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Les chantiers navals français sont-ils en danger ?




Lundi 13 Mai 2013


Autrefois Chantiers de l’Atlantique, STX France est aujourd’hui au cœur de l’actualité. Rachetés en 2008 par le coréen STX, les sites de Saint-Nazaire et de Lorient pourraient être prochainement revendus. Une situation conséquente à l’endettement du groupe STX Corp qui détient via STX Europe, les deux chantiers navals français.



La trajectoire du groupe en France depuis 2008 : une peine à assurer le remplissage du carnet de commandes

Chantiers de Saint Nazaire - Crédit Photo : KaTeznik
Chantiers de Saint Nazaire - Crédit Photo : KaTeznik
C’est en août 2008 que les chantiers navals sont rachetés par le sud-coréen STX (via l’acquisition de 75%, du norvégien Aker Yards). Le gouvernement qui souhaite préserver un secteur stratégique rentre à 33% dans le capital de STX France, disposant alors d’une minorité de blocage. Le groupe STX s’engage quant à lui, à préserver la construction des paquebots en France, continuant celle des navires utilitaires en Corée.
 
L’année 2009 consacre l’effondrement du chiffre d’affaires puisque depuis 2007 aucune commande de navire civil n’a été effectuée. Même s’il reste à l’époque la livraison de deux paquebots pour les compagnies norvégienne NCL et italienne MSC (2010), ainsi que d’un bâtiment pour la Marine nationale (2011). En novembre 2009 alors les effectifs de Saint-Nazaire comptaient 3 000 personnes, la direction du chantier naval fait part d’un plan de départs volontaires de 351 personnes. C’est ainsi que 14% du personnel est amputé.
 
Toutefois en 2010 les carnets de commandes se remplissent à nouveau. Deux contrats civils sont conclus avec l’italien MSC et l’allemand Hpag Lloyd-Cruises (en 2011), cette dernière pour un paquebot de luxe. En plus de cela, deux porte-hélicoptères Mistral (1,37 milliard d’euros) sont assemblés dans les cales des chantiers, à la suite d’un accord avec la Russie.
 
La production se diversifie en 2011 afin de lutter contre la faiblesse des commandes et se positionne sur la construction d’éoliennes maritimes. A cette fin, le groupe coréen noue un partenariat avec DCNS et Areva. En 2012 un contrat est signé en vue de la construction d’une station électrique pour une ferme éolienne en mer du Nord. Si les nouvelles activités liées au domaine maritime semblent viables à long terme, elles ne demeurent que trop sporadiques et ne représentent que de faibles chantiers dans l’immédiat. Ces projets peinent à maintenir un taux élevé de mobilisation du personnel sur les travaux dédiés.
 
Coup dur en avril 2012, une commande de deux bâtiments est annulée. L’armateur, norvégien, se reporte sur un chantier italien pour la construction qui aurait dû être terminée en 2014 et 2015. Le carnet de commandes se vide alors un plus… Mais en décembre de la même année, un contrat de plus d’un milliard d’euros est gagné par STX France. Cela faisait deux ans que le chantier n’avait pas obtenu de commande concrète d’un navire. La livraison du paquebot de luxe pour la compagnie de croisière américaine, Royal Caribbean International (numéro deux mondial des croisières) devrait être honorée en 2016. Un second paquebot pourrait en outre être construit, sur une offre de la même société.
 
Aujourd’hui le groupe STX, qui a demandé à ses créanciers un étalement du remboursement de ses dettes par ailleurs estimées à 911 millions d’euros, réclame un apport de liquidités afin de poursuivre son activité. STX Offrshore & Shipbuilding souhaiterait alors céder plusieurs chantiers navals, ceux de Saint-Nazaire et de Lorient-Lanester en France, mais aussi Rauma et Turku en Finlande et Dalian en Chine.

L’État actionnaire à 33,3% de STX France

L’État français, par le biais du Fonds d’Investissement Stratégique (FSI), est actionnaire à 33,3% de STX France. Dans cette position il doit être informé de toute décision visant une cession ou une acquisition quelconque. Or, le groupe coréen qui détient environ 60% du capital de STX France n’a donné aucune information officielle à ce sujet. Néanmoins la perspective d’une vente des chantiers français provoque l’inquiétude du personnel et des syndicats. Aussi, le gouvernement rassure-t-il dans un communiqué commun entre le ministère de l’Économie et des Finances et le ministère du Redressement productif : « La situation économique et le financement des chantiers de Saint Nazaire ne sont […] pas en cause dans le développement de la situation du groupe STX. » Par ailleurs « [l’]activité de Saint Nazaire n'est donc aucunement menacée par les événements de Corée ». Le gouvernement conclut alors que « STX France a pleinement consolidé son activité ces derniers mois, grâce à d'importants contrats remportés, en particulier à l'export ».
 
Pour autant, il n’y a pour l’heure qu’une commande effective, certes d’un milliard d’euros, au chantier de Saint-Nazaire, et de trois patrouilleurs à celui de Lorient. Ce qui équivaudrait à une année sans avoir à s’inquiéter pour le futur. Mais ensuite ? Les chantiers resteront-ils pérennes ? Si l’on se réfère aux cinq années de vache maigre qu’ont connus les chantiers navals français, rien n’est moins sûr ! D’autant plus qu’un éventuel rachat ne se fera pas en un jour, et que le futur actionnaire devra être prêt à fournir les capacités et la volonté d’investir dans le secteur maritime. En outre, une compagnie comme l’italien Fincantieri serait-elle bénéfique à la reprise de STX France ? Une telle compagnie pourrait participer au développement du site, mais il n’est toutefois pas exclu qu’un concurrent européen, comme l’est justement Fincantieri, profite des difficultés de STX pour entrer dans le capital de la filiale France, et ne cherche à récupérer qu’un savoir-faire. Enfin, il est tout aussi possible qu’aucun acquéreur potentiel ne soit en mesure de reprendre les chantiers navals.
 
Une solution pourrait être celle de renforcer la diversification des activités comme cela a été fait en 2011, et pourquoi pas, de se concentrer sur le segment des activités éoliennes, ou sur un segment qui promeut une utilisation novatrice de la mer.
 
Quant à la nationalisation des chantiers souhaités par une partie des syndicats, Arnaud Montebourg répond à juste titre au sujet de STX France : « nationaliser sans commandes ne servirait à rien ». Il est nécessaire de trouver avant toute chose une perspective positive de développement viable !
 
Au vu des éléments récents, il est évident que le secteur des constructions navales est une activité stratégique que la France perdrait à délaisser. Par ailleurs, d’autres types d’activité maritimes que celles dites « classiques » peuvent représenter une alternative qui à terme paraît viable, surtout si l’on prend en compte le taux d’encombrement des terres. L’avenir est dans la mer, immensité que nous ne connaissons au final que très peu, puisque nous nous contentons de naviguer sur sa surface, même si nous osons parfois, quelques expéditions en s’engouffrant dans ses abysses. Pourtant, nous comprenons tout juste le fonctionnement de l’écosystème maritime complexe, relié en chaque point de la Terre, du Nord au Sud, d’Est en Ouest. Les contrées marines et sous-marines recèlent de ressources ; abandonner des savoir-faire permettant d’en tirer parti serait pour la France un échec stratégique à n’en pas douter.




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