Les 3 tendances de 2013 que l’on devrait retrouver en 2014



Mercredi 19 Mars 2014


A la différence des deux années précédentes, l’année 2013 n’a pas été marquée par un événement majeur. En 2011, on s’en souvient, les révolutions dans le monde arabe et l’année suivante, l’élection présidentielle avaient concentré tous les regards et toutes les attentions. Mais ce que l’on peut tout particulièrement retenir de l’année 2013, ce sont trois évolutions notables et souvent préoccupantes, qui s’appuient sur des tendances structurelles et qui se poursuivent en 2014.



Par Eddy Fougier, politologue et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)

La première est la multiplication des mouvements de protestation dans le monde. Ce fut le cas en 2013 en Bulgarie, au Brésil, en Turquie, en Egypte, en Tunisie ou en Thaïlande. En 2014, de tels mouvements se sont déjà produits en Ukraine, en Bosnie ou au Venezuela. On ne peut pas parler de phénomène de contagion car leur origine et leurs motivations sont d’abord nationales ou locales. Ces mouvements n’en ont pas moins de nombreux traits communs. Ils ont souvent pour origine un événement déclencheur au premier abord assez anodin : prix des transports en commun au Brésil ou de l’électricité en Bulgarie, projet de destruction d’un parc public en Turquie, mouvement estudiantin au Venezuela, refus par le gouvernement de signer un accord d’association avec l’UE en Ukraine, etc. Mais ils se transforment rapidement en revendications de nature politique avec une aspiration au renversement du gouvernement, voire du régime en place. Ils peuvent également avoir des modes opératoires identiques, comme la mobilisation via les réseaux sociaux, l’absence de structuration ou l’occupation de places symboliques.

Ces mouvements semblent être en tout cas le révélateur d’une montée dans ces pays du pouvoir d’individus mieux éduqués et mieux informés. Ceux-ci se montrent plus suspicieux vis-à-vis des institutions et des différentes formes d’autorité. Ils exigent d’elles de la transparence, de l’honnêteté, une capacité à rendre des comptes et le respect d’un certain nombre de normes. Ils revendiquent également le fait d’être davantage écoutés et consultés. Ces mouvements protestataires semblent être également le reflet d’une montée des classes moyennes dans les pays émergents et de préoccupations de catégories, notamment les jeunes, qui ne se reconnaissent plus dans la société dans laquelle ils vivent. Il est évident que le développement économique rapide de certains pays, la crise traversée par d’autres ou l’existence de régimes politiques corrompus, inefficaces et peu respectueux de la démocratie devraient constituer des facteurs propices à la poursuite ou au déclenchement de tels mouvements de protestation un peu partout dans le monde.

La seconde tendance est la montée du populisme en Europe, notamment de mouvements de la droite radicale et de l’extrême-droite. Ce phénomène est bien évidemment loin d’être nouveau, mais en 2013, il a atteint un niveau sans doute inédit illustré par trois exemples précis. Ce fut tout d’abord l’émergence d’une nouvelle forme de populisme en Italie autour du Mouvement 5 étoiles et de son leader, l’humoriste Beppe Grillo. Celui-ci a réussi à obtenir 26 % des suffrages lors des élections parlementaires de février 2013, ce qui en fait le premier parti italien, en s’appuyant sur un vigoureux discours de rejet de la classe politique et des politiques d’austérité et en revendiquant un rapport direct entre un leader et le peuple. Ce fut ensuite l’arrestation spectaculaire de plusieurs leaders du mouvement néo-nazi grec Aube dorée suite à l’assassinat par des militants du parti du rappeur grec Pavlos Fyssas au mois de septembre. Le gouvernement, les médias et la société grecs ont pu alors prendre conscience de la gravité des faits reprochés à Aube dorée, quelque 300 agressions ayant été commises par ses membres, et de la profondeur de son infiltration de l’Etat, notamment de la police grecque. Enfin, en novembre 2013, Marian Kotleba, un ancien leader d’un groupuscule néonazi qui avait été dissout, a été élu au poste de gouverneur de la plus grande région de Slovaquie, dans une indifférence quasi générale eu Europe.

On aurait tort de penser que cette montée du populisme n’est que la conséquence ponctuelle de la crise et de sociétés en perte de repères et donc qu’il reculera une fois que la reprise économique sera durablement installée. On peut tout d’abord remarquer que les mouvements populistes parmi les plus puissants se situent dans les pays les plus riches d’Europe où les taux de chômage sont les plus faibles (Suisse, Autriche, Norvège, Danemark, Pays-Bas). Cette montée semble être avant tout, en effet, le reflet d’une déconnexion croissante dans certains pays européens entre une partie de la population, notamment les catégories populaires, et ses élites sur un grand nombre de questions : mondialisation, délocalisations, immigration, société multiculturelle et multireligieuse, rapport à l’islam, évolution des mœurs, etc. Elle s’inscrit également dans un contexte de crise de la démocratie représentative et de dilution du pouvoir, souvent plus concentré au sein de la fameuse « troïka » que dans les institutions nationales, d’euroscepticisme croissant, mais aussi de déclin démographique européen, de vieillissement de la population et d’un sentiment collectif de décrochage par rapport aux pays émergents. Il est évident, là aussi, que cette montée du populisme devrait se poursuivre en 2014. On a pu l’observer au mois de février dernier avec la votation suisse organisée à l’instigation du mouvement populiste, l’Union démocratique du centre (UDC), sur « la fin de l’immigration de masse » dans le pays, et on devrait certainement le voir de façon spectaculaire lors des élections européennes de mai 2014.

La troisième tendance est la poursuite de la dégradation du climat. Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), l’année 2013 a été la 6e année la plus chaude dans le monde depuis 1850. Treize des quatorze années durant lesquelles les températures ont été les plus élevées ont été relevées au XXIe siècle, les années les plus chaudes ayant été 2010 et 2005. Un rapport de l’OMM publié en juillet 2013 indiquait d’ailleurs que la période 2001-2010 avait été la décennie la plus chaude jamais observée. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a, de son côté, publié un nouveau rapport en septembre, ce qui ne s’était pas produit depuis 2007, où il confirme la réalité du changement climatique et l’influence des activités humaines sur la dégradation du climat en divulguant des données encore plus alarmistes sur le réchauffement de la planète et l’élévation du niveau des mers. L’année 2013 s’est aussi caractérisée par de nombreuses catastrophes naturelles, comme un séisme en Chine dans le Sichuan, une tornade en Oklahoma ou des inondations en Europe centrale. Mais la catastrophe la plus retentissante de l’année a été le supertyphon Haiyan qui s’est abattu notamment sur les Philippines au mois de novembre et qui est considéré comme le plus puissant jamais enregistré. L’année 2014, qui, selon certaines estimations pourrait être la plus chaude de l’histoire, devrait confirmer cette dégradation du climat et de l’environnement. On a pu le voir en ce début d’année avec, par exemple, le mois de janvier le plus chaud que l’on ait connu en France depuis 1900 et le quatrième le plus chaud depuis 1880 dans le monde. L’épisode récent de « smog » sur la France en est également un autre exemple tangible.

A propos de l'auteur

Eddy Fougier est politologue, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Spécialiste de l'altermondialisme, de la vie politique française et des affaires internationales et européennes, il est également l'auteur des Fiches d’actualité et de culture générale, publiées chaque année aux éditions Ellipses.