Carmat en redressement judiciaire : un échec chiffré
Le 7 juillet 2025, Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, a annoncé que la banque publique d’investissement se retirait du projet Carmat. Ce désengagement est total : plus de soutien financier, plus d’accompagnement. Et surtout, plus de réserve : « C’est malheureux, mais Carmat, on n’y a jamais cru », a-t-il déclaré sur BFM Business.
En clair, la banque publique reconnaît un mauvais placement. Elle avait pourtant investi plusieurs dizaines de millions d’euros dans la société via sa filiale CorNovum. Mais aujourd’hui, elle acte la fin d’un engagement qui n’a jamais convaincu en interne. La raison ? « Le cœur est trop gros, la taille du marché a été surestimée », résume Dufourcq.
Fin juin 2025, Carmat s’est déclarée en cessation de paiements. Elle demandait l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, accordée début juillet 2025 par le tribunal de commerce de Versailles. L’entreprise, créée en 2008, a consommé environ 550 millions d’euros depuis ses débuts. Mais elle n’a jamais atteint la rentabilité.
En 2024, Carmat affichait une perte nette de 51,4 millions d’euros, contre 53,9 millions un an plus tôt. Le chiffre d’affaires du dernier trimestre ? 7 millions d’euros. Trop faible pour soutenir une technologie aussi lourde à produire et à maintenir.
Les finances ne suivaient plus. Une campagne de dons, lancée au printemps, visait à lever 35 millions d’euros. L’objectif court terme était de réunir 8 millions d’euros avant fin juillet 2025. En vain. Ni les particuliers, ni les entreprises, ni les pouvoirs publics n’ont répondu.
Un cas d’école sur les limites de l’investissement public dans la deeptech
Le produit phare de Carmat, le cœur artificiel Aeson, s’adresse aux patients en insuffisance cardiaque terminale, en attente de greffe. Mais le marché est restreint, complexe, et les coûts de fabrication restent très élevés.
Entre 2021 et 2022, Carmat a dû suspendre ses implantations après deux décès liés à des problèmes techniques. Depuis, la reprise s’est faite lentement, avec peu de commandes, et une méfiance persistante des partenaires hospitaliers.
Le cas Carmat soulève une question que beaucoup évitent : jusqu’où les investisseurs publics doivent-ils aller dans le soutien aux innovations de rupture, quand les perspectives commerciales sont faibles ou incertaines ?
Dufourcq est clair : « Cela permet de dire quel est notre métier. C’est aussi beaucoup de dire ‘non’ même quand c’est super sympa. » Une manière de refermer le dossier sans détour.
À ce jour, Carmat affirme vouloir continuer à « explorer toutes les options qui permettraient la poursuite de ses activités ». En parallèle, elle s’efforce de garantir le suivi des 122 patients déjà équipés du cœur Aeson.Mais sans levée de fonds, sans repreneur industriel, et sans soutien public, le temps joue contre elle. Le pari Carmat, autrefois fleuron de l’innovation médicale française, semble désormais perdu.