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Produire à perte ? L’État débranche les éoliennes offshore




Mercredi 4 Juin 2025


Depuis le 2 juin 2025, un virage inédit a été pris dans la régulation du secteur de l’énergie renouvelable. Les éoliennes en mer françaises, jusque-là contraintes de produire même en cas de pertes nettes, peuvent désormais interrompre leur production d’électricité en période de prix négatifs. Cette décision s’ancre dans une stratégie de rationalisation économique et de cohérence budgétaire, qui révèle les limites d’un modèle de soutien public longtemps considéré comme intouchable.



Le paradoxe de l’éolienne : produire à perte pour respecter le contrat

Durant des années, les exploitants de parcs éoliens offshore bénéficiaient de contrats d’obligation d’achat, mécanismes garantissant un tarif de vente fixe quelle que soit la situation sur le marché de gros. Autrement dit, même lorsque le prix de l’électricité devenait négatif, l’État continuait à rémunérer les producteurs. Une situation ubuesque, où produire pouvait coûter plus cher que ne rien faire.

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) l’a chiffré froidement : 235 heures de prix négatifs ont été enregistrées au premier semestre 2024, générant un gouffre de 80 millions d’euros pour les finances publiques. Une note salée, absorbée sans sourciller par le budget de l’État, pendant que les électrons excédentaires s’échappaient sans utilité réelle dans le réseau.

Éolienne en mer : le grand ménage des contrats subventionnés

Depuis les 10 et 11 mai 2025, les parcs de Fécamp, Saint-Nazaire et Saint-Brieuc ont inauguré ce nouveau régime. Grâce à des avenants contractuels, ils peuvent désormais cesser de produire temporairement dès que le marché s’effondre, sans être pénalisés. Cette décision marque la fin d’un dogme : celui d’une production renouvelable obligatoire et subventionnée à tout prix.

Le ministère de l’Économie a officialisé ce tournant par un communiqué publié le 2 juin 2025 : « Les producteurs ne seront plus tenus d'injecter de l’électricité quand cela génère un surcoût pour le contribuable ». Désormais, ces installations rejoignent le mécanisme d’ajustement, conçu pour adapter l’offre à la demande réelle. Une évolution qui, selon les experts de la CRE, pourrait s’étendre à l’éolien terrestre via les dispositions de la loi de finances 2025.

Prix négatifs : symptôme ou signal d’alarme pour le modèle énergétique ?

Pourquoi un prix négatif ? L’explication est technique, mais l’effet est clair. Lorsque la production d’énergie excède la demande, notamment lors de périodes de vent fort couplées à une faible consommation (nuit, week-end, périodes printanières), les prix chutent jusqu’à devenir inférieurs à zéro. Dans ce cas, les producteurs doivent payer pour vendre leur électricité.

Dans l’ancien système, l’État comblait la différence, garantissant un complément de rémunération aux opérateurs. Ce mécanisme a permis d’accélérer le développement des énergies renouvelables… mais au prix d’une déconnexion totale entre la production et la logique de marché. En 2024, selon RTE (Réseau de Transport d’Électricité), le nombre d’heures avec prix négatifs a grimpé à 359, soit une explosion de plus de 50 % en un an.

Vers un nouveau contrat énergétique ?

Le remplacement progressif des anciens contrats par des compléments de rémunération indexés sur le marché constitue désormais la norme pour les nouvelles installations. Le principe ? Une rémunération de base issue de la vente directe sur les marchés, complétée uniquement si le prix ne couvre pas les coûts. Fini les tarifs garantis hors-sol.

« Cette évolution est nécessaire pour responsabiliser les acteurs », souligne un responsable de la Direction générale de l’énergie et du climat dans le communiqué officiel du ministère. En filigrane, c’est une logique d’efficience qui s’impose : produire oui, mais seulement si cela a un sens économique et énergétique.

Aurélien Lacroix




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