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Nutri-Score : un rejet parlementaire qui redistribue les cartes pour l’agroalimentaire




Jeudi 4 Décembre 2025


Le refus par l’Assemblée nationale de généraliser le Nutri-Score bouleverse les anticipations des industriels. Cette décision, inattendue et serrée, met fin à un cadre réglementaire qui devait structurer les stratégies nutritionnelles, les reformulations et les arbitrages financiers des entreprises du secteur.



Une réforme avortée qui bouleverse les plans de transformation des entreprises

En première lecture, la généralisation du Nutri-Score apparaissait comme un futur standard national. Les industriels avaient intégré ce scénario dans leurs feuilles de route, anticipant une obligation d’affichage assortie d'exceptions pour les produits sous AOC, AOP ou Label Rouge. Le dispositif devait réduire les asymétries d’information et accélérer les reformulations. L’effet incitatif avait déjà commencé : « une céréale très célèbre […] a changé la recette […] pour qu’elles soient moins sucrées et moins grasses », rappelait le sénateur Bernard Jomier. Pour plusieurs groupes, cette future obligation constituait un levier pour repositionner des références vieillissantes et ajuster des gammes en perte de compétitivité.

Le rejet du texte vient interrompre cette dynamique et rebat les équilibres de marché. La taxe prévue en cas de non-affichage — 5 % du chiffre d’affaires hors taxes — était perçue comme un instrument puissant, mais aussi comme une contrainte budgétaire lourde pour les entreprises à faible marge. Les acteurs les mieux préparés voyaient dans cette obligation une opportunité de renforcer leur avantage comparatif, quand d’autres redoutaient une pression financière supplémentaire. Le retrait de la réforme suspend ces mouvements, introduisant une incertitude stratégique qui pourrait retarder certains programmes d’innovation et de reformulation.

Un signal politique fort qui modifie les rapports de force dans la chaîne de valeur

Le Sénat avait donné le ton en rejetant la mesure dès le 21 novembre par 212 voix contre 117, mettant en avant un manque de concertation. « L’article a été introduit […] sans concertation avec les branches, et n’a pas été discuté avec les entreprises », dénonçait la sénatrice LR Frédérique Puissat. Le vote du 4 décembre à l’Assemblée — 120 voix contre 117 — confirme un mouvement politique de défiance envers une régulation perçue comme trop brutale. Pour les entreprises, ce signal institutionnel marque un infléchissement dans la manière dont l’État entend réguler le marché alimentaire. Il souligne également l’importance du dialogue sectoriel dans les futures politiques nutritionnelles.

Cette décision reflète aussi les préoccupations des territoires et des filières sous appellation, dont le poids politique reste structurant dans les arbitrages nationaux. Elle redonne une marge de manœuvre aux entreprises qui avaient exprimé leur inquiétude face au risque de distorsion réglementaire. Mais elle laisse en suspens la question plus large de la stratégie française en matière d’affichage nutritionnel, enjeu de compétitivité et de réputation sur les marchés européens. À court terme, les industriels devront composer avec une réglementation incertaine ; à moyen terme, la question d’un nouveau texte plus concerté pourrait renaître, cette fois avec un équilibre plus favorable aux impératifs business.

Adélaïde Motte

Dans cet article : agroalimentaire



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