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Nouveau rapport de la WWF : projet Montagne d’or, même destin que les mystérieuses cités d’or ?




Vendredi 24 Mai 2019


Le 26 février dernier, l’ONG WWF France (World Wildlife Fund) publie un rapport réalisé par le cabinet d’études économiques allemand DME qui vient jeter de l’huile sur le feu d’un dossier brulant pour le gouvernement et les entreprises minières Columbus Gold et Nordgold porteuses du projet d’exploitation de mine aurifère en Guyane. Le consortium est toujours en attente de l’aval de la commission interministérielle qui doit se prononcer sur la poursuite du projet avant l’été.



Selon le site officiel de l’entreprise homonyme, le projet vise à l’exploitation d’une mine aurifère à ciel ouvert adoptant « une démarche responsable et soutenable pour le territoire ». Située sur un site déjà exploité à 125 kilomètres au sud de Saint-Laurent du Maroni, au sud-ouest du département de la Guyane, dans une région déjà très exploitée pour sa richesse en or, la mine a pour ambition d’être la plus grande mine à ciel ouvert de la région et d’être un exemple en matière de sécurité des personnes et respect de l’environnement.
C’est un projet qui a depuis le début cristallisé les tensions. En mai dernier déjà, le député européen Yannick Jadot (EELV) dénonçait « une catastrophe » et haranguait le Président Macron de mettre un terme à ce projet. Les principaux points évoqués étaient la déforestation, les dépenses d’énergie et d’eau et le risque de déversement de cyanure.

Le rapport ne surprend pas par la teneur de ces propos, l’antenne française de l’ONG a depuis toujours affirmé sa claire et précise position sur le projet Montagne d’or.   L’ONG a mis en place un site internet concurrent pour apporter sa version des faits et ses chiffres, sa réalité du projet. Comme toujours la guerre des chiffres fait rage et ce dernier rapport va dans ce sens. Elle dénonce le mirage économique. Des 4000 emplois directs et indirects créés par l'exploitation de la mine mise en avant par la société, seule la moitié le serait effectivement créés selon le bureau d’étude d’outre-Rhin. 

Ce n’est pas le seul point qui cristallise les tensions autour du projet. Parmi les gros points chauds, il y a bien sûr l’environnement. « Nous nous engageons à produire l’énergie sur site à base d’énergies renouvelables. L’objectif est de réduire au maximum les impacts environnementaux » explique Pierre Paris, le Président de la société Montagne d’Or dans une interview à l’antenne de outre-mer 1re. C’est le principal point de tension. Du côté de la mine, on assure que toutes les normes européennes et françaises qui sont parmi les plus strictes de la planète seront scrupuleusement respectées.

WWF France avance des chiffres de 1500 ha de forêts déboisés et les risques encourus par toute la biodiversité de la région avec l’exploitation de la mine. Pour fonctionner, la mine nécessite la construction d’un énorme bassin pour entreposer les eaux sales. La WWF rappelle les catastrophes qui ont entaché les exploitations minières depuis 2000 et notamment la rupture des barrages de la mine Baia Mare en Roumanie en 2000 qualifiée de « plus grande catastrophe écologique européenne depuis Tchernobyl » par l’ONG et le douloureux évènement du Rio Doce en 2015 au Brésil où un barrage avait cédé polluant toute l’eau du fleuve et coûtant la vie à 19 personnes.

Dans un département lourdement frappé par le chômage, avec des taux deux fois supérieurs à la moyenne nationale de 22 % selon l’INSEE, l’emploi est au cœur de l’argumentaire favorable au projet : « L’emploi local est une priorité pour nous et nous avons ajouté à cette priorité l’emploi des populations autochtones qui ont parfois des difficultés à accéder au marché de l’emploi » expliquait Pierre Paris. C’est d’ailleurs peut-être l’avis des populations autochtones qui sera le « swing state » décisif. Si en 2017 le conseil des chefs coutumiers a assuré un rejet ferme et immuable envers le projet, Pierre Paris était reçu par le conseil au début du mois de janvier pour présenter la nouvelle version. 90 % des emplois seraient recrutés localement dans 57 métiers différents, de quoi faire pencher la balance de l’autre côté.

Le dernier point très sensible reste l’exploitation du cyanure. C’est un mot qui fait peur et les 46 500 tonnes nécessaires pour le projet n’aident en rien. Cependant, l’utilisation du cyanure est classique dans les exploitations aurifères, c’est le procédé le plus efficace et paradoxalement aussi parmi les moins dangereux pour l’homme quand il est bien surveillé. « Nous nous étions engagés à adhérer au code du Cyanure [établi par les Nations Unies NDLR]. Par cette adhésion effective depuis le 9 octobre, nous nous sommes engagés à être contrôlés par des auditeurs indépendants et les résultats de ces audits réguliers seront publics. » expliquait Pierre Paris.

Ce dernier point est crucial. Dans un dossier comme celui-là, la communication est reine. C’est elle qui fera remporter la bataille, car c’est elle qui orientera les opinions publiques. Les deux camps se mènent une lutte de l’information terrible. Une heure après la publication du rapport, l’entreprise porteuse du projet avait déjà contesté l’authenticité des chiffres. Les deux sites internet livrent chacun leur version du projet. Un exemple significatif porte sur les deux actionnaires de la société Montagne d’Or dont finalement on parle assez peu. Selon la WWF, Nordgold, le principal actionnaire est une société russe alors qu’il est britannique pour le site officiel. Il s’agit en réalité d’une entreprise russo-britannique, montrant bien les tentatives réciproques de manipulation.

Les deux camps n’attendent plus qu’une chose : la décision de la commission ministérielle qui doit se prononcer ou non en faveur de la poursuite du projet. Un non et la montagne d’or serait renvoyée à l’état de mythe, au même titre que les mystérieuses cités d’or.
 
 

Baudouin Villedey



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