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L’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen : une communication de crise qui n’a pas su rassurer la population locale




Mercredi 20 Janvier 2021


Dans la nuit du 26 septembre 2019 un incendie a eu lieu sur le site de Loubrezol à Rouen, cette usine classée Seveso (seuil à haut risque) synthétise et stocke des produits chimiques. L’incendie s’est ensuite étendu à trois entrepôts de Normandie Logistique qui contenaient eux aussi des produits chimiques Lubrizol mais pourtant non classé Seveso. Cet accident industriel n’a fait aucun mort, ni blessé mais des répercussions sur la santé des ouvriers, de la population locale et sur l’agriculture sont craintes depuis l’accident.



L’incertitude des conséquences de l’accident pour le département est justifiée par les 9 505 tonnes de produits en majorité chimiques qui ont brûlés et formés une fumée noire de suie qui s’est étendue sur plus de 22 km. De plus, la cause de l’accident n’ayant toujours pas été officiellement affirmé, une rumeur d’une mauvaise gestion des stocks d’eau et de l’entretien de l’usine semble se répandre à travers la population locale que l’Etat tout comme l’entreprise Lubrizol ont du mal à contrer. Le manque de moyens disponibles pour faire face à ce feu hors normes, ainsi que le manque de communications sur les dangers chimiques et les précautions à prendre ont était sont toujours vivement critiqués. Enfin, dernièrement le 13 décembres près de trois mois après l’incendie l’usine a été autorisée à reprendre partiellement son activité ce qui a été vivement critiqué par les associations environnementales locales.

Dans les premiers temps de l’incendie, les employés présents sur place comme les pompiers ont su être réactifs et appliqués les protocoles d’urgence de manière efficace: pour les ouvriers l’action la plus importante à faire était d’évacuer un stock de penta sulfure de phosphore, composé chimique très inflammable et dont les inhalations sont mortelles à forte dose. Les pompiers ont pu se rendre rapidement sur les lieux et ont utilisé les réserves d’eau privé de l’usine qui se sont trop vite révélées insuffisantes, l’aspiration des eaux fluviales de la Seine a finalement permis aux pompiers de venir à bout de ces flammes vers 21h soit 18h après le début de l’incendie. Le préfet de la Seine-Maritime a immédiatement déclenché le Plan Particulier d’intervention (PPI), ainsi que l’ouverture d’un centre opérationnel départemental et un centre d’information au public avec un numéro d’appel gratuit dont l’efficacité sera vivement critiquée. La cellule de crise ouverte en préfecture a permis d’informer rapidement les communes voisines qui ont elles aussi mis en place leur PPI. Néanmoins, la maire de la ville du Petit-Quevilly (ville la plus proche de l’incendie) a critiqué l’efficacité de la cellule de crise en jugeant qu’il avait été prévenu trop tard et n’a ainsi pas pu rassurer et informer les habitants assez tôt. De plus, le système d’alerte par sms Cedralis qui a été lancé vers 6h du matin n’a pu informer que 5 000 habitants sur les 20 000 qui habitent cette commune. Entre 7h et 8h, les sirènes d’alerte ainsi que l’utilisation des médias locaux ont tenté de mettre au courant la population locale de la nécessité de confinement et de la fermeture des écoles. La communication a ici encore été vivement critiquée par la population qui la juge inaudible et condamne un système d’alarme obsolète et lent.
 
Dès le 27 septembre, le préfet de Seine-Maritime met en place une surveillance environnementale du site pendant sa décontamination pour éviter toute intrusion et faciliter les prélèvements. Le nettoyage de l’usine consiste en priorité à pomper les boues d’hydrocarbures et les fûts qui risquaient de dégager du mercaptan un gaz peu toxique mais très malodorant et pouvait donc créer la panique pour la population locale. Néanmoins à part la cour des écoles primaires avant leur réouverture le 30 septembre, la décontamination des communes proches du site semble avoir été beaucoup trop longue et vivement critiquée. L’incertitude plane donc pendant une semaine entière sur les risques pour la population locale de la présence de cette suie dans leurs jardins et sur leurs maisons. L’Etat comme les autorités locales n’ont pas voulu être alarmistes mais le silence sur la nature et la dangerosité des produits chimiques stockées dans l’entreprise, malgré le nombre de ministres qui se sont rendus sur place la semaine après l’accident, a alimenté des thèses complotistes et des comportements de panique tant à une échelle locale que nationale. Finalement le 01/10 le préfet communique la liste des produits chimiques stockées dans l'entrepôt de l'entreprise Lubrizol, il justifie son retard de communication en appuyant le fait que de telles données ne sont pas publiques et doivent être communiquées exceptionnellement. Après ce léger soulagement de la population, le 04/10 le préfet annonce que la liste de produits publiée le 1er octobre est incomplète puisqu’elle ne comptabilise pas les produits entreposés chez Normandie Logistique.
 
La crise prend alors de l’ampleur lorsque les associations écologistes s’inquiètent de la véracité des informations diffusés, et ne comprennent pas pourquoi Normandie Logistique n’était pas en zone Seveso alors qu’elle stockait des produits dangereux qui nécessitent un contrôle plus soutenu. Le PDG. de Lubrizol ne s’est toujours pas justifié sur ce point. La prise de conscience de la mauvaise gestion écologique de la crise pour les associations environnementales tels que Respire Rouen a commencé à s’aggraver lorsque le gouvernement a refusé de déclencher l’état de catastrophe technologique puisqu’il n’y avait aucune destruction de logements rendus de fait inhabitables. Néanmoins, des journalistes ont réalisé un travail d’investigation montrant bel et bien la présence d’amiantes dans certains jardins privés proches de l’usine, information que le gouvernement a désiré minimiser au maximum. Dans le même registre, l’efficacité du Plan Polmar pour nettoyer la Seine a été aussi vivement critiqué puisqu’il a été développé très tardivement dans les opérations de nettoyage.
 
Ces conséquences environnementales ont bien sûr des répercussions dans le domaine agricole et économique puisque 137 000 hectares n’ont pas pu être récoltées de peur des retombées de suies. Les agriculteurs sont censés être indemnisés grâce au Fonds de mutualisation du risque sanitaire et environnemental pour combler les pertes néanmoins les 450 agriculteurs touchés se sont plains que cette indemnisation n’était pas suffisante. En réaction à ces conflits, un « comité pour la transparence et le dialogue », réunissant élus, industriels, associations, organisations professionnelles et syndicales, acteurs économiques, services de santé et représentants du monde agricole a pour but d’éliminer ces tensions.

Finalement, après deux moins d’investigation, l’Etat fait face à un dernier scandale: tout d’abord l’usine avait connu une fuite de gaz  en 2013 due à des négligences pourtant aucun changement n’a été mis en place depuis pour assurer une meilleure sécurité du site. A cela s’ajoute le fait que la préfecture avait autorisé en 2018 l’augmentation de la quantité de produits polluants stockés sans vérifier l’augmentation des mesures sécurité, la population condamne dès lors un manque d’inspection de l’Etat qui met en danger la population. Les spécialistes les plus alarmistes surenchérissent en affirmant que l’Etat s’est mal préparé à la menace d’un Tchernobyl sur son territoire. Un manque de communication et d’informations certain est à souligner dans cette crise, 2 mois après l’incendie la population n’est toujours pas rassurée et s’inquiète toujours pour sa santé. Face à toutes ces critiques, une mission d’information à l’Assemblée Nationale a été lancée ayant pour but de vérifier l’ensemble des informations sur cette incendie et de transmettre des nouvelles mesures de sécurité aux usines Seveso de même risque.

BUNAN Inès



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