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Gauss Fusion : l’Europe industrielle entre dans l’ère de la centrale nucléaire à fusion




Vendredi 10 Octobre 2025


Le 9 octobre 2025, à Berlin, le consortium Gauss Fusion a dévoilé le Conceptual Design Report (CDR) de GIGA, première centrale nucléaire à fusion commerciale conçue en Europe. Soutenu par le plan allemand pour la fusion, doté de 2 milliards d’euros, le projet marque un tournant industriel : il scelle la volonté de bâtir une filière paneuropéenne capable de rivaliser avec les géants américains et asiatiques du secteur énergétique.



Vers une industrialisation de la fusion nucléaire

Créée en 2022, Gauss Fusion GmbH fédère des industriels et instituts de recherche d’Allemagne, de France, d’Italie et d’Espagne. Son objectif : faire de la centrale nucléaire à fusion un produit industriel reproductible, standardisé et économiquement viable. Le Conceptual Design Report, présenté début octobre, synthétise plus de 1 000 pages d’ingénierie : architecture du réacteur, gestion des cycles de matériaux, sûreté, maintenance et stratégie de construction modulaire, détaille Innovation News Network.

Ce document inaugure la phase dite de « design industriel ». Contrairement aux grands programmes publics de recherche tels qu’ITER, GIGA est conçu comme un produit commercial, avec une chaîne d’approvisionnement intégrée, des coûts de fabrication maîtrisés et un modèle d’investissement hybride. D’après EuroTribune, l’enveloppe globale se situe entre 15 et 18 milliards d’euros, portée à parts égales par le privé et le public.

Cette approche tranche avec la logique expérimentale de la recherche en fusion. Ici, Gauss Fusion vise un calendrier resserré : finalisation des études détaillées en 2028, construction du démonstrateur au début des années 2030 et mise en service du premier réacteur vers 2045 selon Reuters. L’entreprise souhaite ainsi prouver que l’Europe peut industrialiser la centrale nucléaire à fusion avant la fin de la décennie 2030, sans dépendre de technologies extra-européennes.

Une stratégie industrielle paneuropéenne

Le projet GIGA illustre la nouvelle logique d’intégration industrielle européenne dans le secteur de l’énergie. À la différence des initiatives nationales cloisonnées, Gauss Fusion met en place une organisation en réseau :

    en Allemagne, les pôles de Munich et de Greifswald concentrent la conception magnétique ;

    en Italie, l’ENEA développe les modules de blanket et la récupération du tritium ;

    en France, un centre d’excellence à Mérignac (Gironde) est dédié à la cryogénie, aux supraconducteurs et à la métrologie nucléaire.

Au-delà de la R&D, Gauss Fusion a déjà engagé la constitution d’une véritable filière industrielle. L’entreprise prévoit dix recrutements dès 2026 à Mérignac, pour atteindre cent emplois directs en 2030. En parallèle, elle collabore avec Siemens Energy et Thales pour les systèmes de contrôle cryogénique et les aimants supraconducteurs.

Le projet s’appuie sur la chaîne industrielle européenne existante : l’acier suédois, l’électronique allemande, la robotique française et la modélisation italienne. Cette stratégie de “coopétition productive” vise à renforcer l’autonomie énergétique de l’Union tout en consolidant ses capacités d’export technologique.

GIGA, un levier économique et stratégique pour la souveraineté énergétique européenne

Pour l’Union européenne, GIGA dépasse la dimension scientifique : il s’agit d’un instrument de souveraineté économique. L’objectif affiché par Gauss Fusion est clair : produire une énergie compétitive, sûre et prévisible à moins de 40 euros par MWh d’ici 2045, explique Enerzine.

Le modèle économique du projet repose sur trois piliers :

    Standardisation industrielle : conception modulaire pour réduire les coûts de fabrication.

    Économie d’échelle européenne : mutualisation des sites de production et des compétences.

    Capitaux mixtes : association d’investisseurs institutionnels et de fonds publics, avec un partage des risques technologiques.

Cette approche répond à la stratégie de l’UE visant à constituer une filière de technologies critiques sur son sol.

Gauss Fusion assume cette ambition continentale. Le consortium souhaite créer un écosystème de fournisseurs européens capable de produire localement tous les éléments clés : aimants supraconducteurs, matériaux réfractaires, systèmes de confinement, instrumentation. Les premiers contrats de sous-traitance sont attendus dès 2026, au terme de la validation du CDR par un comité indépendan.

Parallèlement, le groupe envisage d’intégrer ses futures installations dans les marchés de l’énergie régulés, en partenariat avec les opérateurs de réseau européens. La centrale nucléaire GIGA, conçue pour une puissance cible d’un gigawatt, pourrait fournir à terme l’équivalent de la consommation annuelle d’une métropole comme Barcelone.
 

Aurélien Lacroix




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