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Chine: une puissance malade




Vendredi 23 Décembre 2011




Faits

La Chine, qui attribue les crises européennes aux excès de l’État providence, souffre de son absence alors que sa population vieillit et n’est pas en bonne santé.

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Chine: une puissance malade
La gauche attribue la crise aux dérives du libéralisme, la droite aux excès de l’État providence en Europe et également aux États-Unis où elle explique la crise des subprimes par la volonté de l’État de favoriser l’accès à la propriété. En Chine, les commentateurs orthodoxes épousent l’analyse de la droite occidentale et vantent les mérites d’un modèle basé sur le couple État fort / libéralisme économique qui séduit les investisseurs et a fait de la Chine l’atelier du monde. Cette analyse oublie que les pays d’Europe du Nord se sont donné les moyens de financer leurs États providence et que l’absence totale d’État providence fragilise la société chinoise.

Un Chinois sur dix a plus de 60 ans, il y en aura trois fois plus en 2050. Si, en théorie, un relâchement de la politique de l’enfant unique pourrait freiner cette évolution, cet infléchissement est improbable à moins d’une transformation radicale de la politique chinoise vis-à-vis de la famille comme le montre Isabelle Attané (Au pays des enfants rares, Fayard). Après avoir chuté depuis les années 1950 (cf. graphique), la mortalité infantile a diminué plus lentement en Chine qu’en Corée et la moyenne chinoise masque de fortes disparités : dans les provinces de l’Ouest et du Centre elle est aussi élevée qu’au Maroc. Alors que les citadins ont les moyens de financer leur santé, les ménages ruraux subissent l’iniquité du système de santé qui avait été classé 141e sur 191 en 2000 par l’OMS, alors que la Chine était la 6e puissance mondiale. Le gouvernement a fait de la réforme du système de soin une priorité : 90 % des urbains disposent d’une couverture santé et le 12e plan prévoit de l’élargir à toute la population en 2020. Aujourd’hui, les urbains doivent payer 40 % des frais médicaux mais les soins lourds ou de longue durée sont hors de la portée de la majorité. Pour pallier le manque de ressources publiques, le plan prévoit de transférer une partie de l’assurance maladie aux provinces tout en ouvrant le secteur aux investisseurs privés qui participeront au programme ambitieux d’équipements (1000 hôpitaux de districts par an). Les pouvoirs locaux et les lobbys se sont opposés au système de péréquation entre provinces souhaité par Hu Jintao et Wen Jiabao.

Les déficiences du secteur de la santé ont souvent leur origine dans une mauvaise gouvernance. Selon une étude du Lancet, la mise en application des directives de l’OMS sur le tabac qui coûterait 14 cents par personne permettrait une réduction significative des décès dus à l’abus de consommation, mais elle se heurte au lobby des groupes. Les accidents cardio-vasculaires, les maladies respiratoires et le cancer expliquent 85 % des décès en Chine au lieu de 60 % en moyenne dans le monde, un écart qu’explique la rapidité du vieillissement.

Enjeux prospectifs

Dans La Chute finale, Emmanuel Todd annonçait dès 1976 l’effondrement de l’URSS dont il avait eu l’intuition en analysant l’évolution de la mortalité infantile qui, après avoir diminué, s’était redressée à partir de 1971. Difficiles à falsifier, les statistiques démographiques permettent un meilleur diagnostic que les données économiques. En Chine, les progrès lents de la santé contrastent avec l’essor de l’économie. Cette évolution paradoxale est la conséquence du désengagement de la privatisation de la santé et la décentralisation risque d’aggraver les disparités entre les régions alors que les problèmes soulevés par le vieillissement exigeraient plus de solidarité nationale. Si le diagnostic de la santé ne permet peut être pas de conclure à la « chute finale », il annonce des difficultés qui mobiliseront de plus en plus le gouvernement et pourraient limiter sa capacité d’influence sur le monde.

Un article de notre partenaire:
Lettre confidentielle Asie21-futuribles n°45, novembre 2011 (extrait)
asie21.com

Jean-Raphaël Chaponnière



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