Production et vente de vin : un tiers des contrôles de la DGCCRF révèle des anomalies



Jeudi 10 Juillet 2025


Des centaines de producteurs, négociants, cavistes et restaurateurs ont été épinglés. Derrière les amendes et les condamnations, un système sous tension, une réglementation redoutée, et une question qui fâche : la filière vin est-elle aussi propre qu’elle le prétend ?



30 à 40 % d’anomalies

Entre 2022 et 2023, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mené 7 800 contrôles dans tout l’écosystème du vin : producteurs, transporteurs, distributeurs, cavistes, hôtels et restaurants. Résultat : 30 % d’irrégularités chez les producteurs, 40 % dans la distribution. À première vue, c’est énorme. Mais les agents eux-mêmes le reconnaissent : ces chiffres sont biaisés par le ciblage volontairement orienté des contrôles, justement là où les risques sont les plus élevés.
Ce qui ressort, ce sont surtout des erreurs d’étiquetage, des omissions de provenance, des affichages mal fichus dans les rayons. Pour la DGCCRF, la majorité de ces manquements relèvent d’un problème : la méconnaissance de la réglementation, pas la volonté de frauder.

 

 
 

Il y a toutefois des cas lourds, et ils sont loin d’être anecdotiques. En janvier 2023, un réseau de négociants a été condamné à Bordeaux pour avoir organisé la "francisation" de 34 000 hectolitres de vin espagnol, revendus comme du Médoc. L’affaire a généré 1,25 million d’euros de bénéfice, aboutissant à des peines de prison ferme, 1 million d’euros d’amende et des interdictions d’exercer. C’est la fraude la plus médiatisée, mais elle n’est pas isolée.
Les inspecteurs ont aussi découvert des ajouts de sucre au-delà des seuils autorisés, d’eau, voire de colorants interdits, notamment dans des vins qui tentent de suivre certaines tendances comme le « vin bleu ». Officiellement, ces pratiques sont prohibées, mais elles existent.


Une réglementation de plus en plus complexe, et des marges sous tension

Les grandes surfaces, les restaurants, les cavistes ? Même combat. Sur les 6 200 points de distribution contrôlés, 43 % présentaient des anomalies. Là encore, on retrouve des fautes souvent dues à un manque de formation : vins mal rangés dans les rayons, provenance absente des cartes dans les restaurants, ou encore prix non affichés. Mais certains franchissent la ligne. Comme ce club rennais qui servait du mousseux à la place du champagne, tout en faisant payer le tarif fort. Bilan : 6 000 euros d’amende.
La DGCCRF a dressé 80 procès-verbaux pénaux et 40 amendes administratives, soit 3 % des dossiers. Pas rien, mais loin d’un raz-de-marée.

 

 
 

Derrière ces chiffres, il y a une autre réalité : les acteurs de la filière viticole dénoncent une complexité administrative croissante, des règles d’étiquetage et de traçabilité toujours plus strictes, et des marges qui fondent, notamment avec la chute de la consommation de vin en France. Pour certains producteurs, les contrôles tombent comme un coup de massue dans une période déjà difficile.
Marie Suderie, porte-parole de la DGCCRF, l’admet à demi-mot : « Le contexte climatique et économique a peut-être incité à des démarches frauduleuses »). En clair : certains craquent. Mais dans l’immense majorité des cas, les irrégularités sont corrigées après un simple rappel.


Grégoire Hernandez
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