Carnets du Business


           

Le Bad buzz du slip français




Dimanche 3 Janvier 2021


Une vidéo de trois employés du slip français grimés en noir lors d’une soirée est diffusée sur twitter et fait scandale. Les internautes appellent au boycott de la marque.



Diffusée sur Twitter, cette vidéo, tournée lors d'une soirée privée à une date non précisée est également relayée par le compte Instagram « Décolonisons-nous » ce 3 janvier, où elle a été vue plus de 50 000 fois depuis sa mise en ligne à l'aube. L'homme imite par moments un singe sur fond de musique jouant Saga Africa, tandis que l'une des femmes est maquillée en noir, sous les rires de la troisième personne. Une vidéo de la même soirée circule également sur Twitter, où elle a été visionnée plus de 930 000 fois depuis sa mise en ligne le 2 janvier. Le hashtag BoycottSlipFrançais invite à boycotter la marque.

Un remake de la précédente crise ?

Le 2 septembre dernier, la marque de vêtement le slip français avait déjà suscité un scandale en publiant sur son compte twitter une photo de ses employés en slips et culottes. Il lui avait alors été reproché un manque de diversité parmi ses employés, puisqu’ils étaient tous blanc. Dès le lendemain, sur twitter, la marque répondait en reconnaissant la trop grande blancheur de son personnel. La marque a alors réagit en se soumettant complètement aux critiques des internautes. Il semble que face à la crainte d’un appel au boycott de la marque, elle ait voulu jouer profil bas. Sa communication visait alors à tuer le scandale dans l’œuf en reconnaissant ses « tords ».
 
Vers une limitation du bad buzz ?

L’enjeu pour l’entreprise est de limiter les dégâts du badbuzz et la dégradation de l’image de la marque.  On aurait pu croire qu’une réaction rapide de l’entreprise couplée, même avec la diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux et l’emballement médiatique aurait conduit à une minimisation de la dégradation de l’image de la marque, cependant même la diffusion rapide d’un communiqué de presse n’a pas réussi à stopper cet emballement. Ainsi, cette crise, contrairement à la précédente, ne s’achève pas rapidement par une réponse sur twitter mais continue de se déchaîner.

L’entreprise a diffusé un communiqué officiel sur twitter le 3 janvier à 12h06, où elle condamne fermement ces actes. Il est intéressant de constater, que comme la précédente crise, la marque communique sur twitter, lieu où a également lieu ses accusations. La diffusion du communiqué de presse sur twitter permet une réaction quasiment immédiate et surtout sa visibilité par tous les internautes et médias. En effet, dans leurs articles de la journée suivant cette crise, chaque article publié par la presse rediffuse le communiqué de presse. Mais là encore, la diffusion de ce communiqué ne stoppe pas la crise.

Le communiqué de presse rappelle l’importance des valeurs d’égalité et de respect pour l’entreprise, et indique les avoir rappelés à tous ses employés. Enfin, il informe que les employés concernés ont été sanctionnés. On pourrait croire qu’avec cette condamnation ferme par la marque des propos et des actes diffusés sur les réseaux sociaux, ainsi qu’avec la mention des sanctions, et le rappel des valeurs de la marque, cela aurait apaisé la polémique. Mais rien de tel.

Vers une dégradation de l’image de la marque ?

Cette dégradation de l’image de la marque est tout d’abord du au phénomène des réseaux sociaux. En effet, malgré la diffusion d’un communiqué de presse, cela n’a pas empêché les tweets et reteweets de la vidéo, ainsi que les nombres de vues sur instagram, de se multiplier. Face à la crise, ils ont communiqué comme d’habitude. Et ce qui fait la force de leur communication quotidienne : réactivité et proximité, s’est retourné contre eux dans ce contexte exceptionnel.

Par ailleurs, le communiqué d’une dizaine de ligne est très court. Il n’argumente pas en remettant les faits dans leur contexte (vie privée des salariés, soirée africa). Il accepte l’implication de l’entreprise dans cette histoire au lieu de mettre de la distance entre les salariés et eux. Ils annoncent des sanctions mais on ne sait pas quelles sont ces sanctions.

Un dernier sursaut ?

Guillaume Gibault, le fondateur du slip français, contacté par l’AFP condamne de nouveau ces actes. Il s’est également entretenu avec le président de la fondation SOS racisme. PDG de la marque qu’il a crée en 2011, Guillaume Gibault ne manque pas de multiplier les interviews, dans lesquels il condamne à chaque fois fermement la vidéo.

12 jours après le début de la polémique, Guillaume Gibault, interviewé par Franceinfo mentionne les « conséquences  psychologiques »  : « ces actes sont inacceptables et aux antipodes de nos valeurs, ils nous ont bouleversés, et nous sommes aussi bouleversés des violences des attaque que nous subissons ». Il se place ainsi en quelque sorte en bouc émissaire des réseaux sociaux. Il mentionne également les conséquences économiques. « Nous avons tout de suite réagit à la situation. » « L’objectif est de gérer les conséquences économiques ». L’interview s’enchaîne sur les sanctions : « deux salariés ont été mis à pied, une procédure légale dans le droit de travail est en cours, je ne peux pas m’expliquer plus sur cette procédure. Bien que le journaliste insiste pour savoir quelles sont ces sanctions, Guillaume Gibault insiste sur la confidentialité de la procédure. Enfin, la fin de l’interview est tout à son avantage car elle rebondit sur le concept du slip français, avec le made in France, la mode durable, l’emploi direct et indirect de 315 personnes en France.

Finalement la crise a fini par s’apaiser, avec une image cependant durablement dégradée. La stratégie de la communication de crise a avant tout été la responsabilité, en endossant les actes de ses salariés. Cependant, une stratégie de rebond positif en utilisant l’exposition médiatique sur un sujet finalement sans grande conséquence (une vidéo prise par quelques personnes dans une soirée privée sans lien avec l’entreprise) pour rappeler le principe de la marque, les valeurs de l’entreprise et la singularité des produits.
 

Eugénie Florin



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