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César 2020 : L’homme ou l’artiste ? Une récompense qui ébranle une institution !




Lundi 12 Avril 2021


En février 2020, le monde du cinéma français se retrouvait ébranlé par les mots « C’est la honte ! C’est la honte ! » de l’actrice Adèle Haenel, scandés avec fracas alors qu’elle quittait précipitamment la cérémonie des César. Cette indignation, suscitée par l’annonce de la remise du prix de meilleur réalisateur à Roman Polanski, pour le film J’accuse, marque le début ou plutôt l’accélération de la crise que vit actuellement l’Académie des César et plus généralement le cinéma français. Retour sur cette polémique qui persiste.



Rappel des accusations contre Roman Polanski et du déroulement des César 2020
 
L’affaire Roman Polanski débute en mars 1977 lorsque ce dernier est arrêté pour abus sexuel sur mineur contre Samantha Geimer, née Samantha Gailey. Polanski plaide coupable pour rapports sexuels illégaux avec une mineure et est condamné à quatre-vingt-dix jours de prison, mais est libéré après quarante-deux jours pour conduite exemplaire.

Le juge qui s’occupait de l’affaire revient néanmoins sur cette décision dans le but de condamner Polanski une deuxième fois mais celui-ci fuit les États-Unis pour la France, pays dont il possède la nationalité et qui est contre l’extradition de ses citoyens.
Le réalisateur est toujours considéré comme un fugitif par Interpol, malgré le fait que la victime concernée, Samantha Geimer, lui a publiquement pardonné et souhaite l’arrêt des poursuites judiciaires.
 
Roman Polanski est également sujet à d’autres accusations, comme celle de l’actrice britannique Charlotte Lewis, qui l’accuse d’avoir abusé d’elle « de la pire façon qui soit » alors qu’elle avait 16 ans en 1983. Le réalisateur considère que l’accusation de Lewis est un « mensonge odieux » et nie totalement les faits.

Il est ainsi nécessaire de rappeler que Roman Polanski n’a été déclaré coupable pour aucune de ces accusations et a exécuté la totalité de la peine à laquelle il a été condamné lors de l’affaire Samantha Geimer.
 
Les César de l’année 2020 se déroulent après que la photographe française, Valentine Monnier, ait déclaré en novembre 2019 que Roman Polanski l’avait violée en 1975 en Suisse, quand elle avait 18 ans, ce que le réalisateur a réfuté. La soirée des César débute donc par des manifestations de militantes féministes devant la salle Pleyel, à l’encontre de Roman Polanski notamment, mais s’achève par une célébration de ce dernier.
 
Cette distinction provoque l’indignation de l’actrice Adèle Haenel, qui avait dénoncé les « attouchements répétés » du réalisateur Christophe Ruggia quelques mois auparavant. Haenel a par la suite déclaré lors d’une interview qu’elle a donné au New York Times : « Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, "ce n’est pas si grave de violer des femmes" ».
 
D’autres professionnels, et surtout professionnelles, du cinéma ont exprimé une indignation similaire suite à cette distinction comme la scénariste et réalisatrice française Céline Sciamma, qui a quitté la salle Pleyel peu après Adèle Haenel. À l’inverse, d’autres personnalités ont tenu à exprimer leur soutien vis-à-vis de Roman Polanski, ce qui souligne la controverse liée à cet évènement.
 
La gestion de cette crise par les professionnels du cinéma et par le gouvernement
 
Du lapsus révélateur de Florence Foresti durant sa présentation des César (« je suis accus…euh, J’accuse »), au Tweet de Brigitte Bardot, on remarque bien que deux camps semblent s’être formés chez les professionnels du cinéma suite à la polémique entourant le réalisateur, qui a ressurgi lors des César 2020.
 
Les désaccords semblent se concentrer sur la question de la séparation entre l’homme et l’artiste, et donc entre la vie privée d’un homme et son œuvre en tant qu’artiste comme le souligne Brigitte Bardot.
 
Le Ministre de la Culture Franck Riester a donc jugé nécessaire de réagir très rapidement à cette polémique, le 29 février 2020, en déclarant « la difficulté avec cette remise de César (…) à Roman Polanski, c’est qu’on ne célèbre pas simplement l’œuvre, on célèbre aussi l’homme ».
 
On remarque donc que dans ce contexte difficile pour le cinéma français, caractérisé par un abandon progressif des salles et un engouement de plus en plus marqué pour les productions étrangères et notamment hollywoodiennes, la crise des César 2020 n’a au contraire que révélé les fractures au sein de cette industrie.
 
Cette gestion très inefficace de la crise par les professionnels du cinéma était telle qu’elle a poussé des membres du gouvernement comme le ministre de la culture à intervenir pour essayer de calmer le déchainement du public sur les réseaux sociaux, avec le hashtag #CesarsDeLaHonte.
 
Par ailleurs, l’Académie des César avait déjà été touchée par une grande crise qui avait conduit à la démission de son conseil d’administration quelques jours avant la cérémonie. Les évènements des César 2020 confirment donc la fin d’une ère pour les grands du cinéma français.
 
Les conséquences de cette crise : la refonte de l’Académie des César
 
L’académie des César avait déjà été secouée plusieurs semaines avant la soirée des César de 2020, comme précisé auparavant, ce qui avait mené à la démission de son conseil d’administration, présidé par Alain Terzian.
 
Dans le but de faire tarir les critiques quant à l’absence de parité hommes-femmes au sein de son conseil d’administration, l’Académie s’est reformée autour d’une présidente cette fois-ci, Véronique Cayla (ex-patronne d’Arte et du CNC) avec le cinéaste Éric Toledano comme vice-président.
 
Cette initiative semble être judicieuse pour marquer un tournant ou un renouveau de l’Académie, cependant, le contexte actuel lié à la Covid 19 rend difficile l’évaluation des résultats de cette décision.
 
En effet, la pandémie a très clairement mis le secteur du cinéma à genoux. Les salles sont restées la majeure partie du temps fermées et le Festival de Cannes a été annulé.
 
Néanmoins, le déroulement des César 2021 et plus précisément le choix de Marina Foïs comme maitresse de cérémonie, une des instigatrices de la tribune publiée en 2020 qui réclame une « réforme » des César, montre une envie véritable d’établir une transparence et de lutter contre l’entre-soi dont l’Académie est accusée. Mais les efforts réalisés jusqu’à présent sont-ils suffisants pour palier à la controverse ? A l’évidence non avec la catastrophique cérémonie 2021 où certains artistes se sont mis à avoir des comportements pour le moins étonnants reflétant une obsession nord américaine des minorités bien loin des préoccupations des français s’intéressant au cinéma. Est-ce l’agonie finale d’une belle institution ? 

Emir S.



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