​Samsung face au scandale de ses batteries explosives



Vendredi 7 Juin 2019


En se voyant déjà enterrer l’iPhone 7, Samsung met en vente son modèle Galaxy Note 7 à la fin du mois d’août 2016. Deux jours avant sa mise en vente en Chine, des photos de téléphones endommagés envahissent Baidu, le moteur de recherche local. Bien que numéro 1 des smartphones à cette époque, les premiers utilisateurs signalent une surchauffe anormale de la batterie de l’appareil, engendrant l’explosion de celui-ci. Le problème provient d’un défaut de construction très rare lié au contact de l’anode et de la cathode de la batterie défectueuse.



La première réaction de Samsung

Début septembre, Samsung est obligé de réagir : le géant coréen reconnaît avoir recensé 35 cas d’explosion, et annonce mener des tests de sécurité plus précis pour détecter l’origine du dysfonctionnement. L’entreprise ne manque pas de rappeler que le défaut ne concerne que 0,1 % des appareils en circulation.
Une semaine plus tard, la Federal Aviation Administration, interdit aux utilisateurs de l’appareil de charger/ allumer leurs téléphones à bord, ainsi que de les mettre en soute. Les autres compagnies ne tardent pas à suivre la même procédure de sécurité. Le 9 septembre, la crise atteint son paroxysme lorsqu’une chambre d’hôtel brûle à Perth en Australie, et une voiture Jeep prend feu aux États-Unis.
Samsung réagit une seconde fois et demande à ses clients d’arrêter tout usage du téléphone via un communiqué de presse. C’est ainsi que l’entreprise voit son action s’effondrer à la bourse de Séoul. Sa réputation étant au plus bas, Samsung effectue un rappel planétaire en deux semaines, et lance des téléphones de remplacement.
La crise s’intensifie lorsqu’au 10 octobre, un téléphone de remplacement certifié « sûr » prend feu aux États-Unis. Sur les médias et réseaux sociaux, la déception des utilisateurs est partout, et la marque est universellement moquée. Certains sites en viennent même à utiliser le Samsung Galaxy Note 7 comme une arme explosive sur leurs jeux vidéo, détruisant ainsi toute crédibilité de la marque.
Ce n’est qu’au 11 octobre que Samsung décide de retirer le modèle du marché et d’arrêter sa production. Le manque à gagner est alors estimé à 17 milliards de dollars (rapport Reuters), et l’action Samsung s’effondre davantage.
 
Le rappel des téléphones

La crise étant grave, le chaebol a adopté la bonne posture initiale qui est de rapidement admettre l’erreur et de reconnaître sa responsabilité totale. Il a ainsi effectué un rappel planétaire et un remplacement des appareils défectueux, tout en promettant davantage d’informations concernant l’origine du problème. L’entreprise a également très vite mentionné que le défaut ne concernait qu’un faible pourcentage de ses produits, dans une tentative d’isoler le produit défectueux au Samsung Galaxy Note 7, et à un faible pourcentage de ce modèle. La crise est ainsi prise au sérieux, et Samsung rappelle que la sécurité des utilisateurs est au cœur de ses priorités. Ils vont même jusqu’à promettre davantage de contrôle sur leurs produits.
        Cependant, si l’opinion publique face à la marque se dégrade fortement, c’est à cause des nombreuses erreurs de gestion et de communication de crise commises par le géant coréen. Tout d’abord, la principale erreur réside dans une réponse trop tardive face à une pression médiatique aussi forte. Une semaine s’écoule entre l’apparition des images des téléphones endommagés et la réaction de Samsung. Ainsi, l’entreprise a laissé la crise se développer sur les médias et sur les réseaux avant de prendre position. Selon Didier Heiderich, Président de l’Observatoire International des Crises, « si la presse dévoile la crise en devançant l’entreprise, c’est que la communication de celle-ci est mauvaise, et que la crise ne lui appartient déjà plus ». Or qui dit non-possession de la crise, dit perte de contrôle sur la situation, et aggravation du phénomène.  
Par ailleurs, lorsque l’entreprise décide de réagir, elle le fait à travers un communiqué imprécis, qui signale un problème assez vague au niveau de la batterie, sans prévenir ses utilisateurs d’un risque d’explosion potentiel. Pour une entreprise plaçant la sécurité de ses clients au cœur de ses préoccupations, la transparence des propos est fortement critiquée.
Ce retard de réaction et cette imprécision des propos viennent encourager les rumeurs –vraies ou fausses- sur les réseaux, parmi une clientèle connectée et une concurrence aux aguets.
 
Un plan d’action tardif

L’entreprise attend également plusieurs semaines avant de mettre en place un plan d’action concret de retour et de remplacement des appareils, un plan qui s’est aussi avéré peu efficace, suite à l’explosion des nouveaux modèles de remplacement. La crise de confiance est alors maximale, à un moment où Apple lance son iPhone 7 sans défaut. Le fait que l’entreprise ait attendu que les autorités américaines interdisent aux Américains d’allumer ou de charger ces appareils avant de le faire par elle-même constitue également un détail symbolique très fort sur l’impuissance de l’entreprise. L’utilisateur a l’impression que la firme ne comprend pas le problème, laissant place à un climat de forte méfiance et une menace de défection.
Enfin, le téléphone mobile étant un produit intime que tout le monde a sur soi à longueur de journée, la réaction de Samsung manque d’empathie et de proximité avec un public fortement déçu. En effet, l’entreprise a opté pour des communiqués factuels, au lieu de favoriser des interviews avec ses experts et/ou dirigeants, qui à travers leur visage humain, auraient pu communiquer davantage d’empathie et d’engagement. C’est ce que T. Coumbs suggère dans sa Théorie de Communication de Crise situationnelle, en divisant la réponse à la crise en deux volets : des instructions pour se protéger de la crise, et des informations d’adaptation et de soutien psychologique, qui ici prennent la forme de l’empathie. Ceci permet de sauver l’image de la marque, qui constitue le principal atout de différentiation des acteurs du domaine, et non la performance technologique comme certains peuvent le penser. C’est exactement ce que l’on retrouve chez Jean Pierre Baudoin, à travers le titre même de son ouvrage : « L’opinion, c’est combien ? », qui tente de prouver que c’est l’opinion, à elle seule, qui détermine le succès d’un produit.

 

Sara Lamhaddar