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Avions, trains et émissions de CO2: le débat biaisé




Vendredi 25 Mars 2022


​Alors que l’idée de la substituabilité du train à l’avion semble gagner les esprits dans la sphère politique, les données chiffrées rendent compte d’une réalité plus complexe. La mesure exacte de l’impact carbone du train demeure insuffisante dans le débat public, tandis que le secteur de l’aviation multiplie les efforts pour verdir ses flottes.




C’est en passe de devenir une antienne en même temps qu’un argument commercial : le train pollue moins que l’avion, il faut donc orienter les usagers vers le premier mode de transport pour réduire l’impact CO2 de leurs déplacements.

Un sujet à la fois militant et commercial

Dans la sphère politique, l’idée a notamment été portée par les députés EELV et LFI en avril 2021 lors du vote de la « Loi Climat ». Dans le sillon de la Convention citoyenne sur le climat, les deux groupes parlementaires avaient en effet proposé un article visant à supprimer certains vols intérieurs, « en cas d’alternatives de moins de 2h30 en train ». Une mesure qui a fini par être adoptée par l’Assemblée nationale, plusieurs élus de la majorité présidentielle lui accordant leur vote favorable. Plus récemment, dans le cadre de l’élection présidentielle, c’est bien le train qui semble avoir la préférence des candidats. Dans la sphère militante, Greta Thunberg avait, elle, annoncé vouloir se rendre au Forum économique mondial de Davos en avion et non en bateau pour réduire son empreinte carbone.

Mais c’est également un argument commercial, notamment avancé par la SNCF, qui n’hésite à afficher un chiffre choc : le train consomme « 80 fois moins de CO2 en France métropolitaine ». Un chiffre qui ne rend toutefois difficilement compte de la réalité lorsqu’il s’agit de mesurer l’impact carbone entre les deux modes de transport.

Une bataille sur les chiffres

Le consensus sur un chiffrage exact semble difficile à établir : selon l’ADEME, l’avion émet 45 fois plus de CO2 que le train au kilomètre, quand pour l’ONG Réseau Action Climat ce chiffre est compris entre 14 et 40.  Une telle approche par le kilomètre parcouru ne rend pas forcément compte de la réalité selon une étude menée par les chercheurs à l’université de Berkeley Mikhail Chester et Arpad Horvath. Celle-ci prend en compte non seulement les émissions de CO2 par kilomètre parcouru, mais également la quantité de CO2 dégagée par chaque compostant d’infrastructure sur l’ensemble de leur durée de vie ; l’avion nécessitant moins d’infrastructures que la voiture ou le train, les données changent car les émissions sur l’ensemble du cycle de vie seraient de 10 à 20% supérieures aux émissions d’échappement.

Un bilan carbone du train en réalité difficile à établir

Il semble peu réaliste d’affirmer que le train est une alternative crédible et de long terme à l’avion. D’une part parce que le train et l’avion sont rarement substituables sur les trajets utilisés par les voyageurs, une mise en concurrence des deux moyens de transports n’étant raisonnablement pertinente que sur des trajets compris entre un plancher de 400 kilomètres et de 1200 kilomètres de distance.

Par ailleurs, l’impact CO2 du train est loin d’être neutre, même dans un pays comme la France au mix énergétique fortement décarboné. Selon un rapport de la Cour des comptes de 2014, le principal opérateur ferroviaire français s’approvisionnait « de façon significative à l’étranger, elle utilise une électricité plus émettrice de CO2 que la moyenne française », et d’ajouter qu’en « utilisant la moyenne européenne, le calcul montrerait que le TGV serait même nettement plus émetteur de CO2 que l’autocar ».

Tandis que les industriels de l’aviation poursuivent leurs efforts pour verdir les vols commerciaux et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, les « coûts carbone », et que de véritables solutions technologiques se mettent en place – travaux sur les matériaux pour alléger le poids des avions, propulsion à hydrogène, c’est sur des bases scientifiques solides et des données légitimement comparables que le débat sur l’avenir des mobilités devra se poser.

Joseph Martin



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