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Le Costa Concordia : un naufrage médiatique ?




Jeudi 1 Avril 2021


Le 13 janvier 2012 au soir, le Costa Concordia, paquebot long de 290 mètres, a heurté un récif au large du littoral sud de la Toscane, près de l’île du Giglio. Le naufrage prend une forme spectaculaire puisque le paquebot se retrouve couché sur son flanc jusqu’à l’intervention de redressement du 16 septembre 2013. Le capitaine, ayant ordonné une navigation trop proche des cotes quitte le navire en plein naufrage et provoque le scandale.



Le paquebot de croisières Costa Concordia avait été construit par les chantiers Fincantieri, inauguré en 2006 et affrété par la société italienne Costa Croisières. Aux alentours de 22h le 13 janvier 2012, le paquebot, sous le commandement de Francesco Schettino, s’approche très près de la côte de l’ile de Giglio afin de pouvoir faire une révérence, c’est-à-dire saluer les habitants. Le navire heurte un récif de l’ile, ce qui crée une brèche sur son flanc gauche de plus de 70 mètres par laquelle l’eau s’infiltre. Le navire se couche alors sur son flanc gauche de manière spectaculaire. En comptant les passagers et les membres de l’équipage, 4321 personnes étaient à bord du paquebot et 32 y trouvent la mort durant le naufrage.
 
Le capitaine apparaît lui désemparé et rejoint le rivage avant minuit dans les premiers bateaux de sauvetage contre les ordres du commandant de la capitainerie du port de Livourne qui rentre en contact téléphonique avec lui. Celui-ci lui ordonnait en effet de remonter à bord afin de coordonner les opérations de sauvetage.
 
Le navire est par la suite resté plus de 20 mois sur le flanc avant qu’une opération de rotation soit menée le 16 septembre 2013. Celle-ci est impressionnante et dure plus de 19 heures. L’affaire du Costa Concordia ne touche pourtant pas à sa fin puisqu’il faudra attendre le 14 juillet 2014 pour que le paquebot soit soulevé et remorqué jusqu’à Gênes. Toutes ces étapes accentuent le caractère spectaculaire du naufrage et de sa rescousse. Elles constituent également à la fois visuellement mais aussi dans les médias, des rappels du naufrage et de cette catastrophe pour le public et les rescapés. Cette dimension a des répercussions sévères sur la gestion de la crise, d’autant plus dure à régler. 
 
Cependant, la vision spectaculaire et marquante d’un gigantesque paquebot couché sur le flanc et le décès de 32 personnes ne sont pas les seuls éléments de la crise du Costa Concordia. A cela s’ajoutent en effet les critiques et les controverses autour du rôle du capitaine, de l’équipage et de Costa Croisières qui ont animé les réseaux sociaux. 
 
En effet, le dialogue entre le commandant Schettino et le commandant de la capitainerie du port de Livourne De Falco a été diffusé et a fait le tour des réseaux sociaux. Sont alors entendus par l’ensemble des médias les ordres du commandant De Falco « Qu'est-ce que vous voulez faire Schettino, rentrer à la maison ? Il fait nuit alors vous voulez rentrer chez vous, c'est ça ? Montez sur la proue du navire par l'échelle et vous me dites ce qu'on peut faire, combien est-ce qu'il y a de gens, quels sont leurs besoins. Tout de suite » et face à eux la lâcheté de Schettino. Ce dialogue provoque une vive réaction contre le capitaine, décrié avant même le début du procès. Les membres de l’équipage sont également accusés d’avoir déserté leur poste et de ne pas avoir aidé les passagers.
 
Une enquête sur les raisons et la gestion du naufrage est donc menée par la suite par les autorités italiennes. Le commandant  Francesco Schettino et le premier officier sont poursuivis par les autorités italiennes pour « homicide multiple, naufrage et abandon du navire ».Il avait finalement demandé pardon après avoir nié toute responsabilité « Il est normal que je demande pardon à tous et que je sente le poids des 32 victimes sur ma conscience ». Le commandant est condamné le 12 mai 2017 à 16 ans de prison ferme lors de son procès. Sept autres employés de la compagnie Costa sont également poursuivis par la suite, pour « homicides par imprudence, naufrage et défaut de communication aux autorités maritimes ».
 
La compagnie Costa Croisières a donc été confrontée à une immense crise dont les répercussions ont été profondes sur l’image de marque mais aussi sur le tourisme de croisières et les agences de voyage plus généralement. En effet, l’image de Costa Croisières étant fondée sur le rêve et la sécurité, cette crise l’ébranle nécessairement.
 
La gestion de cette crise a connu plusieurs étapes et révèle certaines erreurs de communication. La première étape fut l’arrêt immédiat d’une campagne de publicité lancée quelques semaines auparavant mettant en scène un voyage associé au « Paradis sur mer ». Puis, le PDG Pier Luigi Foschi s’est exprimé en insistant sur l’émotion, présentant ses excuses aux familles des victimes, en larme face à la caméra. Ce registre a pour but de donner l’impression aux familles d’une réelle compréhension et d’une profonde tristesse. Il décide également de se désolidariser de son employé, invoquant une erreur humaine. Son capitaine a selon lui été défaillant et cette erreur n’aurait été dans aucun cas prévisible. Il défend donc sa compagnie et identifie clairement le responsable de l’accident comme étant le commandant Schettino. Il fait aussi l’éloge de la sécurité de ses navires. A juste titre, il insiste donc sur le caractère exceptionnel et imprévisible de l’accident.
 
Cependant, des erreurs sont commises dans sa gestion de la crise puisqu’il prend la parole 48 heures après le naufrage et ne se déplace pas sur les lieux de l’accident, laissant penser qu’il ne s’agit pas là d’un accident majeur. Par ailleurs, la stratégie de déresponsabilisation s’est avérée défaillante dans la mesure où de nombreuses vidéos prises par les passagers montrent les erreurs commises par l’ensemble des membres de l’équipage cédant à la panique. Le statut, presque de victime, défendu par Costa est donc mis à mal par la profusion de vidéos sur les réseaux sociaux. De plus, le rapport des autorités italiennes établit le rôle non négligeable de Costa dans l’accident de plusieurs points de vue. Le coordinateur de l'unité de crise de Costa, Roberto Ferrarini n’a pas pris la mesure de l’accident au moment où il a été contacté et n’a pas ordonné l’évacuation suffisamment tôt selon les données dont il disposait. Le rapport pointe également un problème de communication entre les différents membres de l'équipage dont l’un aurait viré à droite après avoir reçu l'ordre de virer vers la gauche. La stratégie d’exclure toute responsabilité de la part de l’entreprise s’est avérée mauvaise car ses erreurs ont pu être mises à la lumière du public avec des vidéos, des photos, des audios et les éléments de l’enquête. La société est donc apparue comme voulant se soustraire à ses responsabilités tout comme son employé, le commandant Schettino l’avait fait lors du naufrage.
 
Afin de pallier de telles crises à l’avenir et retrouver son image de marque, Costa Croisières pourrait donc insister sur de nouvelles simulations d’évacuations des passagers, une meilleure formation des capitaines aux naufrages mais aussi une meilleure communication de crise, plus réactive et plus en lien avec les éléments diffusés.

Sophie Herlaut



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