Carnets du Business


           

Entreprises familiales : le prix Léonard de Vinci expliqué par François Saint Bris




Lundi 22 Septembre 2014


François Saint Bris, co-fondateur du prix Leonard de Vinci avec l’association les Hénokiens, revient pour Carnets du Business sur ses modalités d'attribution au Château du Clos Luce. Récompensant des sociétés familiales atypiques, ce prix est aussi l'occasion de mettre en avant un modèle d'entreprises et de gouvernance.



Le Château du Clos Lucé et l’Association les Hénokiens décernent chaque année le « Prix Léonard de Vinci », dont le lauréat 2013 est l’entreprise Daher. Parlez-nous de ce prix.

Le Prix Léonard de Vinci a été créé à l’initiative du château du Clos Lucé, entreprise culturelle et dernière demeure de Léonard de Vinci, et de l’association des Hénokiens, qui regroupe des entreprises familiales internationales bicentenaires. Le Château du Clos Lucé appartient à la même famille depuis sept générations.

Avec les Hénokiens, nous nous sommes rejoints autour de ce projet en raison d’une tradition commune de transmission d’un patrimoine immatériel et vivant, qui pour nous est un gage indispensable de succès et de pérennité. Ce patrimoine s’exprime dans la fidélité des entreprises que nous sélectionnons à leurs traditions, à leur métier, à leurs produits ou leurs causes dans le cas d’entreprises de services, à leur mission et, avant tout, à une histoire de famille. La raison d’être du Prix Léonard de Vinci est de récompenser une entreprise familiale ayant fait sienne ces valeurs depuis sa création.

Ces valeurs fondamentales que nous partageons sont pour nous nécessaires à la réussite d’une entreprise patrimoniale qui s’inscrit dans la durée. Ces valeurs liées à l’histoire et la tradition, à l’entreprise et la famille, à la fidélité et l’engagement, à la mémoire et la transmission, et enfin à l’innovation et la modernité constituent en quelque sorte un prérequis. Ces entreprises doivent également s’inscrire dans leur temps et utiliser notamment l’innovation comme modèle de changement et levier de croissance.

Les entreprises familiales ne sont pas forcément de grandes entreprises. Comment expliquer leur longévité, tandis que la plupart des analystes adhèrent à l’adage « grandir ou mourir » ?

Le panel et le nombre des entreprises familiales sont en effet très larges, de la TPE à l’ETI. On a tendance à l’ignorer, en mettant toujours en avant les entreprises du CAC40, mais le tissu économique substantiel représenté par les TPE et PME familiales est absolument nécessaire au développement économique de notre pays. Ces entreprises sont généralement profondément ancrées dans leur territoire, tout en créant de l’emploi stable et durable. Elles partagent une vision prudente et de long terme pour leurs activités, avec une volonté de transmettre leur savoir-faire. Les entreprises familiales partagent également un certain nombre de valeurs culturelles et humanistes. Ces entreprises inscrivent leurs visions, leurs missions et leurs stratégies dans le temps. Le temps est la matière première de l’entrepreneur familial. Les entreprises uniquement dépendantes d’autres critères comme la rentabilité immédiate, les cours des bourses, la satisfaction des actionnaires, fonctionnent selon des paramètres différents. Or, avec le recul procuré par l’antériorité, les entreprises familiales disposent d’un avantage compétitif indéniable.

De façon générale, les entreprises familiales créent davantage d’emplois et de valeur ajoutée que les autres. Doit-on y voir la conséquence d’un modèle de gouvernance particulier ?

La gouvernance est la clef de voûte de la cohésion des entreprises familiales, en plus d’une mission claire et comprise par tous les collaborateurs, et d’une stratégie partagée et mise en œuvre de haut en bas. Les règles de gouvernance qui régissent l’entreprise se doivent d’être transparentes et d’associer toutes les parties prenantes. Cet ensemble permet de gagner du temps productif pour se consacrer uniquement au développement opérationnel de l’entreprise et au développement personnel et professionnel des collaborateurs. La philosophie familiale et les valeurs culturelles et humanistes de ces entreprises se déclinent très concrètement au niveau du management, en mettant l’homme au cœur de l’entreprise. C’est un des moteurs de leur dynamisme, parce que l’entreprise familiale, en tant qu’aventure humaine partagée, a des devoirs envers ses collaborateurs. 

En revanche, ces entreprises familiales ne constituent que 30% des ETI françaises. Avez-vous identifié des freins au développement du capitalisme familial dans notre pays ?

Le fameux « plafond de verre » est en effet un thème récurrent et handicapant en France, notamment par rapport à nos voisins que sont l’Allemagne et l’Italie. Nous semblons avoir du mal en France à faire émerger des ETI familiales, et même des ETI tout court. Dans notre pays, les entreprises familiales en particulier sont pénalisées au cours de leur vie et particulièrement au moment de leur transmission en raison d’une fiscalité confiscatoire. Des entreprises performantes, créatrices de richesses et d’emploi, porteuses de valeurs et promises à un développement brillant sont ainsi menacées. Combien de vignobles familiaux sont ainsi vendus en France au moment des successions ? Les droits de succession ont atteint un tel niveau que souvent, la propre famille ou les héritiers ne peuvent pas reprendre l’entreprise. C’est un véritable problème législatif en France, et tant que cette difficulté ne sera pas levée, nous allons brider l’énergie de ces patrons-entrepreneurs familiaux qui prennent des risques et souhaiteraient transmettre à leur famille le fruit du travail d’une vie, sans compter l’enjeu de la pérennité de l’emploi de leurs salariés.

La Rédaction




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