Carnets du Business


           

​Retour sur une communication de crise : AZF 2001. Un réel succès ?




Mardi 16 Juillet 2019


Près de deux décennies après l’explosion meurtrière de l’usine AZF à Toulouse, retour sur les réussites et déboires d’une gestion de crise.



Une Nouvelle Crise

21 Septembre 2001 .10 h 17. Près de 300 tonnes de nitrate d’ammonium explosent dans un hangar de l’usine AZF de Toulouse, occasionnant un séisme de magnitude 3,4. Bilan final : 31 décès, 2500 blessés. Seulement 10 jours après les attentats du World Trade Center et deux ans après le naufrage de l’Erika qui avait largement mis l’opprobre sur Total, cet évènement tragique apparait comme une crise grave, sur les plans politiques économiques, humains, sociaux et environnementaux.

Apprendre de ses erreurs.

Lors du naufrage de l’Erika en 1999, Total (qui désignera par la suite le groupe TotalFinaElf) a été décrié pour le manque d’humanité et s’empathie de son président-directeur général Thierry Desmarets qui géra la crise en analyste pragmatique sans affect ni émotion. Silence de 10 jours, défausse de la responsabilité, manque de diplomatie (comme en témoignent ses interviews suivant le drame « on est vraiment désolés des conséquences »). La forte mobilisation contre l’entreprise, notamment sur le web via des campagnes de boycott et de dénonciation, a conduit à la dégradation importante de son image.

Avec l’antécédent d’un tel naufrage diplomatique, Total tire les leçons pour AZF. D’abord au niveau du timing. Après un flou sur l’emplacement réel de l’explosion (présence de la SNPE a proximité), Total a immédiatement déclenché des cellules de crises et dépêché ses cadres locaux pour se renseigner. Ensuite, Total verrouille rapidement sa stratégie et communique en empathie avec les victimes, pour la plupart travaillant pour le groupe. Ainsi, l’accent est mis sur la solidarité au sein du groupe qui se pense comme une famille.  « Le groupe Total déploiera tous les moyens possibles pour manifester sa solidarité aux victimes, à leurs familles et aux habitants de Toulouse frappés par la catastrophe. »  Déclarait ainsi Thierry Desmarets, bien loin de ses dires deux ans plus tôt.
Des fonds exceptionnels sont également débloqués en urgence et des cellules psychologiques de soutien et d’accompagnement des victimes sont mises en place.

Gérer cette crise, c’est pour Total d’abord se placer en aide aux secours, aux victimes et aux autorités dans une optique de transparence. En ce sens, la communication de crise de Total se veut plus responsable, plus empathique et plus constructive. Ainsi, le groupe fait immédiatement contrôler l’ensemble de ses usines et lance une réflexion sur l’aménagement urbain des usines et zones industrielles dans les villes. Plus question de se défausser de la responsabilité comme pour l’Erika, Total apparait comme
Acteur de la résolution de la crise en anticipant les versements des assurances et en dédommageant fortement les victimes. Dans les faits, les employés eux-mêmes se sont rendus sur les lieux après l’explosion pour manifester leur soutien à l’entreprise accusée d’être insalubre. 

A la suite de cette catastrophe, de nouveaux protocoles de sécurité civile seront instaurés. Total, à nouveau par la voix de son PDG, veut apparaître comme acteur du redressement. Ainsi, le site est démantelé, dépollué et donné à la ville pour en faire une zone de mémoire et d’hommage aux victimes, Grande Paroisse créée un site web d’information et de sensibilisation.
 
Une crise politique

Après les attentats du 11 septembre, cette crise mobilise immédiatement les pouvoirs politiques qui s’immiscent dans la gestion de la crise. Étant donné l’ampleur, l’intervention des moyens étatiques pallie les manques de personnel ou de matériel pour la sécurisation du site. Total doit donc gérer également ses rapports avec les autorités.

Quelques accrocs

Si la communication de total est bien meilleure, elle ne peut cependant empêcher un inévitable ternissement de l’image de sa marque du fait de l’ampleur du drame. Stratégiquement la figure du PDG, ingénieur d’un naturel froid et direct ne fut pas forcément la plus habile à mettre en avant, au vu du passif Erika ; bien que celui-ci ait bien mieux géré la crise. De même, on a reproché à Total un trop grand zèle dans le nettoyage du site de l’explosion qui a pu ralentir les travaux des autorités. Malgré des Contestations parties civile, In fine, Total n’a pas été condamné, même si l’accident reste ancré dans la mémoire collective comme étant lié à la firme pétrolière. Gestion de crise plutôt réussie donc, dans un contexte peu évident, avec une catastrophe en presque-centre-ville. Le fort impact émotionnel de l’événement a rendu la tâche de Total ardue, mais l’entreprise a bien appris du passé. Cette crise a montré que Total, après le fiasco Erika, a considérablement travaillé sa gestion de crise : temps de réaction, contenu et constance du discours, transparence, chaque élément a été travaillé afin de servir l’image du groupe.
 
Aujourd’hui, par décision du gouvernement français, on ne croise pas de voitures immatriculées AZF dans le département de la Garonne. Encore une preuve qu’un drame pareil reste encore présent dans l’inconscient collectif, et de la nécessité d’une bonne gestion de crise.
 
 

Loïc Dessus de Cerou



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