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Complémentaires santé : la nouvelle taxe bouleverse l’équation économique du secteur




Vendredi 5 Décembre 2025


Adoptée par l’Assemblée nationale, la taxe exceptionnelle d’un milliard d’euros sur les complémentaires santé redéfinit les marges, les stratégies tarifaires et la structure concurrentielle du marché assurantiel. Alors que l’État cherche des recettes rapides pour le budget 2026, les mutuelles et assureurs doivent absorber un choc fiscal inédit, sous contrainte d’un gel des prix potentiellement fragile juridiquement. Un casse-tête économique pour l’ensemble de la filière.



Une taxe d’un milliard d’euros qui modifie profondément la dynamique financière du marché

La validation par l’Assemblée nationale de la taxe sur les complémentaires santé transforme mécaniquement la trajectoire économique du secteur pour 2026. En rétablissant la mesure adoptée par le Sénat, les députés ont confirmé l’ajout d’une contribution exceptionnelle d’un rendement estimé à 1 milliard d’euros. Cette ressource s’inscrit dans la stratégie du gouvernement visant à boucler le budget de la Sécurité sociale sans augmenter la fiscalité directe des ménages. Toutefois, cette orientation soulève un enjeu central pour les acteurs : intégrer un prélèvement massif dans un modèle déjà soumis à des marges sous pression, notamment du fait de la hausse continue des dépenses de santé remboursées. « Ce n’est jamais qu’une TVA sur la complémentaire santé. Donc elle sera répercutée aux adhérents », prévient toutefois Eric Chenut, président de la Mutualité Française.

Cette taxe intervient dans un contexte déjà inflationniste pour les contrats. En 2024, les tarifs ont augmenté d’environ 8 %. Le gouvernement utilise cette hausse anticipée comme justification pour la contribution, estimant que les mutuelles avaient intégré dans leurs prix un relèvement du ticket modérateur qui n’a finalement pas eu lieu. Pour les observateurs du marché, cette lecture souligne une tension structurelle : l’asymétrie d’information entre régulateur et assureurs. Elle interroge aussi le positionnement stratégique des opérateurs, alors que la TSA (14 %), les obligations prudentielles et la volatilité du risque médical pèsent déjà lourdement sur leur solvabilité et leur capacité d’investissement.

Tarifs gelés et incertitudes réglementaires : un environnement à haut risque pour les mutuelles

L’adoption d’un amendement visant à geler les tarifs des complémentaires santé en 2026, porté par Jérôme Guedj, change radicalement l’équation du secteur. En imposant un encadrement tarifaire après avoir instauré un nouveau prélèvement, le législateur cherche à empêcher les assureurs de répercuter la taxe sur les assurés. Sur le plan business, ce verrouillage constitue une contrainte inédite : les opérateurs doivent absorber une charge nouvelle tout en maintenant leur politique commerciale et leur rentabilité. Pour certains analystes, cette configuration accroît le risque d’arbitrages défavorables sur l’innovation, la prévention ou certaines garanties coûteuses. Toutefois, la règle comporte un aléa majeur : le rapporteur général Thibault Bazin estime qu’un contrôle du Conseil constitutionnel pourrait invalider la mesure au nom de la liberté contractuelle. 

Cette séquence génère une incertitude stratégique pour les groupes mutualistes, assureurs santé et institutions de prévoyance. Les acteurs dénoncent déjà une fiscalité cumulative jugée « injuste » et « anti-redistributive », pouvant affecter leur capacité à financer les risques les plus lourds. Pour les entreprises du secteur, l’enjeu dépasse 2026 : il s’agit de maintenir un équilibre entre compétitivité, solvabilité et attractivité commerciale dans un marché fragmenté et fortement régulé. Par ailleurs, la combinaison d’une taxe massive et d’un gel potentiel des prix pourrait accroître les écarts entre opérateurs selon leur puissance financière, accélérant la consolidation du secteur. Ainsi, la taxe ne constitue pas seulement une mesure budgétaire : elle agit comme un catalyseur de transformation profonde du marché de la complémentaire santé.


Adélaïde Motte

Dans cet article : complémentaires, mutuelle, santé, taxe



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