Carnets du Business


           

Crash du vol AF 447 : 10 ans après, retour sur une gestion de crise qui porte à polémique.




Vendredi 10 Mai 2019


Le 1er juin 2009 s’écrasait dans l’Océan Atlantique l’Airbus A330-200 avec à son bord 216 passagers et 12 membres d’équipage. Air France a dû expliquer comment il était possible de perdre un avion avec 228 personnes à bord, et de répondre à de nombreuses interrogations. Quelles conclusions tirer de la gestion de crise d’Air France ?



Après le crash du vol AF 447 entre Rio de Janeiro et Paris le 1er juin 2009, Air France a dû gérer la crise et l’ouragan médiatique nés de l’accident. Les responsables ont d’abord eu à expliquer les raisons de l’accident, gérer l’émoi provoqué par la disparition de 228 personnes et préserver la confiance des clients, la crédibilité du groupe face à l’opinion publique.
 
Ainsi, la priorité a dans un premier temps été pour le groupe Air France de prendre en charge les familles des victimes tout en gérant le flux de demandes. Le premier communiqué (le 1er juin, jour de l’accident) s’est alors tourné vers les victimes, en proposant un numéro vert et la constitution d’une cellule de crise notamment. Air France indique également partager l’émotion et l’inquiétude des familles concernées par la disparition de l’appareil. La stratégie adoptée par l’entreprise a donc été de faire preuve de transparence, de réactivité et de compassion. Le 1er juin, sept communiqués ont été publiés, chacun présentant petit à petit les informations disponibles. Ainsi, des informations sont partagées comme les sexes et nationalités des victimes, l’expérience du commandant de bord, les caractéristiques de l’avion…
 
Une seconde approche adoptée se veut rationnelle. Si pour le premier communiqué, l’appareil est « sans nouvelle », le deuxième parle de « disparition » tandis que le quatrième présente ses condoléances aux familles des disparus.
 
Par la mise en place d’une cellule de crise et la prise en charge des familles, Air France affiche sa proximité et son soutien. Le huitième communiqué de presse est entièrement tourné vers les modalités de prises en charge par la compagnie.
 
Par ailleurs, la clé de la stratégie adoptée par Air France réside dans la réactivité du groupe. Le jour de l’accident, le Directeur général Pierre-Henri Gourgeon tient alors une conférence de presse où il affiche sa transparence (en communiquant les informations qui sont en sa possession) et sa tristesse à l’égard des familles de victimes. La prise de parole directe du Directeur général a permis de souligner l’intérêt porté à l’accident et la responsabilité du groupe vis-à-vis de cette crise. La gestion de la crise par la compagnie aérienne dans l’immédiat a donc été plutôt bien réalisée, en affichant une certaine solidarité. La réactivité a permis à Air France de rester maître de sa communication dans les premiers temps.
 
Néanmoins, la crise reste d’actualité des semaines après l’accident, faute d’informations ou de causes précises. Le Bureau d’enquête et d’analyses a annoncé que les pilotes avaient envoyé 24 messages d’anomalies parmi lesquels la perte du pilotage automatique avait été annoncée.
 
Il faut alors attendre trois ans après le crash du vol AF 447 pour que les causes de l’accident soient définitivement déterminées. L’enquête révèle ainsi en 2011 que l’accident a été causé par une succession de défaillances techniques et d’erreurs humaines. Le rapport met ainsi en cause la qualité du matériel, le manque de formation du personnel et des opérations inadaptées des pilotes. L’analyse des boîtes noires a en outre mis en lumière la responsabilité des sondes Pitot (qui auraient givré) – produites par Thalès – qui auraient fourni des informations incohérentes à l’équipage, le poussant à désactiver le pilotage automatique.
 
Après les révélations du rapport, Air France a dû adopter une nouvelle stratégie de communication. Les enquêteurs pointent du doigt le fait que l’entreprise était au courant des risques de givrage des sondes Pitot et le manque de formation des pilotes par Air France pour gérer des situations comme celle qu’a vécu le vol AF 447.
 
La réponse alors apportée par Air France a été de reconnaître ses torts et sa responsabilité tout en insistant sur les défaillances techniques. Le groupe a également tenu à souligner le courage de l’équipage et à rendre hommage aux 228 victimes. Cette stratégie de responsabilité permet au groupe d’affirmer une nouvelle fois sa solidarité envers son effectif et ses salariés et envers les familles des victimes. La compagnie a aussi annoncé des changements concernant la formation des pilotes vis-à-vis des équipements et de leurs potentiels dysfonctionnements.
 
En outre, cet épisode a véritablement affecté l’image de marque de la compagnie, qui jouissait d’un statut de référence en termes de sécurité aérienne et de fiabilité. La gravité de la crise et le nombre de victimes ont représenté un véritable choc, que ce soit pour l’opinion publique comme pour le personnel d’Air France. La compagnie a dû réagir vite et assumer la responsabilité de l’accident, pour rassurer non seulement les médias et les clients, mais aussi les salariés du groupe. Si la crise a été plutôt bien gérée dans l’immédiat, avec une communication tournée vers la solidarité, qui se voulait rassurante et transparente, les révélations postérieures ont nettement touché l’image d’Air France de telle sorte que l’entreprise doit constamment réaffirmer son engagement concernant la sécurité aérienne et la fiabilité des équipements.


Christophe Lebel-Duport



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