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Éthique financière : l’Australie s'oriente vers une réponse judiciaire




Lundi 5 Novembre 2012


Début novembre 2012, le tribunal fédéral australien prenait une décision inattendue : celle de condamner une agence de notation pour sa responsabilité dans les déboires financiers subis par certaines collectivités locales à l’issue de la crise de 2008. Une décision qui a de grandes chances de faire jurisprudence, d’autant plus que la justice australienne a fait auparavant preuve d’une grande sévérité sur les questions d’éthique et de responsabilité financière.



Siège du Tribunal fédéral d'Australie à Melbourne
Siège du Tribunal fédéral d'Australie à Melbourne
Le lundi 5 novembre 2012, Standard & Poor’s se voyait condamnée par la justice australienne à payer des dommages et intérêts à 13 collectivités locales du pays. Ces collectivités locales avaient en effet perdu plusieurs millions de dollars à l’issue de la crise de 2008 après avoir investi dans des titres qui se sont révélés être toxiques.
 
Ces titres, baptisés Rembrandt, ont été émis par la banque néerlandaise ABN-AMRO en 2006. Ils furent par ailleurs systématiquement estampillés d’un triple A par l’agence de notation Standard & Poor’s. Mais les collectivités australiennes ayant investi dans ces valeurs ont ainsi perdu 90 % de leur mise de départ. Pour les collectivités, la perte s’élève à quelque 16 millions de dollars australiens.
 
Porté à l’examen du tribunal fédéral australien, le travail de notation de S&P a finalement été jugé trompeur, et l’agence condamnée à verser des dommages et intérêts aux collectivités locales concernées dans l’État de Nouvelles-Galles du Sud. Un tiers des dommages doivent ainsi être remboursés par S&P, les deux tiers restants ayant été attribués à la banque ABN-AMRO et les services d’investissement du gouvernement local de Nouvelles-Galles du Sud.
 
Cette décision constitue un précédent inédit en matière de sanction des acteurs financiers. Il s’agit en effet du premier exemple de procès perdu par une agence de notation et concernant les méthodes d’évaluation de produits dérivés financiers. La justice australienne a ici pris une position ferme en considérant que tous les acteurs du marché, des banques aux services administratifs ayant réalisé les investissements, étaient responsables des pertes financières occasionnées par les collectivités. La négligence des institutions et les recommandations trompeuses qui en ont découlé ont ainsi été reconnues comme le principal critère d’inculpation sur ce dossier.
 
En Australie, cette décision de justice fait écho à un autre procès conclu peu de temps auparavant par le tribunal fédéral. Fin septembre 2012, c’était au tour de la filiale australienne de la banque Lehman Brothers d’être sévèrement épinglé. Le tribunal avait en effet donné raison à 72 plaignants qui avaient contracté les fameux CDO (obligations adossées à des actifs) de la banque aujourd’hui disparue. La filiale avait ainsi été condamnée à verser plusieurs millions de dommages et intérêts aux plaignants et le sérieux de ses conseils prodigués à ses clients avait été sérieusement remis en question.
 
Avec ces décisions successives, l’Australie semble confirmer son intransigeance à l’égard des dérives financières. Le message est ainsi clair : toute pratique douteuse peut faire l’objet d’une condamnation par négligence et l’argument – d’ailleurs présenté par S&P au moment de son procès – qui voudrait qu’une banque, une agence ou un investisseur public n’ait pas eu connaissance des risques n’est pas recevable. En Australie, mais possiblement aussi ailleurs dans le monde, ces décisions de justice feront jurisprudence et établiront à n’en pas douter la nature et l’étendue des responsabilités des professionnels de la finance.






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