Peu ou pas d’anticipation
A cette époque, les risques d’incendie concernant Londres sont connus : c’est une ville surpeuplée, aux rues étroites, où des feux importants se sont déjà déclarés, le dernier en 1632. Pour diminuer les risques, certaines mesures existent, mais elles sont en réalité peu appliquées : bois et chaume sont en théorie interdits comme matériaux de construction mais les habitants n’ont pas les moyens de s’en passer, les fonderies, forges, vitreries et autres activités à hauts risques d’incendie, normalement proscrites dans la Cité, y sont nombreuses et l’architecture des immeubles les fait pencher les uns vers les autres de part et d’autre d’une même rue, favorisant la propagation du feu, malgré les avertissements de certains. Par facilité ou intérêt, les autorités locales ferment les yeux sur ces faits.
On observe donc une accumulation de déséquilibres qui aurait dû mener à des actions correctives. Malheureusement, on ne réalise souvent l’importance de ces choses là qu’une fois qu’il est trop tard : la probabilité de survenue d’un incendie vaut-elle tous les efforts qu’on devrait mettre à l’empêcher ? Il existait certaines procédures de lutte contre les incendies : pas de pompiers à proprement parler, mais des citoyens concernés qui patrouillaient pour surveiller la ville et une milice locale, les Trained Bands, qui était appelée en cas de feu. Les églises possédaient également du matériel pour lutter contre les incendies. Cependant, en l’absence de réelles procédures et de hiérarchie préparée à un incidie grave, Londres n’avait pas les armes pour faire face à un feu d’une trop forte intensité.
Entre sidération et panique, un mauvais départ
Dès le début de l’incendie, les erreurs de gestion commencent. Un des principes fondamentaux de la gestion de crise est qu’il faut agir vite, au risque de voir la situation s’envenimer. Il est également essentiel d’avoir anticipé le plus possible les situations les plus probables et les mesures à adopter dans ces situations : les capacités cérébrales peuvent être amoindries lorsqu’un individu est confronté pour la première fois à une situation de crise. Dans le cas de Londres, rien de tout cela n’a été fait. En effet, le lord-maire appelé sur le lieu de départ du feu, une boulangerie de Pudding Lane dans la nuit de samedi à dimanche, reste indécis. Il a peur de prendre une mauvaise décision et d’en être tenu responsable : les experts présents sur place recommandent la démolition des bâtiments adjacents afin d’endiguer la propagation des flammes, mais c’est à Thomas Bloodworth que revient la décision. Or les propriétaires des bâtiments en question ne veulent pas les voir détruits, et en l’absence de décision venant du roi, il aurait payé lui-même la reconstruction : au milieu d’un conflit d’intérêt, le décideur n’est certainement pas en mesure de prendre les bonnes décisions. Quand les habitants se rendent compte de l’ampleur que prend l’incendie, la panique domine et les gens fuient en emportant leurs meubles sans que de réels efforts soient mis en place pour lutter contre le feu. Le lundi 3 septembre, les magistrats ordonnent la fermeture des portes de la ville dans une tentative pour contraindre les citoyens à combattre l’incendie, mais cette mesure inefficace est abandonnée dès le lendemain. Thomas Bloodworth refuse en outre l’aide des Royal Life Guards proposée par le duc d’York, frère du roi Charles II, par orgueil et dans un contexte de tensions entre la Couronne et la Cité : la sous-évaluation de la menace empêche les parties prenantes d’accepter une aide dont elles ne veulent pas, mais dont elles ont besoin.
Finalement, une gestion de crise s’installe tant bien que mal
Constatant l’étendue du feu, le roi finit par passer outre les autorités de la Cité et envoie son frère lutter contre les flammes. Grâce à la présence d’un décideur faisant autorité et donnant des directives, la lutte contre l’incendie se déploie progressivement : des postes de contrôle sont installés autour du brasier et des habitants des classes sociales inférieures sont enrôlés de force dans des équipes de pompiers (ils y sont en revanche très bien traités). Une hiérarchie est mise en place et les courtisans à la tête des équipes reçoivent le pouvoir d’ordonner toutes les destructions de bâtiments qu’ils estiment nécessaires. Le duc d’York est présent dans la ville, ce qui permet de montrer aux habitants que quelqu’un est en charge.
Le feu détruit les moyens de communication habituels, et rien n’a été prévu dans ce cas : les rumeurs se propagent alors quant au déclenchement de l’incendie dans un contexte de guerre contre les Provinces-unies et donnent lieu à des lynchages d’étrangers (principalement Hollandais et Français), une seconde crise s’ajoute à la première et du temps et des hommes doivent être consacrés à essayer de calmer les habitants et d’éviter des meurtres dans les rues.
Un bilan plutôt négatif, une mémoire qui perdure
La fin de la crise n’est pas beaucoup mieux gérée que son commencement. Les autorités sont incapables de gérer les trop nombreuses victimes, et un vent de paranoïa s’empare de la ville. Mercredi, une panique générale frappe les camps de réfugiés quand arrivent des rumeurs sur une invasion de Français et de Hollandais venant prétendument tuer les survivants. On cherche un responsable de la catastrophe : un bouc-émissaire est trouvé en la personne de Robert Hubert, horloger français incapable de se défendre correctement. Il est pendu le 28 septembre de la même année, et l’on découvre peu après qu’il n’était même pas à Londres lors du déclenchement de l’incendie. Dans la précipitation pour calmer les esprits, une tragique erreur a été commise. Les conflits quant aux paiements des reconstructions, nombreux entre propriétaires et locataires, sont mieux traités : un tribunal efficace est mis en place spécialement pour ces cas, il est actif de février 1666 à septembre 1672. Toutes les villes reçoivent l’ordre d’accueillir les sinistrés de Londres, Charles II encourage les gens à quitter la ville, craignant une rébellion. Un rebond positif est initié à la suite de la catastrophe, des propositions pour reconstruire les quartiers détruits selon de nouveaux plans, avec des rues plus larges et de grandes places, sont examinées, mais elles sont vite abandonnées. Plusieurs améliorations existent néanmoins : les maisons sont reconstruites en pierre, les accès au fleuve sont dégagés.
Un monument commémoratif est érigé près de Pudding Lane à l’initiative de Charles II. Officiellement, le nombre de victimes de l’incendie est moindre comparé à son ampleur : moins d’une dizaine recensée. Mais il faut prendre en compte les victimes indirectes, succombant à la faim et au froid après l’incendie, les étrangers lynchés dans les rues, et ne pas oublier que la chaleur du brasier a tout à fait pu consumer entièrement certains corps. Le bilan matériel est quant à lui immense.
A cette époque, les risques d’incendie concernant Londres sont connus : c’est une ville surpeuplée, aux rues étroites, où des feux importants se sont déjà déclarés, le dernier en 1632. Pour diminuer les risques, certaines mesures existent, mais elles sont en réalité peu appliquées : bois et chaume sont en théorie interdits comme matériaux de construction mais les habitants n’ont pas les moyens de s’en passer, les fonderies, forges, vitreries et autres activités à hauts risques d’incendie, normalement proscrites dans la Cité, y sont nombreuses et l’architecture des immeubles les fait pencher les uns vers les autres de part et d’autre d’une même rue, favorisant la propagation du feu, malgré les avertissements de certains. Par facilité ou intérêt, les autorités locales ferment les yeux sur ces faits.
On observe donc une accumulation de déséquilibres qui aurait dû mener à des actions correctives. Malheureusement, on ne réalise souvent l’importance de ces choses là qu’une fois qu’il est trop tard : la probabilité de survenue d’un incendie vaut-elle tous les efforts qu’on devrait mettre à l’empêcher ? Il existait certaines procédures de lutte contre les incendies : pas de pompiers à proprement parler, mais des citoyens concernés qui patrouillaient pour surveiller la ville et une milice locale, les Trained Bands, qui était appelée en cas de feu. Les églises possédaient également du matériel pour lutter contre les incendies. Cependant, en l’absence de réelles procédures et de hiérarchie préparée à un incidie grave, Londres n’avait pas les armes pour faire face à un feu d’une trop forte intensité.
Entre sidération et panique, un mauvais départ
Dès le début de l’incendie, les erreurs de gestion commencent. Un des principes fondamentaux de la gestion de crise est qu’il faut agir vite, au risque de voir la situation s’envenimer. Il est également essentiel d’avoir anticipé le plus possible les situations les plus probables et les mesures à adopter dans ces situations : les capacités cérébrales peuvent être amoindries lorsqu’un individu est confronté pour la première fois à une situation de crise. Dans le cas de Londres, rien de tout cela n’a été fait. En effet, le lord-maire appelé sur le lieu de départ du feu, une boulangerie de Pudding Lane dans la nuit de samedi à dimanche, reste indécis. Il a peur de prendre une mauvaise décision et d’en être tenu responsable : les experts présents sur place recommandent la démolition des bâtiments adjacents afin d’endiguer la propagation des flammes, mais c’est à Thomas Bloodworth que revient la décision. Or les propriétaires des bâtiments en question ne veulent pas les voir détruits, et en l’absence de décision venant du roi, il aurait payé lui-même la reconstruction : au milieu d’un conflit d’intérêt, le décideur n’est certainement pas en mesure de prendre les bonnes décisions. Quand les habitants se rendent compte de l’ampleur que prend l’incendie, la panique domine et les gens fuient en emportant leurs meubles sans que de réels efforts soient mis en place pour lutter contre le feu. Le lundi 3 septembre, les magistrats ordonnent la fermeture des portes de la ville dans une tentative pour contraindre les citoyens à combattre l’incendie, mais cette mesure inefficace est abandonnée dès le lendemain. Thomas Bloodworth refuse en outre l’aide des Royal Life Guards proposée par le duc d’York, frère du roi Charles II, par orgueil et dans un contexte de tensions entre la Couronne et la Cité : la sous-évaluation de la menace empêche les parties prenantes d’accepter une aide dont elles ne veulent pas, mais dont elles ont besoin.
Finalement, une gestion de crise s’installe tant bien que mal
Constatant l’étendue du feu, le roi finit par passer outre les autorités de la Cité et envoie son frère lutter contre les flammes. Grâce à la présence d’un décideur faisant autorité et donnant des directives, la lutte contre l’incendie se déploie progressivement : des postes de contrôle sont installés autour du brasier et des habitants des classes sociales inférieures sont enrôlés de force dans des équipes de pompiers (ils y sont en revanche très bien traités). Une hiérarchie est mise en place et les courtisans à la tête des équipes reçoivent le pouvoir d’ordonner toutes les destructions de bâtiments qu’ils estiment nécessaires. Le duc d’York est présent dans la ville, ce qui permet de montrer aux habitants que quelqu’un est en charge.
Le feu détruit les moyens de communication habituels, et rien n’a été prévu dans ce cas : les rumeurs se propagent alors quant au déclenchement de l’incendie dans un contexte de guerre contre les Provinces-unies et donnent lieu à des lynchages d’étrangers (principalement Hollandais et Français), une seconde crise s’ajoute à la première et du temps et des hommes doivent être consacrés à essayer de calmer les habitants et d’éviter des meurtres dans les rues.
Un bilan plutôt négatif, une mémoire qui perdure
La fin de la crise n’est pas beaucoup mieux gérée que son commencement. Les autorités sont incapables de gérer les trop nombreuses victimes, et un vent de paranoïa s’empare de la ville. Mercredi, une panique générale frappe les camps de réfugiés quand arrivent des rumeurs sur une invasion de Français et de Hollandais venant prétendument tuer les survivants. On cherche un responsable de la catastrophe : un bouc-émissaire est trouvé en la personne de Robert Hubert, horloger français incapable de se défendre correctement. Il est pendu le 28 septembre de la même année, et l’on découvre peu après qu’il n’était même pas à Londres lors du déclenchement de l’incendie. Dans la précipitation pour calmer les esprits, une tragique erreur a été commise. Les conflits quant aux paiements des reconstructions, nombreux entre propriétaires et locataires, sont mieux traités : un tribunal efficace est mis en place spécialement pour ces cas, il est actif de février 1666 à septembre 1672. Toutes les villes reçoivent l’ordre d’accueillir les sinistrés de Londres, Charles II encourage les gens à quitter la ville, craignant une rébellion. Un rebond positif est initié à la suite de la catastrophe, des propositions pour reconstruire les quartiers détruits selon de nouveaux plans, avec des rues plus larges et de grandes places, sont examinées, mais elles sont vite abandonnées. Plusieurs améliorations existent néanmoins : les maisons sont reconstruites en pierre, les accès au fleuve sont dégagés.
Un monument commémoratif est érigé près de Pudding Lane à l’initiative de Charles II. Officiellement, le nombre de victimes de l’incendie est moindre comparé à son ampleur : moins d’une dizaine recensée. Mais il faut prendre en compte les victimes indirectes, succombant à la faim et au froid après l’incendie, les étrangers lynchés dans les rues, et ne pas oublier que la chaleur du brasier a tout à fait pu consumer entièrement certains corps. Le bilan matériel est quant à lui immense.