Saint-Gobain mise tout sur le vert pour bâtir son avenir

Le groupe ne se contente pas de modifier son mix énergétique : il repense en profondeur son outil de production. À Forssa, en plus de l'utilisation massive de biogaz, Saint-Gobain a investi un demi-million d’euros dans une nouvelle infrastructure technique permettant une montée en puissance progressive de l’usine. Selon Juha Strandberg, directeur de production d’Isover Finlande, «  l’équipement fonctionnera à plein régime d’ici à la fin de l’année au plus tard  », après les dernières inspections prévues pour juin 2025, d'après Challenges.

La logique industrielle adoptée repose aussi sur la modernisation des lignes existantes plutôt que la construction d’usines neuves, permettant une adaptation rapide aux contraintes de la transition écologique. L’usine britannique de Melton Mowbray, qui doit produire dès 2027 quelque 50 000 tonnes de laine de roche bas carbone grâce à un four électrique alimenté par des énergies renouvelables, illustre cette orientation. En Espagne, 40 millions d’euros ont été engagés pour verdir le site d’Azuqueca, avec une mise en service prévue au premier semestre 2026, toujours selon des propos rapportés par Challenges.

La nouvelle stratégie verte de Saint-Gobain n’est pas sans répercussions économiques. Si le groupe a dégagé 46,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, son résultat net a accusé un recul de 11 % en raison de la conjoncture immobilière défavorable en Europe. Pourtant, cette baisse n’a pas empêché Saint-Gobain de préserver une rentabilité opérationnelle inédite de 11 %, preuve d’une résilience certaine malgré la lourdeur des investissements verts, comme l'avait constaté Le Monde.

Le pari est donc clair : accepter un impact à court terme sur les marges pour sécuriser une domination mondiale dans un secteur en pleine transformation écologique. Pour y parvenir, Saint-Gobain s’appuie aussi sur sa stratégie de différenciation produit. Les matériaux à faible émission de carbone sont vendus à des prix « premium », renforçant la profitabilité à long terme. Le directeur général Europe du Nord Patrick Dupin l’a rappelé : « Nous développons des solutions qui répondent aux trois défis majeurs mondiaux, à savoir l’accélération de l’urbanisation, le réchauffement climatique et la raréfaction des ressources naturelles » (Challenges, 3 juin 2025).

Lancé en 2021, le plan quinquennal « Grow & Impact » touche à sa fin. L’assemblée générale du 5 juin 2025 a marqué un tournant, avec la présentation par Benoit Bazin d’une nouvelle feuille de route pour maintenir le cap vers la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les contours précis de cette nouvelle stratégie n’ont pas encore été publiés, mais les orientations sont claires : poursuite des cessions et acquisitions ciblées, investissements croissants dans l’efficacité énergétique et priorité donnée aux marchés en croissance rapide.

Au final, le modèle Saint-Gobain version 2025 repose sur un triptyque stratégique : transformation industrielle, montée en gamme produit, et recentrage géographique. Le pari est audacieux mais méthodique, et s’appuie sur une exécution rigoureuse pilotée par des indicateurs chiffrés précis.