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Allemagne : la bière en crise, une industrie sous pression




Mercredi 20 Août 2025


Le 19 août 2025, les derniers chiffres publiés par les offices statistiques allemands ont confirmé l’ampleur du phénomène : la consommation de bière en Allemagne poursuit une chute inédite. Premier producteur européen, longtemps symbole d’une tradition culturelle et industrielle, le pays voit son secteur brassicole fragilisé. La consommation par habitant s’est effondrée, les brasseries ferment les unes après les autres, et les acteurs redoutent désormais une restructuration profonde.



Brasserie : un marché national en recul historique

Depuis trois décennies, le marché allemand de la bière recule sans interruption. Selon AP News, en 2023 les ventes s’élevaient à 8,4 milliards de litres, soit une baisse de 4,5 % par rapport à 2022, niveau le plus faible depuis le début des années 1990. L’année suivante, malgré la tenue du Championnat d’Europe de football, la tendance ne s’est pas inversée : les ventes ont reculé de 1,4 %.

La situation s’est encore dégradée en 2025. D’après Brauwelt, sur la période janvier–mai, la consommation a chuté de 6,8 %, pour atteindre 34,5 millions d’hectolitres, soit le plus bas niveau depuis la réunification allemande. En volume, cela représente une perte de 262 millions de litres sur le premier semestre. L’érosion est d’autant plus spectaculaire qu’en 2013, la consommation par habitant atteignait 107 litres, contre seulement 88 litres en 2023, selon l’Office fédéral de la statistique.

Baisse de la vente de bière : des causes structurelles et générationnelles

Le vieillissement démographique et le changement d’attitude des jeunes générations sont au cœur de la crise. Comme le souligne The Economist, les consommateurs de la génération Z adoptent des modes de vie plus soucieux de la santé et réduisent fortement leur consommation d’alcool. Cette mutation culturelle se conjugue à l’essor des bières sans alcool, dont la part de marché dépasse désormais 10 % en Allemagne.

La tendance est lourde : entre 2004 et 2024, la production de bières sans alcool est passée de 329 millions de litres à près de 700 millions. Pour les industriels, ce segment constitue à la fois un relais de croissance et un symbole d’adaptation. Mais il ne compense pas la chute du marché principal, encore largement dominé par la pils et les lagers traditionnelles

Un poids industriel et économique majeur en Europe

Le secteur brassicole allemand conserve malgré tout une taille colossale. D’après l’Association des brasseurs européens, l’Allemagne comptait encore 1 521 brasseries en 2022, soit près d’un quart du total européen. Les microbrasseries représentent environ 850 établissements, preuve d’une diversité et d’un dynamisme entrepreneurial toujours vivaces.

En valeur, l’industrie brassicole pèse environ 12,3 milliards d’euros en 2025 selon IBISWorld, soit près de 1,5 % du PIB. L’export reste important, mais lui aussi fragilisé : les ventes vers les États-Unis ont reculé en raison des barrières tarifaires réintroduites par l’administration Trump. À l’échelle de l’Union européenne, le marché de la bière représentait 219,6 milliards de dollars en 2024, avec une croissance prévue de +6,7 % par an d’ici 2030.

Face à ce déclin, les industriels investissent dans de nouveaux produits. Le segment premium, les bières artisanales et les sans alcool affichent des croissances à deux chiffres, avec des perspectives de +9 % par an pour le craft et +7,1 % pour les bières en canettes en Europe. Mais cette diversification nécessite des investissements importants, que seules les grandes marques peuvent absorber.

En parallèle, la dimension culturelle et touristique demeure un atout. L’Oktoberfest reste un événement planétaire, avec près de 7 millions de litres servis chaque année. Néanmoins, cette vitrine festive contraste avec le quotidien des brasseries moyennes, confrontées à des marges réduites et à une clientèle domestique en net recul.

 

François Lapierre




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