Propriété intellectuelle : Midjourney (encore) poursuivie pour atteinte aux droits d’auteur



Vendredi 5 Septembre 2025


Le 4 septembre 2025, Warner Bros Discovery a saisi le tribunal fédéral du Central District of California (Los Angeles) contre Midjourney, société spécialisée dans la génération d’images par intelligence artificielle. Le dossier enregistré sous le numéro 2:25-cv-08376 associe plusieurs filiales de Warner, notamment DC Comics, Turner Entertainment, Hanna-Barbera et Cartoon Network, toutes titulaires de droits sur des franchises emblématiques.



Warner Bros veut des millions en dommages et intérêts

La plainte vise à démontrer que Midjourney permet à ses abonnés de générer et de télécharger des contenus mettant en scène des personnages tels que Superman, Batman ou Scooby-Doo. Les plaignants estiment que cette utilisation porte directement atteinte à leur modèle économique basé sur la valorisation et la commercialisation d’actifs immatériels protégés par le droit d’auteur.

Warner Bros Discovery sollicite à la fois des dommages-intérêts compensatoires et la restitution des profits attribués à l’activité de Midjourney. À titre indicatif, les dommages statuaires prévus par la loi américaine peuvent atteindre 150 000 dollars par œuvre contrefaite, souligne TheWrap. Étant donné le nombre d’images générées, l’exposition financière de Midjourney pourrait se chiffrer en centaines de millions de dollars.

Les chiffres avancés dans la plainte renforcent cette perspective : la plateforme comptait environ 21 millions d’utilisateurs en 2024 et aurait réalisé 300 millions de dollars de revenus la même année selon Reuters. Warner Bros considère que ces montants démontrent un enrichissement fondé sur l’exploitation de propriétés intellectuelles sans licence.

Une bataille classique : droit d’auteur contre fair use

La stratégie de Warner Bros repose sur une qualification de contrefaçon volontaire. L’assignation mentionne qu’« il est difficile d’imaginer une violation du droit d’auteur qui soit plus volontaire », selon la plainte relayée par The Verge. Le studio demande également une injonction permanente visant à empêcher toute reproduction ou dérivé non autorisé de ses œuvres.
Midjourney, de son côté, invoque la notion de fair use, déjà mobilisée dans un litige antérieur avec Disney et Universal. L’entreprise soutient que l’entraînement de ses modèles sur des images protégées s’inscrit dans une exception au droit d’auteur, en raison de la finalité transformative et de l’intérêt technologique. Toutefois, Warner Bros affirme que « Midjourney a pris une décision calculée et motivée par le profit d’offrir zéro protection aux titulaires de droits d’auteur ».

Vers un nouveau modèle financier pour les acteurs de l’IA ?

Pour les entreprises du secteur audiovisuel, cette procédure s’inscrit dans une stratégie de défense des revenus tirés de la propriété intellectuelle. L’action judiciaire pourrait créer un précédent contraignant pour les acteurs de l’IA, les obligeant à négocier des licences ou à revoir leurs modèles économiques. La multiplication des plaintes illustre une volonté concertée de protéger la monétisation de catalogues valorisés à plusieurs milliards de dollars.
Pour les investisseurs et dirigeants d’entreprises technologiques, l’affaire constitue également un signal d’alerte. Si les tribunaux valident la position des studios, les coûts de conformité pourraient devenir substantiels pour les fournisseurs d’IA générative.
L’issue du procès pourrait influencer les futures réglementations sur l’utilisation de données protégées pour entraîner des modèles d’intelligence artificielle. La question centrale reste de savoir si la reproduction d’éléments sous copyright dans ce cadre constitue une violation ou relève d’un usage équitable. En cas de condamnation, le jugement pourrait encourager d’autres détenteurs de droits à intenter des actions similaires, augmentant l’incertitude pour le secteur technologique.

Aurélien Lacroix