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Droits de douane : l’Union européenne et les États-Unis officialisent un cadre tarifaire bilatéral à 15 %




Lundi 28 Juillet 2025


Le 27 juillet 2025, l’Union européenne et les États-Unis ont conclu un accord structurant en matière de politique douanière, destiné à encadrer leurs relations commerciales dans un contexte marqué par la menace de mesures protectionnistes unilatérales. Le texte, rendu public simultanément par la Commission européenne et la Maison-Blanche, fixe un taux de droits de douane uniforme de 15 % sur une série de filières industrielles, avec pour objectif explicite de « prévenir l’escalade tarifaire et garantir la stabilité des échanges transatlantiques », selon les termes employés par Ursula von der Leyen lors de son intervention relayée par Euronews le jour de la signature.



15 % de droits de douane : le scénario le moins pire ?

L’accord ne constitue pas une suppression des barrières tarifaires, mais un mécanisme de plafonnement. Il établit un seuil fixe de taxation, à la fois à l’importation et à l’exportation, pour cinq secteurs à forte intensité technologique ou à haut rendement économique : l’industrie automobile, l’aéronautique civile, les produits pharmaceutiques, les cosmétiques et le secteur du luxe, ainsi que les dispositifs médicaux. Les autorités des deux parties ont confirmé que le secteur agricole, bien que brièvement évoqué lors des discussions préliminaires, ne fait pas partie du périmètre retenu. Il est expressément exclu de l’accord, conformément aux exigences formulées par plusieurs États membres, dont la France, au sein du Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne, réuni le 14 juillet à Bruxelles.

Le dispositif entrera en vigueur le 15 août 2025. Il prévoit un taux de droits de douane de 15 % appliqué sur les flux bilatéraux dans les filières concernées, sans distinction d’origine. Les modalités de mise en œuvre intègrent une clause de flexibilité autorisant un ajustement du taux dans une fourchette de plus ou moins cinq points, soit entre 10 % et 20 %, en cas de déséquilibres commerciaux avérés. Cet ajustement ne peut être déclenché qu’après évaluation conjointe d’un comité bilatéral ad hoc, coprésidé par la Direction générale du commerce de la Commission européenne et le Bureau du représentant américain au commerce (USTR). Ce comité, présenté par les deux parties comme un organe technique de supervision, sera chargé de produire un rapport semestriel mesurant les effets réels du dispositif sur les flux commerciaux, les prix à la consommation et la compétitivité des entreprises exportatrices.

Les Américains sont inquiets...

L’accord comprend également une clause de sauvegarde permettant à chaque partie de suspendre temporairement l’application du tarif standard dans l’hypothèse d’un préjudice sectoriel grave. Cette disposition, activable unilatéralement sous réserve d’un préavis formel, reste limitée à une durée de 90 jours renouvelable une fois. Selon NBC News et Reuters, cette clause répond à une demande récurrente de certains groupes industriels américains inquiets des conséquences d’une taxation fixe sur des produits à faible élasticité-prix.

La genèse de cet accord s’inscrit dans un climat de tension croissante entre les deux blocs. Début juillet, l’administration américaine avait évoqué la possibilité d’instaurer des droits de douane pouvant atteindre 50 % sur certaines importations européennes, notamment les véhicules haut de gamme fabriqués en Allemagne et en France. Cette déclaration avait suscité une réaction immédiate de la Commission européenne, qui a rapidement proposé un mécanisme d’encadrement tarifaire visant à désamorcer le conflit. D’après CNN, l’exécutif américain a accepté cette approche dès lors qu’elle permettait de préserver un niveau minimal de protection pour l’industrie nationale sans recourir à des hausses tarifaires ciblées. 

… les Européens aussi

Pour les entreprises européennes, et en particulier françaises, cet accord implique une révision immédiate des modèles de calcul de rentabilité sur les marchés nord-américains. Selon Le Figaro, plusieurs groupes du CAC 40, notamment dans les secteurs du luxe et de la pharmacie, anticipent une baisse de leurs marges sur le segment export, dans une fourchette allant de 2 % à 6 % selon les produits. Le maintien d’un taux forfaitaire, même modéré, contraint les exportateurs à renégocier certains contrats de distribution, à intégrer les droits dans leurs prix de vente, ou à envisager une relocalisation partielle de leur chaîne de valeur vers des zones franches ou des pays tiers disposant d’accords douaniers distincts avec les États-Unis.

L’approche retenue par les deux parties marque un changement d’équilibre dans la gouvernance commerciale internationale. En optant pour un cadre tarifaire bilatéral, l’Union européenne et les États-Unis reconnaissent implicitement la fragilisation des mécanismes multilatéraux portés par l’Organisation mondiale du commerce. La création du comité de supervision tarifaire traduit cette volonté de revenir à une logique de gestion conjointe des différends, en dehors des structures de régulation globales.

 

Paolo Garoscio




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