Carnets du Business


           

Stratégie de croissance du groupe Casino : entre proximité et développement international




Jeudi 11 Juillet 2013


Mercredi 10 juillet 2013, l’Autorité de la concurrence a annoncé sa décision au sujet de la prise de contrôle totale de Monoprix par Casino. L’examen de la situation était en cours depuis le mois de mars dernier, après que Casino et Galeries Lafayette (possédant tous deux 50 % du capital de Monoprix) se soient entendus sur un accord visant à céder la totalité du capital au groupe Casino.



Un accord sur fond de contrôle de la concurrence

Crédit photo : Linsensuppe
Crédit photo : Linsensuppe
Pour Casino Guichard Perrachon, la prise de contrôle des 50 % que détenaient les Galeries Lafayette était une étape dans le renforcement de sa stratégie de positionnement sur le marché des commerces de proximité. Avec 1,175 milliard d’euros, cette acquisition était remise en cause de la position dans laquelle elle plaçait l’enseigne de distribution, l’enjeu étant la situation à Paris intramuros. Mais pourquoi tant de méfiance sur cette cession alors que Casino possédait déjà, avec sa participation dans Monoprix, 61,7 % des parts de marché en surface de vente, le principal concurrent qu’est Carrefour étant quatre fois moins important (12,5 %)(1)? C’est l’Autorité de la concurrence qui elle-même nous fournit la réponse dans le communiqué de presse accompagnant sa décision : « Même si Casino détient déjà le contrôle conjoint de Monoprix, l'Autorité considère que le retrait de Galeries Lafayette du capital conduit à une modification de la situation concurrentielle, dans la mesure où Casino peut désormais définir la politique de prix de Monoprix en toute autonomie »(2). Ainsi, devant la prise de contrôle total de Monoprix, l’Autorité craignait une situation de quasi-monopole sur les surfaces présentes à Paris, argumentant que cette situation pourrait engendrer des aspects négatifs pour le consommateur, ce qu’il fallait rétablir par une « injonction de cessions de magasins », qui permettrait d’accroitre « rapidement la pression concurrentielle sur les opérateurs et modifierait ainsi leurs comportements de prix ou d'assortiment dans le sens souhaité par les consommateurs »(3).
 
C’est pourquoi l’Autorité a acté la prise de possession de Monoprix dans son entièreté par Casino, tout en énonçant des mesures permettant d’abaisser la pression concurrentielle qu’impose le groupe originaire de Saint-Etienne. Ainsi, « Casino s'est engagé à céder des surfaces de vente dans les zones concernées de façon à ce que des conditions équilibrées de concurrence y soient restaurées […] ». Il s’engage alors « à céder 55 points de vente à Paris et 3 magasins de province (ou, le cas échéant, résilier les contrats d'affiliation) »(4). Cette décision permet de maintenir, selon l’Autorité de la concurrence, une « situation concurrentielle équilibrée en limitant la position de Casino à une surface qui n'excède pas 50 % de parts de marché ou en supprimant l'addition de parts de marché engendrée par l'acquisition de Monoprix »(5). En outre, les surfaces cédées ne pourront être sous influence directe ou indirecte du groupe pour une durée de dix ans.

Une stratégie visant la proximité

Cette décision souligne en réalité la stratégie du groupe Casino qui vise à élargir le nombre de ses surfaces de vente en centre-ville et à renforcer sa présence sur la « consommation de proximité ». Avec le rachat à 100 % de l’enseigne Monoprix, Casino dispose d’une marque de la grande distribution très présente en ville qui dégage une marge de 6,1 %. Un très bon résultat au vu de ceux des concurrents. Aussi, Monoprix qui demeure une marque dont le positionnement prix se situe dans le milieu-haut de gamme, devrait renforcer sa montée en gamme tout en gardant une continuité dans la ligne de prix moyen. Séduire les citadins fortunés et les touristes, avec des produits de luxe, voilà l’idée phare. Pour compléter la stratégie, le magasin présent aux Champs-Élysées devrait voir sa surface doublée d’ici 2015. Un renforcement de la position du groupe Casino sur le marché français, qui s’il est en pleine expansion à l’international, tend à baisser dans l’hexagone avec un recul de 0,8 % à 8,6 % en 2012.

Casino, un groupe qui joue sur plusieurs tableaux

Son implantation en France avec le rachat dans sa totalité de Monoprix n’est qu’une facette de la stratégie globale du groupe. Casino souhaite s’étendre sur les axes les plus empruntés de France : les autoroutes et les gares. Il est ainsi prévu sur l’ouverture de 40 magasins en 2013 et de 50 en 2014, de consacrer une part de ces implantations aux enseignes Monop’station. Pour l’instant, il n’en existe qu’une, présente sur l’A89.
 
Mais la force de Casino est aussi sa présence à l’international. Puisque le groupe a réalisé une croissance de 8,5 % de son chiffre d’affaires et de 14,2 % de son résultat opérationnel à l’étranger. L’activité internationale, centrée sur les pays émergents, représente alors plus de 40 % du résultat opérationnel. Implanté dans des pays comme l’Argentine, la Colombie, la Thaïlande et le Vietnam, le groupe est aussi présent en Afrique où il dispose de 28 supermarchés (sans la marque Monoprix aussi présente). Sa stratégie est basée sur le concept de la franchise, ce qui lui permet de s’adapter aux conditions locales. Par exemple, le groupe Mercure International exploite des franchises au Congo, au Sénégal, au Gabon et au Cameroun et le groupe Mabrouk en Tunisie (qui exploite 72 Monoprix). Indubitablement orientée vers l’international, l’activité du groupe en est aussi sensible. Cette sensibilité est pour l’heure positive si l’on regarde les résultats du groupe, qui s’opposent à ceux de Carrefour qui peine à reconfigurer la stratégie de son système de distribution encore il y a peu, très tourné vers les grandes surfaces et ce, malgré l’introduction des concepts Carrefour Market, Carrefour City et Carrefour Planet.
 
Casino présente ainsi d’excellents résultats à l’international et en France, où il souhaite s’intégrer davantage. La décision de l’Autorité de la concurrence s’impose donc comme une entrave à la progression du groupe dans le sens où Casino possédait déjà, en excluant les parts de Monoprix, 44,3 % des parts de marché en surface de vente sur le secteur de la ville de Paris en 2011.

Florent Polo




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