
Près de 43 milliards d’euros en 2023. C’est ce que représentent les dépenses fiscales à destination des entreprises. Et pourtant, selon la commission sénatoriale, la majorité de ces dispositifs échappent à toute évaluation sérieuse.
Exemple : le crédit d’impôt pour la recherche, le pacte Dutreuil, ou encore la taxe au tonnage pour le transport maritime. Pour y remédier, les sénateurs proposent que le Conseil des prélèvements obligatoires réalise une évaluation tous les trois ans de chaque niche fiscale dépassant 50 millions d’euros. Un suivi renforcé pour des allègements trop longtemps hors radar.