Carnets du Business


           

Le crash du vol MH17, quelques mois seulement après la disparition du vol MH370.




Lundi 11 Janvier 2021


Le 17 Juillet 2014 un Boeing 777-200 de la compagnie Malaysia Airlines décollait d’Amsterdam à destination de Kuala Lumpur. Quelques heures après son décollage, il est abattu en plein vol par un missile au-dessus d’une zone de conflit armé dans l’est séparatiste prorusse de l’Ukraine. 283 passagers et 15 membres d’équipage ont péri. Seulement quelques mois après la catastrophe du vol MH370, la compagnie Malaysia Airlines s’est ainsi trouvée confrontée pour la deuxième fois à la gestion de crise, or la gestion de crise d’une compagnie a un rôle clé lors d'une catastrophe aérienne.



Les deux catastrophes aériennes, qui restent à ce jour parmi les plus meurtrières, ont constitué d’importantes menaces pour la réputation de la compagnie. En effet, Malaysia Airlines détenait avant 2014 de multiples prix, elle était même placée dans le top 10 des 100 meilleures compagnies aériennes et avait l’une des meilleures réputations en termes de sécurité en Asie. Or le crash du vol MH370 avait déjà terni la réputation de la compagnie et le crash du vol MH17 quelques mois seulement après le vol MH17 n’a pas arrangé les choses. Si la responsabilité de la Malaysia Airlines dans le crash du vol MH17 en Ukraine n'était pas engagée, le transporteur aérien malaisien n'est pas exempt de toute critiques, notamment quant à la gestion de crise.
 
L’étude de celle-ci lors de l’affaire du vol MH17 est aussi l’occasion de déterminer si la Malaysia a tiré les leçons du crash du vol MH370. En effet, même si les circonstances ne sont pas exactement les mêmes,  la compagnie avait attendu 17 jours avant d’envoyer ce message, par SMS, aux familles des passagers : "La Malaysia Airlines a le profond regret de vous annoncer que le vol MH370 est perdu et n'y a aucun survivant", ce message mettant fin à 17 jours d'angoisse, d'attente, d'espoir aussi, la compagnie ayant évoqué de nombreuses hypothèses avant de se positionner (un crash, détournement et même la possibilité que l'appareil avait pu se poser). Avant cette date, le président de la compagnie, ainsi que le ministre des Transports malaysien et du directeur de l'aviation civile, avaient donné des conférences de presse quotidiennes mais très floues. Malaysia Airlines s’était empêtrée dans des déclarations contradictoires et livré des informations fausses, alimentant les spéculations des familles désespérées et en colère. Il était alors difficile pour les familles des victimes de faire le travail de deuil dans ces conditions.
 
Pour le crash MH17, la compagnie Malaysia Airlines se devait donc d’être plus réactive. Elle a alors précisé quelques heures à peine après l’accident dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux avoir perdu le contact à 16 h 15 (heure locale d'Ukraine), alors que l'avion survolait l'Est de l'Ukraine, à approximativement 50 kilomètres de la frontière avec la Russie. Les premières informations diffusées par MAS se sont cependant avérées fausses : ils avaient affirmé que le contact avait était perdu au bout de 4h45 de vol alors que l’avion avait été abattu au bout de 3h de vol…
 
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Malaysia Airlines aura tout de même mis 4 jours à annoncer par un communiqué qu’elle portera assistance aux familles des victimes. Elle annonça en effet que « La compagnie apportera son soutien aux familles pendant ces moments douloureux, et mettra à leur disposition les hôtels, les repas et les transports. » et qu’elle avait mis en place une aide psychologique pour chaque personne touchée par la tragédie. Dans le cadre d’une telle crise, l’importance d’un soutien moral et psychologique
  
Par ailleurs, l’une des premières choses à faire dans le cadre d’une crise impliquant des décès, c’est d’exprimer sa compassion envers les victimes. C’est ce que Malaysia Airlines a fait, en écrivant dès le début que leurs pensées et leurs prières allaient aux familles et amis des passagers du vol MH17.
 
Mais dans leur gestion de crise, la priorité n’était pas vraiment à la compassion puisque dès le début la compagnie a préféré insister sur le fait qu’elle n’était pas responsable et a adopté la théorie du bouc émissaire en laissant entendre que la responsabilité incombait plutôt à l’IATA, à l’Eurocontrol, au contrôle aérien Ukrainien ou à l’organisation internationale de l’aviation civile en précisant que toutes ces entités avaient confirmé que l’espace aérien dans lequel se situait l’avion au moment d’être abattu ne faisait pas l’objet de restrictions. Dans un premier temps elle avait exclu sa responsabilité en précisant dès le premier communiqué de presse que « Malaysia Airlines confirme que l’avion n’a pas envoyé de signal de détresse » (sous-entendu si l’avion n’avait pas émis de signal de détresse, la compagnie ne pouvait rien faire, et donc n’aurait pas pu prévenir l’accident), et que « Le Boeing 777-200 immatriculé 9M-MRD et qui a opéré le vol MH17 le 17 Juillet 2014 avait un carnet de maintenance à jour, de plus tous les systemes de communication de l’avion fonctionnaient correctement”. Après cette subtile déresponsabilisation, l’attention a surtout était portée sur Eurocontrol qui a “approuvé le plan de vol du vol MH17 et sont les seuls responsables pour déterminer les trajectoires des avions civils dans l’espace aérien Européen”.  Malaysia Airlines s’est d’ailleurs servie de la figure proéminente du premier ministre qui se chargeait de décaler la responsabilité sur les autorités aériennes.
 
Le lendemain la stratégie de gestion de crise a toutefois évolué puisque Malaysia Airlines a ensuite mis l’accent sur l’enquête concernant l’accident. Leur communication s’est alors centrée sur le déroulé de l’enquête. Enquête qui fût d’ailleurs bien perturbée par les conflits locaux, ce qui n’a pas facilité la tâche de Malaysia Airlines. La compagnie a ainsi adopté une excellente stratégie d’action corrective, en commençant par la déclaration du Premier Ministre “Nous devons – et nous le ferons- déterminer précisément ce qui est arrivé au vol MH17. Malaysia Airlines  a ainsi su rassurer ses parties prenantes (salariés, actionnaires, employés), d’une part en expliquant que la priorité de la compagnie était la sécurité de ses passagers et que par mesure de précaution l’ensemble des vols survolant l’Ukraine seraient déviés, d’autre part que la compagnie aérienne mettait tout en œuvre pour maintenir son programme de vol et enfin que la compagnie avait lancé une enquête et faisait tout ce qu’elle pouvait pour déterminer les circonstances exactes de l’accident.
 
Notons aussi que lors du crash du vol MH370, la compagnie avait au moment de la disparition fourni trop vite une liste des passagers, relayée sur les réseaux sociaux, or la liste s'était révélée inexacte. Pour le vol MH17 la compagnie a mis beaucoup plus de temps à dévoiler la liste des passagers, ce qui a aussi été critiqué puisque 20 heures après le drame l’identité et la nationalité de certains passagers restaient encore inconnues.
 
Si la gestion de crise de Malaysia Airlines n’est donc pas exempte de tout reproche, notamment à cause de sa stratégie de déresponsabilisation quelque peu abusive, la compagnie semble avoir tiré les leçons de la gestion désastreuse du vol MH370, qui reste à ce jour le plus grand mystère de l’aviation civile.

Edouard Hanak



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