Les soupçons de Bruxelles : subventions chinoises et distorsions de concurrence au cœur du dossier
La perquisition irlandaise s’inscrit dans le cadre du Foreign Subsidies Regulation, un dispositif récent conçu pour permettre à l’Union européenne de contrer l’influence d’entreprises soutenues par des États non membres. Bruxelles suspecte en effet Temu d’avoir profité de mécanismes financiers et fiscaux provenant de Chine, allant de prêts bonifiés à des allègements ciblés. L’objectif est d’établir si ces appuis permettent au groupe de proposer des prix que des concurrents européens ne peuvent égaler sans intervention publique. La Commission a confirmé cette opération, expliquant avoir « procédé à une inspection non annoncée dans les locaux d’une entreprise active dans le commerce électronique en vertu du règlement sur les subventions étrangères », selon un porte-parole cité par Reuters.
Située à Dublin, l’antenne européenne de Temu constitue une plateforme stratégique pour l’entreprise, qui dirige depuis l’Irlande l’ensemble de ses opérations continentales. Ce choix géographique a longtemps été perçu comme une simple optimisation organisationnelle. Il soulève désormais une autre question : l’implantation sert-elle aussi de relais pour des pratiques économiques susceptibles d’affaiblir la concurrence au sein du marché unique ? Les enquêteurs veulent comprendre comment les flux financiers entre la maison-mère et ses entités européennes s’articulent et si ces mécanismes traduisent une intervention étatique chinoise incompatible avec les règles européennes.
Située à Dublin, l’antenne européenne de Temu constitue une plateforme stratégique pour l’entreprise, qui dirige depuis l’Irlande l’ensemble de ses opérations continentales. Ce choix géographique a longtemps été perçu comme une simple optimisation organisationnelle. Il soulève désormais une autre question : l’implantation sert-elle aussi de relais pour des pratiques économiques susceptibles d’affaiblir la concurrence au sein du marché unique ? Les enquêteurs veulent comprendre comment les flux financiers entre la maison-mère et ses entités européennes s’articulent et si ces mécanismes traduisent une intervention étatique chinoise incompatible avec les règles européennes.
Un modèle agressif qui alimente les interrogations sur le jeu concurrentiel
La croissance fulgurante de Temu en Europe nourrit les soupçons de Bruxelles. Avec environ 116 millions d’utilisateurs mensuels moyens depuis son lancement en 2023, l’entreprise a imposé une présence massive en un temps record. Ce développement n’est pas uniquement lié à des stratégies commerciales innovantes : il repose aussi sur un modèle logistique et industriel intégralement orienté vers la réduction des coûts. Temu s’appuie ainsi sur un système consumer-to-manufacturer mettant en relation directe les acheteurs européens et les usines chinoises. Cette chaîne d’approvisionnement ultra-optimisée minimise les intermédiaires et concentre la valeur à la source, un point qui fait débat chez les concurrents.
Pour les autorités européennes, ce modèle serait difficilement viable à des prix similaires sans une intervention financière étatique en amont. L’écart entre les offres européennes et les tarifs pratiqués par Temu illustre selon Bruxelles une distorsion qui ne peut être expliquée uniquement par une innovation logistique. Le contexte macroéconomique renforce ces inquiétudes : en 2024, 92 % des petits colis arrivant dans l’Union provenaient de Chine, un chiffre qui témoigne de la domination exercée par les plateformes asiatiques sur certains segments de consommation. Cette situation fait peser un risque sur les équilibres commerciaux, mais aussi sur les acteurs locaux — distributeurs, PME et marques de milieu de gamme — qui peinent à maintenir leur compétitivité.
Pour les autorités européennes, ce modèle serait difficilement viable à des prix similaires sans une intervention financière étatique en amont. L’écart entre les offres européennes et les tarifs pratiqués par Temu illustre selon Bruxelles une distorsion qui ne peut être expliquée uniquement par une innovation logistique. Le contexte macroéconomique renforce ces inquiétudes : en 2024, 92 % des petits colis arrivant dans l’Union provenaient de Chine, un chiffre qui témoigne de la domination exercée par les plateformes asiatiques sur certains segments de consommation. Cette situation fait peser un risque sur les équilibres commerciaux, mais aussi sur les acteurs locaux — distributeurs, PME et marques de milieu de gamme — qui peinent à maintenir leur compétitivité.
La stratégie européenne : reconstruire un cadre concurrentiel cohérent face aux géants chinois
La perquisition en Irlande n’est qu’un élément d’une stratégie plus large déployée par Bruxelles pour rétablir des conditions de concurrence jugées saines. L’Union prévoit ainsi la suppression en 2026 de l’exonération douanière sur les colis d’une valeur inférieure à 150 euros, un dispositif longtemps critiqué pour son rôle dans la prolifération d’importations à très bas coût. En parallèle, la Commission a engagé des procédures complémentaires sous le Digital Services Act. Ce texte impose aux grandes plateformes des obligations renforcées en matière de lutte contre les produits illégaux et de transparence algorithmique. Selon la Law Society Gazette, Bruxelles estime qu’il existe un « risque élevé » que des articles non conformes circulent via Temu, ce qui expose la plateforme à une sanction pouvant atteindre 6 % de son chiffre d’affaires mondial.
Cette accumulation de procédures témoigne d’une volonté ferme d’encadrer les acteurs dont le modèle repose sur des chaînes d’approvisionnement extra-européennes. Les autorités appuient leurs mesures sur un principe simple : sans contrôle, les plateformes dominantes créent des barrières d’entrée insurmontables et fragilisent l’écosystème entrepreneurial local. Les risques ne sont pas seulement économiques mais aussi réglementaires, car la capacité de l’UE à faire respecter ses normes est remise en question lorsque des volumes massifs de produits échappent à la surveillance.
Cette accumulation de procédures témoigne d’une volonté ferme d’encadrer les acteurs dont le modèle repose sur des chaînes d’approvisionnement extra-européennes. Les autorités appuient leurs mesures sur un principe simple : sans contrôle, les plateformes dominantes créent des barrières d’entrée insurmontables et fragilisent l’écosystème entrepreneurial local. Les risques ne sont pas seulement économiques mais aussi réglementaires, car la capacité de l’UE à faire respecter ses normes est remise en question lorsque des volumes massifs de produits échappent à la surveillance.
Une tension croissante avec la Chine et une redéfinition du rapport de forces
Au-delà de la seule affaire Temu, cette intervention traduit une évolution notable de la politique européenne vis-à-vis de la Chine. En ciblant un acteur majeur du e-commerce chinois, Bruxelles adresse un message : les avantages tirés d’un soutien public étranger doivent être neutralisés lorsqu’ils excèdent les règles admises dans le marché intérieur. Pour l’Union, il s’agit également de démontrer que les instruments adoptés depuis 2023 — FSR, DSA, réforme douanière — ne resteront pas théoriques. Cette fermeté s’explique notamment par l’emprise croissante de plateformes chinoises sur le commerce de détail européen, un phénomène jugé incompatible avec les objectifs de souveraineté économique défendus par plusieurs États membres.
Cette situation pourrait toutefois accentuer les tensions diplomatiques avec Pékin. Les entreprises chinoises intervenant en Europe dénoncent déjà des mesures protectionnistes déguisées. Temu, quant à elle, n’a pas répondu immédiatement aux demandes de commentaires selon Reuters, adoptant une posture prudente face à une enquête susceptible de bouleverser son implantation européenne. Pour Bruxelles, l’enjeu dépasse le seul cas Temu : il s’agit de déterminer si les règles du marché intérieur doivent évoluer pour résister durablement aux modèles commerciaux émergents.
Cette situation pourrait toutefois accentuer les tensions diplomatiques avec Pékin. Les entreprises chinoises intervenant en Europe dénoncent déjà des mesures protectionnistes déguisées. Temu, quant à elle, n’a pas répondu immédiatement aux demandes de commentaires selon Reuters, adoptant une posture prudente face à une enquête susceptible de bouleverser son implantation européenne. Pour Bruxelles, l’enjeu dépasse le seul cas Temu : il s’agit de déterminer si les règles du marché intérieur doivent évoluer pour résister durablement aux modèles commerciaux émergents.

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