Une vague de défaillances qui frappe tous les secteurs
Le lien est direct entre les difficultés économiques et ces pertes d’emplois massives. L’association GSC, qui assure les entrepreneurs volontaires, et Altares soulignent que « la courbe du nombre de patrons qui ont perdu leur emploi suit logiquement celle des défaillances d’entreprises ». Au premier trimestre 2025, 17 845 procédures collectives ont été ouvertes, en hausse de 4,4 % sur un an. Sur les trois mois suivants, l’Urssaf a recensé 4 279 redressements judiciaires et 11.851 liquidations, des chiffres en progression de près de 4 %.
Ces fermetures concernent d’abord les petites structures. Huit patrons sur dix touchés dirigeaient une entreprise de moins de cinq salariés. Mais les signaux récents montrent que des sociétés plus établies commencent aussi à tomber. « Nous observons une évolution du profil des dirigeants concernés : des structures plus établies, comptant davantage de salariés », a alerté Hervé Kermarrec, président de l’association GSC.
Le commerce et la construction sont les secteurs les plus exposés. Plus d’une perte d’emploi sur deux concerne ces branches. Et certaines régions, comme la Nouvelle-Aquitaine, enregistrent même des hausses spectaculaires, avec +18 % de patrons touchés.
Des patrons de plus en plus fragiles
Les chiffres globaux traduisent une réalité sociale lourde. « Le premier semestre 2025 a confirmé nos inquiétudes exprimées en début d’année », a expliqué Thierry Millon, directeur des études d’Altares. « Cette situation de risque pèse lourdement sur les épaules des entrepreneurs amenés à devoir faire sans cesse des arbitrages professionnels et personnels parfois douloureux ».
L’âge médian des dirigeants touchés est de 46 ans. Une génération qui se trouve souvent au cœur de responsabilités familiales et financières. « Quand on a construit sa vie, que l’on a des enfants qui font leurs études, un logement à rembourser, cela peut parfois conduire à des situations catastrophiques », alerte Hervé Kermarrec. Selon l’association GSC, les plus de 60 ans sont paradoxalement les plus touchés depuis le début de l’année.
À cela s’ajoute une réalité structurelle : les chefs d’entreprise ne bénéficient pas de l’assurance-chômage des salariés. Ceux qui n’ont pas souscrit à une couverture volontaire se retrouvent sans filet. Philippe Fourquet, président de l’association 60.000 rebonds, constate : « La majorité de ceux qui se retrouvent sans emploi n’a rien en termes de couverture chômage volontaire une fois qu’ils ont mis la clé sous la porte ». Son association a déjà accompagné 1 376 dirigeants sur le premier semestre 2025, soit une hausse de 30 % par rapport à l’an dernier.
Témoignages d’une crise qui s’enracine
Derrière les statistiques, il y a des histoires humaines. Émilie, commerçante bordelaise, a dû fermer sa boutique de mobilier après dix ans d’activité. « Ma boutique ne ressemble plus à une boutique. Ça ressemble à un lieu qui se vide », confiait-elle à RMC le 27 août 2025. Épuisée par les difficultés, les impayés et le stress, elle a fini par rendre ses clés, avec trois salariés derrière elle.
Certaines trajectoires sont marquées par la résilience. Laure Bignon, ancienne dirigeante dans les luminaires, a connu deux fins de mandat social en sept ans. Mais elle avait anticipé avec une assurance chômage volontaire. « Je ne me serai jamais lancée dans ces aventures sans une couverture, sachant que de nombreux facteurs extérieurs jouent sur la santé de l’entreprise », expliquait-elle. À 57 ans, elle envisage désormais le conseil en management de transition, refusant de quitter le monde entrepreneurial.
Pour Hervé Kermarrec, le ralentissement constaté ne doit pas tromper : « Attention aux faux-semblants. Ce ralentissement ne doit pas occulter la tension ambiante du tissu entrepreneurial ». Les hausses des droits de douane américains, la baisse de la confiance des ménages et un climat politique incertain n’arrangent rien. Le président de la GSC appelle à « alléger les charges des entreprises » pour enrayer cette spirale.